Peinture à l'huile des plus saisissantes Apres avoir exposé Forza Femina, l'année dernière au Bastion 23, l'artiste plasticien Zoubir Hellal revient avec une nouvelle expo/rétrospective de sa jeunesse. Il s'agit en fait d'oeuvres inédites entre peintures et dessins qu'il nous invite à découvrir à Dar El Kenz à partir de samedi 8 février prochain et ce, durant un mois. Ces peintures et dessins ont été réalisés entre 1973 et 1977, une collection jamais montrée auparavant en Algérie. Des oeuvres réalisées alors que notre artiste était étudiant en art de décoration et architecture d'intérieur. Il fréquentait les Beaux-Arts de Paris et habitait la cité des Arts. C'est là où ces peintures vont naître. C'est donc des ondes de réflexion du jeune Hellal Zoubir, 40 ans, auparavant qui nous seront dévoilées pour la première fois, comme témoin d'un passé, d'une recherche artistique et esthétique, mais aussi de la continuité en la foi dans des idéaux jamais révolus ni éteints. L'intitulé de l'exposition fait écho au titre du livre du psychanalyste autrichien Wilhelm Reich (1948), un homme singulier qui fut persécuté pour ses idées libérales jusqu'à sa mort à qui Zoubir Hellal rend hommage, mais aussi également à Mohamed Boudia, révolutionnaire et homme de théâtre, grand militant de la cause nationale algérienne et un homme de culture. Il a été aussi le directeur du théâtre de Nanterre, en France. Il fut assassiné en 1973 par les services secrets israéliens, le Mossad. Le choix que porte notre artiste sur ces deux hommes n'est pas fortuit surtout en ces temps de repli sur soi, de remise en question post-printemps arabe. S'il n'est plus l'heure de palabrer sur le temps des indépendances africaines, il est toujours utile de réfléchir sur le sort de ce continent qui n'a peu ou prou appris sa leçon et se noie dans une forme de néocolonisation qui ne dit pas son nom, le tout au nom de la mondialisation galopante. Une ouverture vers l'Autre qui a porté ses fruits certes, mais qui tend vers une nouvelle forme d'asservissement si l'on n'en prend pas bien garde. Si l'oeuvre de l'artiste est saupoudrée de quelques poésies soufies, notamment de Djallal Eddine Roumi ou encore de préceptes philosophiques de Wilhelm Reich, c'est pour nous maintenir d'emblée en garde contre la suprématie de la matière sur l'homme et sa vacuité éphémère dans le temps. De ce fait, les peintures à l'huile réalisées par le jeune Hellal Zoubir à l'époque témoignent de cet ancrage dans une démarche philosophique qui tend à séparer l'âme du corps, tout en insufflant à ces deux entités une force matérielle incontestable réunies dans ce monde bête et méchant et traduit par des couleurs sombres et colorées qui s'estompent et des figures abstraites presque cauchemardesques. Des spectres humains qui se détachent de tout dans un magma de monde disloqué où l'on distingue par moment un corps découpé en lambeaux, des bras et des têtes ensanglantés et au regard ahuri. La main revient souvent, soulignant en filigrane l'effort collectif qui réunissait l'homme au temps du socialisme ambiant de l'époque. L'oeuvre La corde est des plus éloquentes, mettant en scène un homme accroupi, le bras attaché à une corde comme tenu par une force mystérieuse externe qui le guide comme un funambule. Une forme de domination et d'esclavagisme sous-jacent que dénonce incontestablement Hellal Zoubir et réfute sa présence en tout temps. Une réflexion aussi sur la fragilité humaine. L'homme douée d'une sensibilité qui le fait fléchir par moment. Une faille atemporelle qui fait la condition de l'être humain, entre force et faiblesse. Et c'est ainsi jusqu'à la nuit des temps. Désigner aussi, Hellal Zoubir a étudié en Algérie et en France dans le domaine de l'art et de l'architecture d'intérieur. Il enseigna également à l'école des Beaux-Arts d'Alger et est membre du groupe des 35 peintres et du groupe Essebaghine (Alger 2000). Il réalisa, notamment la fresque du tunnel des Facultés d'Alger en duo avec le peintre Salah Malek. Ses oeuvres sont dans les collections permanentes de nos Musées algériens (Beaux-Arts, Zabana) mais également à l'étranger. Notre artiste a plus d'une corde à son arc. Un bonhomme dont notre jeune génération d'artistes doit s'inspirer et prendre acte.