Egal à lui-même, le président de la République continue à faire de sa démarche de «réconciliation nationale» l'une des priorités de son second mandat. «Je voudrais que ce deuxième mandat, que vient de me conférer le peuple algérien, serve à consolider les résultats de la concorde civile», a t-il déclaré, hier, lors de la cérémonie de son investiture officielle à la magistrature suprême. Le chef de l'Etat, qui a introduit ce concept dans le vocabulaire politique national dans une période extrêmement confuse, s'enhardit à faire aboutir son «projet» à mesure que la situation sécuritaire s'améliore. Il est allé jusqu'à dire que toutes les «avancées» enregistrées durant son premier quinquennat ont un lien direct avec le «succès» de la concorde civile. A titre d'exemple, il a cité les précédentes présidentielles en affirmant que «c'est grâce à la politique de concorde civile que l'élection présidentielle a pu être organisée de la manière la plus normale et qu'elle s'est déroulée à la satisfaction de tous, et notamment des nombreux observateurs étrangers que différentes institutions internationales ont délégués pour en suivre les phases successives». Même les chantiers d'envergures que Bouteflika compte lancer ou achever sont tributaires, a t-il insisté, de «la promotion de la réconciliation nationale». «On doit promouvoir la réconciliation nationale qui en élargirait les effets et nous permettrait, en renforçant la cohésion de notre société, en combattant l'exclusion et la pauvreté, de consacrer l'ensemble de nos énergies et de nos ressources au développement de notre pays», a-t-il martelé. Donc, si pour certains, la «réconciliation» n'a pas ramené «la paix promise», Bouteflika les défie en exhibant des constats palpables. «Est-ce que 2004 est 1999 en matière de sécurité ?», a-t-il pris l'habitude de répliquer à tout avis critique. Partant de ce principe, il ne nourrit, aujourd'hui, aucun complexe à clamer haut et fort que sa démarche réconciliatrice n'est pas une «abdication» mais «une condition incontournable en vue de retrouver la paix». Ainsi, cette initiative est devenue une référence pour l'écrasante majorité de la classe politique. Beaucoup d'acteurs s'efforcent de se forger leur «propre réconciliation». C'est le cas de Rebaïne, président de AHD 54, qui a introduit ce chapitre dans son programme politique. Idem pour Benflis, secrétaire général du FLN, qui a parlé d'une «nécessaire réconciliation entre le citoyen et son Etat». Le leader du MRN, Djaballah, a complètement accusé Bouteflika de «plagiaire politique» en s'attribuant un volet qui est le sien. Peine perdue. Ces «réconciliateurs de la dernière heure» n'ont pu s'accommoder d'un programme qui ne leur appartient pas. D'autres ont tout bonnement fait leur mea culpa. Ouyahia, numéro un du RND, en est un. D'un irréductible éradicateur, il adopte aujourd'hui la «réconciliation». De leur côté, des pans entiers de la société y croient comme unique solution à l'effusion de sang. Et si Bouteflika a, à présent, le vent en poupe, c'est surtout grâce à sa persévérance et sa détermination à déblayer un terrain semé d'embûches. Après un mandat où sa «réconciliation» est assimilée à toutes les «capitulations», il surprend ses contradicteurs par des résultats concrets.