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Les faits et les défis
ANALYSE D'UNE ELECTION SINGULIÈRE
Publié dans L'Expression le 14 - 04 - 2004

L'électorat algérien principalement constitué par la jeunesse, est de plus en plus allergique à la langue de bois.
Lors de sa conférence de presse, le ministre de l'Intérieur a énuméré entre autres, les signes avant-coureurs du plébiscite de la reconduction de l'actuel président à la magistrature suprême. La même clé de décodage permet de comprendre la débâcle du candidat du FLN.
Ainsi, parmi ces signes avant-coureurs, il a cité les élections sénatoriales à savoir que 19 des 28 sièges ont été emportés par l'alliance autour du président sortant. Par ailleurs, il annonce que 1,8 million de signatures ont été recueillis par le candidat-président contre 200.000 pour son concurrent immédiat. Enfin, «l'alliance» aurait totalisé 2500 meetings contre 250 pour le concurrent immédiat, enfin les meetings auraient drainé respectivement 1,5 million de personnes contre 260.000 pour son concurrent immédiat.
Une première remarque à faire est que la victoire est un facteur qui semble dépendre, entre autres, du nombre de meetings et de personnes qui viennent écouter. Ce n'est donc pas seulement un problème de contenu de programme, mais un problèmes de moyens.
On nous dit que dans l'ensemble, les élections se sont passées dans une relative transparence. Pour comprendre ce raz-de-marée, il est nécessaire pour cela, de remonter jusqu'aux méthodes élaborées qui ont été mises en oeuvre pour convaincre les foules depuis près d'un an. Parmi ces méthodes, la distribution de la manne pétrolière à toutes les wilayas qui comptent pour des projets élaborés de façon rapide. Le marathon des principales wilayas a été réalisé avant le démarrage de la vraie campagne.
La bataille de l'image
De ce fait, on l'aura compris, la campagne du président-candidat était terminée avant qu'elle ne commence pour les autres. Les 19 jours de la campagne ; soit 50 minutes à la télévision de la campagne pour chacun des candidats sont insignifiants devant le matraquage du vingt heures (en moyenne, trois quarts d'heure pendant près de 300 jours, soit 220 heures. Evidemment, là encore, il n'y a pas photo. Cette campagne a été, en définitive, une bataille de l'image. Le redoutable poids de la télévision est sans commune mesure avec la galère des voyages , l'approximation des rendez-vous pour au plus 4 à 5000 personnes, alors que dans le même temps une émission télévisée permet de rentrer dans tous les foyers.
L'électorat algérien principalement constitué par la jeunesse, bien qu'il soit plus volatil que jamais, est devenu pragmatique, après avoir investi dans le divin au début des années quatre-vingts, il investit dans le matériel et il est de plus en plus allergique à la langue de bois. Même en Kabylie, où le candidat du RCD pensait faire le plein, non seulement les habitants ont voté d'une façon marginale, malgré les appels des candidats, mais de plus il n'y a pas eu de plébiscite régional pour le candidat. Les résultats montreront une distribution dont on ne peut rien en tirer sinon, qu'à l'instar des autres régions du pays, le Kabyle est aussi imprévisible dans ses choix. Ce qu'il a par contre de sûr c'est que cette jeunesse en panne d'espérance , s'accroche à celui qui détient les cordons de la bourse et lui promet la belle vie. Elle ne veut pas faire un saut dans l'inconnu, préférant assurer le quotidien, au besoin en profitant des petits avantages miroités ou réels qui les distraient au propre comme au figuré.
En tout état de cause, si on s'en tient aux statistiques pures, le candidat-président a été réelu avec 83,49 % puis 84,99 % des suffrages exprimés d'après le Conseil constitutionnel Le second candidat se voit regressé à 6,53 %. Si on se rapporte au nombre total de voix, on s'aperçoit que les voix du candidat élu ne représentent pas moins de 50% . Cela veut dire que plus de 50 % n'approuvent pas ou se désintéressent de la politique du candidat-président ou de la politique tout court.
La démocratie, c'est cela. La majorité relative par rapport à ceux qui se sont exprimés permet de gouverner. D'une façon quasi unanime, la presse a pris acte de la victoire de l'ancien président. Ainsi, l'éditorialiste de Libération, Patrick Sabatier, s'inscrit, lui aussi, dans le même registre de lecture : «Le plébiscite à la nord-coréenne de Bouteflika a démontré que l'algérologie reste une science aussi difficile que le fut jadis la kremlinologie».
A quelques différences près, la presse américaine, marocaine, égyptienne et arabe d'une manière générale, n'accrédite pas la thèse de la fraude. Craig S. Smith, l'envoyé spécial du New York Times écrit dans l'édition du 10 avril que la victoire «écrasante» d'Abdelaziz Bouteflika est une «récompense» de ses électeurs «pour avoir apporté la paix à un pays plongé dans plus qu'une décennie de guerre civile brutale». C'est à n'en point douter là qu'est l'explication de ce raz-de-marée. Les Algériennes et les Algériens pensent que le candidat sortant est celui qui a ramené la paix, «les gens sont épuisés de tant d'années de violence, et ils ne voulaient pas risquer un changement».
Pour Bruce George, observateur de l'OSCE, «lors du scrutin du 8 avril, l'organisation de cette élection a été une des meilleures, non seulement en Algérie mais en Afrique et dans le monde arabe». Par ailleurs, la plupart des commentateurs retiennent que le précédent mandat a été sanctionné par «une reprise de l'économie» et la «baisse de plus de 20% de la dette extérieure algérienne». Néanmoins, comme l'écrit J. Keaten d'Associated Press, «les plus importantes réformes économiques n'ont pas eu lieu».
Aux antipodes de ces lectures, l'éditorialiste du Monde souhaite que «Bouteflika II» se saisisse de ce nouveau mandat et devienne l'homme par qui le changement arrive. «Sans doute faut-il espérer que M.Bouteflika sera l'homme de la véritable transition d'un système de gouvernement à un autre, d'une relation plus saine entre l'armée et le pouvoir civil et de rapports moins opaques entre celui-ci et la gestion de la rente pétrolière. Ce sera un beau projet» pour l'Algérie. En clair, le président élu, a du chemin à faire pour devenir le président de tous les Algériennes et des Algériens et pas seulement de ceux qui l'ont élu. Comment le deviendra-t-il , il a cinq ans pour cela. C'est à la fois long, mais c'est surtout court au vu des urgences dans plusieurs domaines et non des moindres.
Pourtant, le président ne dispose pour toute base en termes de base que d'un attelage disparate, hétéroclite inclassable allant de l'extrême droite à l'extrême gauche, des traditionnalistes, des nationalistes, des intégristes, des casse-crouteurs, dont beaucoup manquent d'épaisseur politique intellectuelle pour pouvoir prendre en charge les multiples défis qui attendent le pays. Aux antipodes l'une de l'autre, deux Algérie se connaissent, se côtoient mais s'ignorent. Laminée par la crise de la fin des années 1980, la classe moyenne algérienne s'est réduite comme une peau de chagrin. Subsistent une poignée de riches - de plus en plus riches - et une masse de pauvres. Les nouveaux riches proviennent souvent d'un quart-monde dans lequel chacun redoute d'être aspiré tant il a englouti de gens, ces dernières années. En l'espace de dix à quinze ans, une succession d'événements a fait basculer l'Algérie. Au milieu des années 1980, alors que le pays s'ouvre au libéralisme, la chute des prix du pétrole et celle du cours du dollar provoquent une crise économique sans précédent. L'Etat algérien entre dans le cycle infernal de la dette, avant de se retrouver en état de cessation de paiement. De l'avis de tous les experts, le remède du FMI a été pire que le mal. Le nombre de chômeurs explose et la misère s'étend. Au même moment, le terrorisme surgit : la guerre civile commence. Elle va durer plus de dix ans. Dans un pays où la principale richesse est le pétrole et que ce pétrole ne procure que 3 % des emplois, que faut-il en déduire sinon qu'il faille revoir fondamentalement le fonctionnement de l'économie et tarir l'économie du container au profit de celle du travail de la valeur ajoutée de la sueur pour une création de richesse «in situ». Il est indispensable que le système éducatif soit revu fondamentalement, que l'université soit en phase avec la bataille du développement et que les jeunes diplômés ne sortent pas de l'université pour grossir l'armée des laissés-pour-compte.
De cette cascade de traumatismes est née une autre société. Cette nouvelle Algérie ne sait pas qui elle est, ni où elle va. Anxieuse, elle a perdu ses repères, s'en est fabriqué d'autres - l'argent en est un, majeur - s'en inquiète souvent, se flagelle parfois, et ne se retrouve pas dans les multiples contradictions qui l'agitent. L'islamisme armé des années 1990 est perçu comme une erreur de parcours, sans rapport avec «le vrai islam».
Comment «faire» de l'argent en un minimum de temps? La question taraude tous les jeunes. La success story de Rafik Khalifa est l'exemple ultime. La mentalité des jeunes, d'aujourd'hui, c'est que «tout s'achète et tout se vend». Il suffit d'être malin et de savoir tirer parti de sa position, que l'on soit fonctionnaire, homme politique, douanier ou journaliste. Le langage de tous les jours a intégré des mots comme tchipa signifie «pot-de-vin» ou «dessous-de-table». «Les jeunes se rendent compte chaque jour que la combine rapporte plus que l'effort. Ils n'ont pas de modèle de réussite par le travail bien fait, la sueur , le mérite. Jusque dans les années 1970, il existait un espoir de promotion sociale par les études et le diplôme. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.» Les mentalités ont changé quand le chômage s'est mis à frapper tout le monde, au début des années 1990, et que des milliers de diplomés se sont retrouvés sans travail. La plupart d'entre eux émigrent et il est navrant de constater que l'Algérie a perdu depuis une bonne partie de sa matière grise qu'elle a eu tant de peine à former.
Entre le salaire d'un universitaire et celui d'un «trabendiste», il n'y a pas photo. Les adolescents n'hésitent pas : ils vont se consacrer aux «affaires». Les petits trabendistes travaillent de façon quasi artisanale en prenant l'avion avec deux ou trois cabas emplis à craquer de chemises ou de chaussures de sport. Les gros trabendistes, eux, sont à la tête d'organisations puissantes et contrôlent aujourd'hui le marché des importations ainsi que le commerce de gros. Ils rapportent leurs marchandises non pas dans des cabas mais dans des conteneurs embarqués sur des bateaux. Aujourd'hui, l'»économie de bazar» ne se situe plus en marge, mais au coeur de la vie économique en Algérie. La puissance de ces réseaux est difficile à évaluer et même à imaginer.
Tout et tout de suite
Le développement de l'informel est celui de «l'import-import». 40.000 importateurs pour une poignée d'exportateurs. Les conteneurs qui encombrent le port sont , pour les jeunes, la preuve que la création de richesses, ce sont les autres. Les Algériens se contentant de survivre. Les riches de s'enrichir. Il n'y a pas d'usines. L'Algérie continuera à financer l'emploi des pays qui nous vendent leurs marchandises tant que les dollars du pétrole le permettent. Plus les années noires du terrorisme s'éloignent plus le désespoir des jeunes Algériens augmente. Longtemps, la population s'est contentée de survivre, au jour le jour, entre massacres et pénuries. Aujourd'hui, elle exige de vivre. «Tout, et tout de suite!», crient les adolescents qui ne connaissent plus que le langage de l'émeute. Et pourtant, qu'est-ce qui pousse les jeunes à sortir dans les rues, aux quatre coins du pays, et à se comporter comme des Vandales, sinon la hogra, ce sentiment d'injustice et d'humiliation qu'ils dénoncent tous comme leur souffrance première?
Le candidat du FLN, monsieur Ali Benflis, a-t-il pour antant démérité pour encaisser une défaite aussi sévère? Les sociologues, politologues et en tout cas le premier intéressé devraient étudier les causes de ce revers. Dans l'histoire des nations, il est connu que le pouvoir suprême est une longue quête jalonnée de victoires et de défaites . Seule la conviction du combat juste permet de tenir le temps qu'il faut pour faire aboutir un projet.
En tout état de cause, le paysage politique est profondément mouvant. Le pouvoir a, cependant, besoin d'une alternative crédible capable de cogérer ensemble les grands dossiers qui permettront au pays d'être propulsé vers l'avenir. La complexité des crises multidimensionnelles fait que l'on ne peut faire l'économie des énergies de tous celles et ceux qui ont coeur d'offrir une alternative crédible à la jeunesse à qui il faudra montrer une autre alternative, celle de l'effort et du mérite autre que celle du gain rapide. Le miroir aux alouettes du modèle occidental : cette civiliation de l'éphémère, qui structure insidieusement l'imaginaire de notre jeunesse est , de loin, plus insidieux et dangereux que tous les dangers déjà encourus car il contribue à cette errance identitaire qui est la première cause à laquelle, toute affaire cessante, il faut s'attaquer.


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