Le bakchich est devenu un geste naturel Aux premiers rangs sur les gradins de la honte, chaque fois qu'un rapport est rédigé en Algérie ou ailleurs, on est sûr à l'avance qu'il épinglera, d'une manière ou d'une autre, notre pays et nous avec. On peut nous balancer, du haut des tribunes réelles et virtuelles, les mensonges qu'on veut, cela ne changera rien à notre dure réalité. L'Equipe nationale de football peut gagner autant de rencontres qu'elle veut, elle peut même remporter la Coupe du Monde, et de l'Univers si elle veut, cela ne rendra pas la réalité des Algériens dans leur pays moins amère ni leur déception moins grande. Parfois on a l'impression que le soleil ne se lève que pour nous insulter et on a aussi l'impression, de temps à autre, que le jour ne s'en va que pour nous éviter. Aux premiers rangs sur les gradins de la honte, chaque fois qu'un rapport est rédigé en Algérie ou ailleurs, on est sûr à l'avance qu'il épinglera, d'une manière ou d'une autre, notre pays et nous avec. Que l'on parle de corruption et nous voilà aux premières loges mondiales. Que l'on parle de mauvaise santé des universités et nous voilà au top des classements. Que l'on publie un rapport sur le manque de transparence dans la gestion des pays et nous voilà, là encore, aux premiers rangs, sur les gradins de la honte. Qu'un ministre s'amuse à faire un diagnostic du secteur de la santé et voilà que 38 millions d'Algériens se mettent à s'arracher les cheveux. Que l'on observe le secteur de la culture et nous voilà partis pour pleurer deux éternités sans interruption. Mais pourquoi donc toute cette précipitation de notre part à toujours figurer parmi les pires de ce monde? Pourquoi cette inaptitude à être comme les autres, tout simplement, comme les autres?! Les années d'applaudissement Est-ce parce que des danseurs du hendaoui ont, chez nous, l'autorité et le rang qui leur permettent de décider pour le pays? Ou est-ce parce que les derviches pullulent là où ils ne devraient figurer sous aucun prétexte? Qui a donc tiré notre pays si bas pour permettre à n'importe qui d'être n'importe où et de faire n'importe quoi et n'importe comment? L'amalgame est si grand dans notre pays qu'il a fini par pénétrer nos esprits et traverser nos âmes. Sont-ce les années d'applaudissement d'un peuple qui ne veut pourtant que paix et sérénité, qui nous ont menés sur ce chemin difficile de l'inconsistance? Ou est-ce l'impunité érigée en principe religieux du système en place qui a fini par fissurer notre réalité au point où tout replâtrage devient impossible? Ou bien alors,sont-ce ces danses inutiles et éhontées que nous reprennent, depuis vingt millions d'années, ces individus qui ne finissent pas d'être déchirés et de déchirer notre société avec, qui nous auraient mis sur le sillon incroyable de l'éternel déphasage par rapport au monde qui nous entoure? Il semble que notre pays soit victime de tout cela en même temps. Et c'est tout cela qui constitue les comportements qui n'ont de cesse de nous faire revenir en arrière à grands pas et de nous éloigner de notre propre futur. Dieu! Que la désillusion est grande et que la chute est bruyante! Hier encore, l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur se plaisait à nous réchauffer, dans un discours destiné à la consommation quotidienne de ses supérieurs, le refrain des chiffres, passant sous silence la catastrophe dont il s'est rendu coupable tant au niveau de nos étudiants que de la consistance de nos diplômes. Hier encore, dans des poèmes de «mad'h» (louange) dont nous avons appris les vers et les refrains par coeur, tellement cela fait longtemps qu'on nous les chante, certains de nos responsables racontaient les prétendues réussites de l'Algérie, une Algérie qu'ils n'ont pourtant cessé d'offenser jusqu'à l'outrage depuis qu'ils se sont vu accéder, sans mérite ni capacités, au rang où le temps leur tend le porte-voix. Les plus grands fossoyeurs du pays l'ont été du côté de l'Education nationale où, réformes après réformes, ils ont fini par mettre à terre une des plus belles écoles du monde. Que l'on regarde ce qu'on a aujourd'hui. Que l'on admire l'oeuvre des destructeurs! Des élèves qui ne demandent pourtant qu'à apprendre et des enseignants qui ne demandent pourtant qu'à enseigner, mais un système qui les tire vers le sous-sol de l'ignorance! Les concepteurs de ce guet-apens ont miné l'université car c'est avec l'output de leur système que se nourrit l'université et, du coup, ils ont miné tout le pays et toute la société et, comble du comble, jusque-là aucune punition n'est venue sanctionner leur oeuvre diabolique et aucune remontrance n'est venue rappeler l'autorité de l'Etat. L'obligation de résultats ne fait pas partie de notre culture lorsqu'il s'agit des affaires de l'Etat. Elle est pourtant le pilier lorsqu'il s'agit de gonfler les ventres insatiables de certains ou de remplir les poches trouées de certains autres. L'impunité ne peut être la règle L'erreur est une erreur. L'incompétence est une incompétence. Et si on ne tue pas les hommes pour leurs erreurs et l'on ne les pend pas pour leur incompétence, il est toutefois nécessaire de rappeler que l'erreur n'existe que parce qu'elle doit être rectifiée et l'incompétence n'existe que pour être combattue en tant que défaillance et comblée en tant que retard par rapport aux autres. Qu'a-t-on donc fait depuis les années 1980 contre toute la médiocrité qui a envahi le pays et qu'a-t-on donc fait pour corriger les erreurs et rectifier le tir là où les choses étaient mal faites ou pas faites du tout? L'Ocde vient de publier hier son classement international Pisa (qu'on traduit en français par Programme international du suivi des acquis des élèves) et en France, dont le classement 18e sur 35, ressemble à s'y méprendre à une gifle, on parle déjà de «choc Pisa» (Le Monde d'hier). C'est le branle-bas de combat sur tous les fronts pour rectifier le tir, c'est l'alerte générale dans l'éducation, dans l'enseignement supérieur et dans les ministères concernés. On veut comprendre comment cela a été possible et comment cela doit être corrigé de suite. L'Allemagne qui a connu le même choc en 2001, rappelle-t-on pour se motiver, s'en est vite remise «à coups de réformes» et avec un coût financier élevé. Voilà des endroits où l'erreur est permise, mais sans toutefois être regardée comme une fatalité car tout est mis en oeuvre pour sa correction. Des endroits où l'impunité ne peut être la règle. Qu'avons-nous fait, chez nous, lorsque les différents classements des universités ont été publiés et nous ont jetés au bas du tableau? L'ancien ministre de l'Enseignement supérieur avait commencé par rejeter la faute sur les organismes de classement en remettant en cause leurs critères et il s'est ensuite mis à réciter les chiffres bidons qu'il avait servis à ses supérieurs depuis 1999 sans jamais comprendre que ce qu'il faisait était la destruction pure et simple de l'Université algérienne! Quand comprendra-t-on enfin qu'il y a obligation de résultats pour tous? Nous ne sommes plus dans les années 1960 où pauvreté, ignorance et insuffisance de cadres obligent, nous avons dû accepter une réalité qui ne nous satisfaisait point. Nous sommes en 2014, c'est-à-dire un demi-siècle après l'indépendance et nous avons eu tout le temps nécessaire pour former les hommes, construire les immeubles et dépenser l'argent. Où est le résultat? Transparency International nous a épinglés ces jours-ci pour la corruption qui gangrène notre société, les différents organismes de classements des universités nous ont épingles il y a quelque temps, et n'eut été le pétrole, nous aurons été épinglés même pas les colporteurs de journaux d'ailleurs. Soyons sérieux! Que nos responsables osent se regarder avec courage dans le miroir que leur tend le père de famille qui peine à rentrer avec sa baguette. Qu'ils se regardent dans le miroir que leur tend l'étudiant qui n'arrive pas à trouver un concours de magistère à passer et que lorsqu'il le trouve, il sait à l'avance que ses chances sont nulles quel que soit son niveau réel. Qu'ils se regardent dans le miroir que leur tendent les licenciés qui ne trouvent pas de travail. Qu'ils ouvrent les yeux sur ce miroir que leur tendent ces jeunes Algériens qui ne peuvent fonder de foyer faute de logement. Cela les aidera à se rendre compte qu'entre l'Algérie qu'on leur raconte, mais qui n'existe pas et celle réelle qui existe bel et bien, mais qu'ils ne connaissent pas, il y a un monde et que pour combler les différences, il faut faire cesser ces comportements qui nous font aller de l'arrière et obliger les responsables à avoir des résultats