Ce qui se passe dans les territoires occupés dépasse l'entendement : quand le terrorisme israélien est conforté, la résistance palestinienne est clouée au pilori. Une situation à tout le moins bizarre lorsque Washington menace de sanctionner Arafat, qui n'en ferait pas assez pour réprimer le «terrorisme». Tout est donc, dans l'approche qui est faite de la suite d'événements qui secouent le Proche-Orient depuis plus de seize mois. La nouveauté est dans le fait que les Etats-Unis qui ont, jusqu'ici, essayé de garder une certaine distance, malgré leur soutien sans équivoque à l'Etat hébreu, donnent l'impression de se défaire de cette réserve en épousant, sans autre forme de procès, le point de vue de la partie belligérante israélienne. Cela est-il en fait compatible avec la position de parrains du processus de paix que se veulent être les Etats-Unis? Les relations privilégiées entre Washington et Tel-Aviv sont, certes, un paramètre admis dans le contentieux israélo-palestinien, mais encore fallait-il que l'Administration américaine observe une certaine réserve qui ne mette pas à mal le crédit des USA comme médiateurs entre Israël et l'Autorité palestinienne. Cela ne semble plus le cas lorsque successivement, le président Bush et son secrétaire d'Etat Colin Powell ne prennent plus de précaution pour évoquer la situation au Proche-Orient et les éventuelles sanctions à prendre contre le président Arafat. Ainsi, Colin Powell, dans une déclaration à la presse, attendait-il de Yasser Arafat «une action forte, résolue et irréversible pour faire cesser la violence anti-israélienne», affirmant que Washington disposait «d'un éventail d'options pour sanctionner» le président palestinien. Que faisait le secrétaire d'Etat américain lorsque Israël a pris en otage un chef d'Etat, Yasser Arafat, tout en multipliant les exactions contre les Palestiniens, par la destruction des infrastructures de l'Autorité autonome, par l'assassinat ciblé de responsables et cadres palestiniens? Mesures de terreur qui n'ont suscité aucune réaction de la part de Washington. Comment le «parrain» américain pouvait-il assimiler la résistance palestinienne, condamnée en tant que «terrorisme», sans, dans le même temps, dénoncer les représailles disproportionnées de l'armée israélienne qui détruit méthodiquement la présence palestinienne dans les territoires palestiniens occupés? En faisant chorus avec le criminel de guerre Ariel Sharon, et sienne son explication de l'affaire du Karine A (le cargo chargé d'armes arraisonné par les Israéliens au large de la mer Rouge), en accusant Arafat de renforcer «la terreur», le président George W.Bush a choisi nettement son camp s'excluant de fait en tant que médiateur impartial cherchant les voies et moyens de mettre un terme à un contentieux demi-centenaire. La force n'a jamais rien résolu, c'est cependant sur la seule force que comptent les Israéliens, suivis en cela par les Américains, pour réduire la résistance palestinienne, les uns et les autres ne tirant ainsi aucune leçon des échecs de ces dernières décennies. Obnubilés par leur combat contre le terrorisme, les Etats-Unis ne voient pas, ou feignent de ne pas voir, le terrorisme d'Etat, le plus dangereux en fait, pratiqué par Israël contre un peuple sans arme, coupable de revendiquer son droit à construire son Etat indépendant dans les territoires qu'Israël occupe indûment depuis quatre décennies. Comment peut-on désigner les destructions des infrastructures de l'Autorité autonome, les assassinats ciblés de cadres palestiniens autrement que du qualificatif de terrorisme d'Etat, lorsque Israël emploie, pour y faire, son arsenal militaire le plus puissant et le plus sophistiqué? Est-ce comme cela que les Israéliens escomptent rétablir la confiance entre les deux peuples? Dès lors, la position aussi ostensiblement pro-israélienne prise par l'administration américaine n'est pas faite pour restituer au dossier proche-oriental la sérénité indispensable pour un éventuel retour à la table de négociations. De fait, cette position ne relève plus du traditionnel deux poids, deux mesures, mais bien du parti pris et de collusion avec un pays, Israël, dont le chef de gouvernement, Ariel Sharon, a choisi, en connaissance de cause, de détruire le processus de paix en détruisant tout ce qui le rappelait, en creusant davantage le fossé entre les deux communautés arabe et juive. Qu'a fait le président Bush, depuis son accession à la magistrature suprême des Etats-Unis, pour mettre en garde contre une telle attitude qui ne pouvait que nuire aux tentatives de parvenir à un accord négocié entre les deux parties? N'entendant qu'un seul son de cloche, celui d'Israël, le chef de l'Administration américaine n'a pas su avoir l'attitude pondérée attendue du chef de la première puissance mondiale. Or, a contrario, M.Bush met à la disposition d'Israël cette puissance des Etats-Unis pour cautionner les menées terroristes du criminel de guerre Ariel Sharon. Il est bien plaisant pour George W.Bush que de demander à Yasser Arafat, un homme prisonnier, pris en otage par l'armée israélienne d'occupation, qui ne dispose plus de sa police désarmée et dispersée par l'armée d'occupation, de faire cesser le « terrorisme » quand lui-même s'apprête à recevoir (le 7 février prochain), pour la quatrième fois en cinq mois, le boucher de Sabra et Chatila, Ariel Sharon, avec lequel le président américain, disent les dépêches d'agences, va mettre au point une « coordination stratégique » sur la guerre «antiterroriste et le conflit israélo-palestinien». Ainsi, Washington honore l'assassin des Palestiniens et le déprédateur de la Palestine, et condamne celui qui lutte pour la paix. Ainsi va la loi des plus forts: Sharon assassine, Arafat sanctionné!