Le Bangladesh s'enfonçait dans la crise hier au lendemain de législatives boycottées par l'opposition, la Première ministre jugeant sa victoire légitime et rejetant sur ses opposants la responsabilité des violences meurtrières survenues dimanche. Sheikh Hasina a estimé que le principal parti d'opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP) avait fait une erreur en ne participant pas au scrutin, et n'a montré aucun signe d'ouverture en direction de sa rivale historique et chef du BNP, Khaleda Zia. Le parti de Mme Hasina, l'Awami League, a remporté 80% des sièges, faute d'adversaire dans nombre de circonscriptions, à l'issue du scrutin le plus violent qu'ait connu le Bangladesh, les émeutes dimanche ayant fait au moins 26 morts. Le BNP réclamait la mise en place d'un gouvernement neutre et provisoire avant l'organisation d'élections, comme ce fut le cas dans le passé, mais le gouvernement a refusé. Le boycott du scrutin par l'opposition «ne signifie pas que se pose une question de légitimité», a estimé Sheikh Hasina. «La population a participé aux élections et d'autres partis ont également participé», a-t-elle dit à des journalistes réagissant pour la première fois à ces élections. La chef du gouvernement a souligné qu'elle avait proposé à sa rivale Khaleda Zia de participer à un gouvernement intérimaire conjoint avant le scrutin. «J'ai fait de mon mieux, je vous l'ai dit, j'ai offert des ministères, de partager le pouvoir avec notre opposition. J'ai fait le maximum possible mais ils n'ont pas répondu», a-t-elle déclaré à des journalistes étrangers depuis sa résidence officielle à Dacca. «Maintenant, s'ils pensent qu'ils ont fait une erreur en ne participant pas à l'élection, peut-être peuvent-ils manifester leur volonté de discuter ou faire une proposition», a dit Sheikh Hasina. «S'ils proposent de discuter avec nous, ils vont devoir abandonner toute activité terroriste car ce qu'ils font, c'est tuer des gens, des policiers, des personnes innocentes», a-t-elle estimé. La mort de 26 personnes dans des émeutes qui auront vu des milliers de manifestants attaquer des centaines de bureaux de vote, saccagés ou détruits par le feu, élargit la fracture politique dans cette jeune démocratie qui a connu une vingtaine de coups d'Etat depuis son indépendance en 1971. Aucun chiffre de participation électorale nationale n'a été communiqué mais selon un haut responsable, il n'a atteint que 22,8% à Dacca. Le journal Daily Star a déploré l'élection la plus sanglante de l'histoire du pays et proclamé «la victoire sans substance» de l'Awami League «qui ne lui donne ni mandat ni légitimité éthique pour gouverner». L'opposition a de son côté reconduit la grève générale jusqu'à demain alors que sa dirigeante Khaleda Zia est de facto assignée à résidence depuis près de deux semaines.