img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P131117-11.jpg" alt=""L'islamophobie n'est pas le sujet, l'identité oui"" / Son court métrage J'mange pas de porc est en compétition aux Journées cinématographiques d' Alger. Il sera projeté lundi au cours d'une journée spéciale où s'affronteront une douzaine de films. Coécrit par Akim Isker et Mohamed Belhamar, l'histoire se passe à Belleville, la nuit...Zino, jeune supporter de l'équipe de France de foot, vole une pizza sans se rendre compte qu'elle est au porc.. Quelque chose l'empêche de la manger. Le regard des autres? Son éducation? Sa religion ou sa foi? Cette nuit-là, toutes ses contradictions le conduiront à affronter sa propre identité... cette pizza sera à l'origine de la discorde avec sa copine française. Mais resteront-ils longtemps fâchés? Que fera Zino? Un film à voir absolument! En attendant, rencontré à Paris, Akim Isker décortique avec nous ce fabuleux film qui se décline comme un songe, une nuit d'hiver... L'Expression: Dans votre court métrage l'ont sort un peu déçu, car il y a une rupture qui s'opère entre ce garçon et cette fille. On ne voit pas trop l'envie de réconciliation, chacun choisit de revenir vers ses traditions. Il y a une certaine fermeture dans les rapports humains... Akim Isker: Il ne refuse pas de répondre au téléphone, il est plutôt ailleurs. Juste avant, on le voit, il est embêté par rapport à sa copine et il lui envoie un texto. Il ne refuse pas de répondre au téléphone. C'est juste à partir du moment où il y a le flash-back sur son enfance il y a une double interprétation possible du film... C'est peut-être un défaut du film si les choses ne sont pas claires. Une volonté de notre part de laisser au spectateur se questionner sur ce thème-là. De ne pas donner une réponse immédiate sur pourquoi mange-t-on ou pas du porc. En aucun cas j'ai voulu que le personnage fasse un trait par rapport à ses traditions françaises. Bien au contraire. Il s'agit d'être confronté à ses contradictions et pour moi le début de la réflexion commence à la fin du film.. Quand il regarde son père prier, il ne se dit pas la vérité est là. Il se dit tout simplement que cette histoire de cochon a une explication religieuse et en France, pour nous, c'est devenu symboliquement très fort. Comme une attache identitaire. A partir de là, commence sa réflexion. Il suit ni son père ni sa copine. Et c'est cela qui me dérange dans l'interprétation de certains spectateurs qui veulent qu'on choisisse un camp. On ne choisit pas de camp et si c'était autobiographique, je ne choisirai aucun camp. Il s'agit juste de réfléchir sur cette identité qui est double. Pour une grande partie des jeunes d'ici, issus de l'immigration, comme on dit, à la maison, ils peuvent très bien voir leurs parents prier, embrasser du pain lorsqu'il tombe par terre, jeter de l'eau devant la porte quand on part en voyage etc. Des tas de petits gestes qui sont religieux ou pas, de l'ordre parfois du mysticisme et de la superstition, mais en tout cas, ils voient un héritage traditionnel culturel qui vient de leur origine. Cette image du père qui prie, c'est quelque chose dont il ne fait plus attention. Il ne se pose plus la question du poids de la religion dans l'identité de sa personne. Il vit sa double culture le plus normalement du monde. Il ne faut pas oublier qu'au tout début du film, on le voit supporter l'équipe de France.. Mais on a l'impression qu'à la fin, sa culture religieuse le rattrape... et on sent et on lit cette désillusion amère dans son regard... C'est le malaise dont on a voulu parler. Il est effectivement rattrapé pas sa religion, il ne sait pas ce que c'est la religion, il l'a par héritage. Il ne parle pas l'arabe. Il ne comprend même pas l'arabe. Moi avec mes parents, on parle français à la maison. Ma mère était au lycée en France. Je suis issu d'une génération complètement intégrée à la France d'un point de vue culturel. Qu'on le veuille ou non, nos origines sont puissantes. Elles nous rattrapent à tout moment. Elles nous rattrapent surtout dans une contradiction. Moi ça m'arrive de voir dix millions de fois cette scène où je suis dans un festival ou dans un pot avec des acteurs algériens, un verre ou une bière à la main, par contre, on demande s'il y a du porc dans le buffet. Pour moi, c'est une belle contradiction. J'ai réfléchi autour de ces choses-là. Apres, ce qu'on cherche à mettre en place, c'est ce malaise et ambiguïté-là. Pour pouvoir faire réfléchir et pour voir en parler avec les gens. Mais cette liberté qu'on donne aux spectateurs de réfléchir autour de ça est fragile. Elle se traduit dans un axe de caméra, sur quelques images de montage, en trop ou pas assez. A un moment donné, on les a notées, et on s'est demandé avec mon coauteur et coréalisateur s'il fallait rectifier toutes ces fragilités pour avoir un propos beaucoup plus net. Finalement on a préféré laissé le film avec ces fragilités-là. Et avec cette spontanéité-là du montage et ce, quelles que soient les réactions des uns et des autres. En fait, ne serait-il pas question de cette jeune génération d'origine maghrébine qui n'arrive pas à se situer clairement, car en perte de repères identitaires? Il s'agit de ça. Comment ils arrivent à se situer, eux personnellement, par cette perte de repères identitaires. Et on a pris le porc comme un prétexte, un symbole. Les gens me parlent de clichés, mais dans tous les films, il y a des clichés. Pour moi c'est le sujet du film. Il fallait que je mette cette phrase dans mon film: «Je ne mange pas de porc.» Elle nous définit entièrement. A l'école on nous posait souvent la question. Et le fait de répondre qu'on ne mange pas de porc nous situait déjà à part. Quand je partais en colonie j'entendais les animateurs dire: «Ils sont où les sans-porcs il y en a combien aujourd'hui?» Il y a beaucoup de choses comme ça qui résonnent dans la tête d'un enfant qui à un moment donné s'affirme et dit: «Moi je ne mange pas de porc. Il se trouve une identité qui n'est pas forcement relayée à la maison, dans une éducation religieuse bien expliquée par les parents. Elle est plus dans un héritage traditionnel. Je me rends compte qu'il ya encore aujourd'hui dans le regard de l'Autre un malaise vis-à-vis de ces jeunes qui ont deux cultures, deux nationalités, ça leur pose un problème. Votre film tombe à point nommé, disons-le avec cette montée d'islamophobie en France. Quelles ont été les réactions des spectateurs à la vue de votre film? Qu'a-t-il provoqué? Le film a provoqué beaucoup d'avis différents. ça a été très partagé. Je l'ai coécrit en fait avant de réaliser mon long métrage. Donc ça date. Comme quoi ce sujet n'arrête pas d'évoluer et il est dans l'air du temps depuis longtemps. Le sujet de l'intégration est un mot qu'on nous rabâche. Et puis se dérive tout doucement vers l'Islam et l'islamophobie. Pour nous, il était hors de question de parler de porc sans évoquer la religion. Il y a comme un problème avec l'Islam. On n'ose pas trop en parler. Les réactions n'ont pas été vives, peut-être, par ce qu'il y a une peur de l'Islam, mais au contraire elles ont été plutôt bonnes. Le film a été très bien accueilli.Après il y a les discussions purement artistiques et en tant que réalisateur on aime en parler, être critiqué, c'est normal. Le seul truc qui m'a dérangé, ce sont les gens qui voient en ce film, à travers sa fin notamment, un retour vers l'Islam et du coup, là on rentre dans le débat sur l'Islam mais moi je ne veux pas parler de l'Islam dans le film, je parle d'identité. Je n'ai pas fait ce film pour parler d'islamophobie. Et vous pouvez vous imaginer ce que je pense de ça. Ou de toute forme de racisme et de discrimination, ça m'irrite ce débat sur l'Islam en France. Parce que pour moi c'est de la peur. Après je ne me situe pas d'un côté ou d'un autre, par rapport à l'Islam, surtout qu'en tant que réalisateur, surtout pas. Je m'en sers juste comme étant des émotions qui ont été créées sur des personnages, ce qui explique leur comportement dans la société d'aujourd'hui. D'ailleurs, il y a l'appel du muézzin dans le film qui retentit sur tout Paris d'une façon peut-être un peu trop accentuée, amplifiée et qui résonne. On l'entend comme si on était en Algérie, ça choque et pourtant c'est juste un son qui provient de la radio. C'est fait exprès comme si cet homme allait revenir vers l'Islam et ça allait envahir la France. C'est juste le fameux Adan comme moi je l'ai entendu dans les maisons avant d'aller faire la prière ou casser le jeûne du Ramadhan. C'est quelque chose qui est de l'ordre du privé, qui, dans l'esprit des gens, dépasse le privé et vient surplomber la société parisienne et française. Pour moi, c'est de la peur. En aucun cas le personnage dit que le chemin à suivre c'est l'Islam. Il est juste perdu.. Ce sentiment est effectivement accentué lorsqu'il croise la nuit sur ce chemin ce clochard, brillamment interprété par Slimane Dazi. Cet homme lui fait rappeler qu'il ne parle même pas l'arabe et on découvre cette phrase sur le mur... Que vouliez-vous dire par la? Est-ce un choix esthétique? Oui un choix esthétique. On voulait parler de cette douleur, de ce malaise avec beaucoup de douceur. Il nous a semblé que la solitude dans cette ville qui lui appartient (un peu moi quand je me balade dans Alger, je me sens bien, j'y suis né, j'ai l'impression d'avoir mes repères) j'ai la même sensation dans le Paris la nuit. C'est sans doute personnel, mais on a voulu cela pour laisser le personnage errer dans la nuit. Lui laisser une nuit de réflexion. Cette phrase qui est écrite au mur, elle vient souligner l'effet recherché. Elle était là le jour où on a décidé d'aller visiter le décor. C'était comme un signe. Il y avait cette phrase qui dit qu'on apprend beaucoup plus dans une nuit blanche que dans une année de sommeil. On s'était dit que ces jeunes ne réfléchissent pas beaucoup et se laissent aller dans une double culture sans comprendre qui ils sont vraiment. La faute n'est pas toujours sur l'autre. Peut-être si on était mieux dans nos baskets on pourrait réfléchir plus sereinement à ces choses-là. Pour moi, la fin du film est un début de réflexion. La nuit oui c'est purement esthétique et poétique si j'ose dire.. Pour revenir à votre cinématographie, vous avez réalisé juste avant La planque, une comédie d'action produite par Alakis.. Alakis c'est au tout départ une bande d'amis qui était emmenée par une seule personne. C'était une bande de potes qui écrivaient, faisaient du théâtre, des courts métrages qui m'ont assez séduit par leurs délires... Un plaisir de faire du cinéma sans prétention et en même temps en s'amusant. On n'avait pas les mêmes références ciné, ça me faisait rire et ça me plaisait à la fois. Très vite, ils m'ont proposé de participer à une aventure filmique. Là-dessus est née l'idée d'un court métrage que j'ai réalisé qui était écrit par Djalil Nasseri qui est le fondateur de cette association Alakis et ce court métrage a une très belle vie en festival. C'était une comédie à l'anglaise. Elle a super bien marché à tel point que Luc Besson d'Europa Corp a vu le film et m'a proposé d'aller plus loin et Alakis est devenue une société de production, mais a gardé son statut d'association pour continuer à mener ses actions. Je ne suis pas rentré dans la production. Ce n'était pas mon objectif. C'était une coprodution Alakis et Europa Corp.. J'ai donc réalisé ce long métrage. J'ai été au bout de cette aventure avec Alakis. Après ce film, j'ai pris un autre chemin plus personnel. Je l'ai fait avec plaisir même si ce n'était pas du tout mon univers. Bien que je sois avant tout attiré par l'aventure, l'histoire les présages. Il s'avère que dans La planque c'était des braqueurs bras cassés touchants qui se cachaient dans un commissariat avec leur million d'euros parce qu'ils ne savaient pas où les mettre. C'était un court au départ et quand c'est devenu un long je suis resté fidèle à l'aventure et ce bébé est devenu un peu le mien.. Après ce court métrage J'mange pas de porc? Ce film, je l'ai réalisé avant que je ne fasse La planque... Ça m'a pris deux ans. Comme je tenais à ce film, je l'ai fini, monté, je l'ai porté jusqu'au bout et emmené dans les festivals car aujourd'hui faire un court métrage c'est très particulier, c'est une aventure un peu difficile.. En ce moment, j'écris. Je développe de nouveaux projets pour le cinéma. Là, je vais faire un film pour la télé. C'est assez excitant d'accepter un projet télé et de relever ce défi qui est très court en termes de production, mais avec des contraintes assez excitantes.. J'aime beaucoup la télé. Avant Noël, je vais travailler sur deux épisodes d'une série policière. J'ai d'autres projets à la télé et deux autres au cinéma. Je me situe entre ces deux milieux qui sont le ciné et la télé. Moi, je n'ai pas envie de suivre une voie plus qu'une autre. Je vais là où je prends du plaisir, là où je suis sincèrement bien. Je vais rectifier une chose, ce n'est pas mon père, mais plutôt mon grand-oncle, le frère de ma grand-mère, décédé en outre, pendant que je tournais mon premier long métrage qui m'a effectivement donné envie d'entrer dans ce métier-là. Il est mort à 90 ans pendant que j'étais en montage de La planque. Je ne suis pas ses traces, mais je ne l'oublierai jamais. Un mot sur votre expérience ciné en tant qu'acteur? Vous sentiez le besoin d'être devant la caméra? J'ai intégré des cours de théâtre à l'adolescence. J'étais très attiré par le métier de réalisateur par le fait de raconter des histoires, diriger des acteurs, une caméra, par le cinéma dans sa globalité. Là-dedans il y avait aussi l'envie de diriger des acteurs. On a envie d'y jouer aussi un peu. L'envie d'écrire est venue après.. Après de fil en aiguille, j'ai fait un film et puis deux et trois autres. Ce n'est pas le plus important, mais quand ça vient tant mieux et je le fais avec tout mon coeur. Je suis toujours comédien. J'ai fait quelques films dont Viva Laldjérie que vous avez dû voir, avec Nadir Moknache, dont j'ai bien aimé le regard qu'il a porté sur la ville d'Alger. Vous aimeriez donc rejouer dans un film en Algérie? C'est quelque chose qui j'espère, va arriver bientôt. En tant qu'acteur si on me le propose, ce serait avec le plus grand plaisir et en tant que metteur en scène c'est sûr. J'ai des tas de choses à dire sur l'Algérie. Je suis amoureux de l'Algérie. C'est comme ça, l'Algérie est dans mon coeur. Au même titre que la France. Comment vous expliquez. On va dire que l'Algérie, c'est un peu ma mère et la France c'est un peu mon père.. C'est un contact physique inébranlable. On sait d'où on vient. C'est épidermique. Le contact ne se brisera jamais.. L'Algérie, c'est un pays qui me fait autant pleurer que rire. Dès que je mets le pied sur le sol algérien je ressens un frisson et dès que je le quitte, je ne peux pas m'empêcher d'avoir de la mélancolie, un déchirement et ça je l'ai vite compris, mais cela ne change en rien à mon identité purement française. Je ne me sens pas citoyen algérien, mais un vrai citoyen français, par contre, d'un point de vue sentimental, on m'enlevera jamais l'Algérie.