La chipie de Dar Sbitar revient dans le nouveau film de Nadir Moknache, Viva Laldjérie après Le Harem de Madame Osman... L'Expression : Pourriez-vous nous parler du rôle que vous interprétez dans le nouveau film de Nadir Moknache, Viva Laldjérie? Biyouna : Je joue le rôle de papicha, une maman, ancienne danseuse qui habitait à Sidi Moussa avec son mari. Puis vint le terrorisme. Elle a eu peur, elle quitta Sidi Moussa et partit se réfugier dans un hôtel. Son mari est mort de chagrin. Elle restera seule avec sa fille Goussem. Elles sont livrées à elles-mêmes. Papicha se fait entretenir par sa fille. Celle-ci travaille chez un photographe et se fait entretenir par un médecin. Faut bien qu'elle se débrouille, comme il en existe plusieurs dans son cas. Pourquoi le cacher? Seulement, Nadir Moknache est un casse-tabou. Tout ce que les gens pensent tout bas, lui, il le dit tout haut. Les homosexuels aussi, existent bel et bien chez nous, y compris les prostituées. Ces dernières sont des victimes de la société. Elles me font de la peine. J'en ai rencontré une et lui ai demandé pourquoi elle faisait cela, alors qu'elle était jeune, en pleine forme et qu'elle pouvait faire autre chose. Elle m'a répondu que travailler chez un couple, c'était impossible car la femme serait jalouse d'elle. Et puis le harcèlement sexuel fait fureur dans les hôtels où elle a travaillé. C'est pourquoi elle a arrêté. Elle dit faire ça pour ses frères. Elle se sacrifie pour eux, pour qu'ils aillent à l'école. Cependant, notre société est sans vergogne, sans pitié. On dit que le film est truffé de scènes «osées» ou provocatrices. Qu'en pensez-vous? Quelques scènes sont un peu osées, mais pas vulgaires. Nadir s'est pas mal baladé à Alger. Il tourne ce qu'il voit. On ne va pas se mentir à nous-mêmes ! C'est ça un film, non? J'aimerais bien qu'on montre dans un film ceux qui ont dilapidé l'Algérie, par exemple... Que vous a-t-il plu dans le scénario de Nadir Moknache? C'est le fait de montrer la femme algérienne telle qu'elle est aujourd'hui. Ce n'est plus la campagnarde qui porte du bois sur son dos comme certains peuvent le croire, ni la femme qui met le pantalon... Au contraire, Nadir a montré l'ambiance de l'Algérie, la beauté. Pourquoi le français est la langue exclusive utilisée dans le film et parlée par les acteurs, y compris par vous, Biyouna? Et votre langue dans tout ça? Parce que c'est une production française. Même Le Harem de Madame Osman, mon premier film avec Nadir Moknache a été produit en français. Donne-lui de l'argent et il te le produira en arabe ! Avez-vous eu quelques appréhensions à tourner ce film? Non, pas du tout. Je n'ai pas peur des critiques. Depuis que j'ai commencé à faire ce métier, les gens me critiquent. On m'a toujours marginalisée, mise à l'index. Il y a des gens que j'appelle, moi, «les coyotes». On vient demander mon numéro de téléphone et ces gens refusent de le leur donner. Je ne sais pas pourquoi. Je dérange ! Peut-être que je suis une grande gueule ou bien mon défaut c'est d'être trop franche. Mais on m'a de tout temps sabotée. Quand un producteur ou un scénariste vient me chercher, on lui dit : «Tu veux cette illettrée-là ! Cette médiocre !» En tout cas, la médiocre fait archicomble ! Depuis que j'ai rencontré Nadir Moknache, je ne travaille pas avec n'importe qui. C'est clair, mon niveau a évolué dans le domaine de la créativité comme on dit. Et je veux encore m'améliorer. Moknache m'a ouvert les portes de l'étranger. J'aimerais bien travailler avec les nôtres, notamment avec Si Ben Ameur Bakhti, incha Allah... Maintenant j'ai un agent. C'est lui qui, désormais, s'occupe de moi. D'autres films en préparation? Oui, j'ai un film à Toulon. Il s'appelle La rue des figuiers, il sera réalisé par une beurette, Yasmina Yahiaoui. Il traite des problèmes de l'émigration entre la nouvelle et l'ancienne génération, qui est restée attachée aux traditions...