Un long texte d'une douzaine de pages met en garde ceux qui sont tentés par le dépôt des armes. «Ni trêve, ni dialogue, ni réconciliation». Depuis mai 1994, cette formule fait florès chez les deux groupes les plus radicaux en Algérie, le GIA et le Gspc. Les grands mouvements de trêve enregistrés à partir de 1997 ont été couverts du sceau de la légalité et les hommes qui ont déposé les armes ont été intégrés dans un mouvement de concorde civile et «couverts» par des textes de loi amnistiante. Ceux qui, au lendemain du 13 janvier 2000, date butoir donnée aux derniers islamistes armés pour déposer les armes, ont préféré les chemins escarpés des maquis, sont en fait, des irréductibles des groupes armés, des convaincus, des «combattants de la foi». C'est bien cette catégorie d'hommes qui constitue aujourd'hui l'ossature et l'encadrement des actuels groupes combattants, et c'est bien cette direction qui refuse tout compromis avec les autorités, interdit toute allusion à la trêve et frappe de «ridda» (apostasie) toute action menée vers une fin des hostilités. Plusieurs communiqués sont venus contredire les différentes rumeurs qui avaient mis le Gspc en situation de négociateur d'une trêve, dont deux, en 2000 et 2002, signées par Abou Hamza Hassan Hattab. Il y a quelques semaines, un long texte, sous forme de dialectique djihadiste, demandait au référent doctrinal du Gspc si le fait de filmer des scènes d'attentats était licite. La réponse, longue et érudite en citations et textes d'exégèse, ne tarda pas : si les images diffusées «sont de nature à remonter le moral des troupes et donner du crédit à l'action armée des moudjahidine, alors elles deviennent non pas uniquement licites, mais aussi nécessaires». Aussitôt dit, aussitôt fait : quelques jours après, des images montrant un attentat d'un groupe du Gspc contre des jeunes appelés de l'armée algérienne sont diffusées sous forme de cassette-vidéo. La stratégie de communication du Gspc n'est pas sans rappeler celle d'Al Qaîda, qui utilise ce même genre de procédé pour tenir haut le moral de ses hommes et frapper l'esprit de ses poursuivants. Quelques jours avant l'élection présidentielle du 8 avril dernier, un long texte d'une douzaine de pages avait été placardé un peu partout dans les maquis de l'Est algérien. «Ni trêve, ni dialogue, ni réconciliation», était-il dit dans le texte, qui ne reconnaît ni les élections ni les velléités de dialogue formulées par certains hommes «de bonne volonté». Mieux, tous les repentis du Gspc, tous les trêvistes qui ont déposé les armes sont frappés d'apostasie «pour avoir délibérément rompu le serment d'allégeance à l'émir» («faskh el moubayaâ»). Cette sentence est synonyme de condamnation à mort dans la littérature djihadiste. L'assassinat au début de l'année du jeune repenti du Gspc à Bachdjarah obéit à cette logique. Celui, il y a un peu plus d'un mois, de l'imam Abdennacer Abou Hafs, en plein centre d'El Harrach, obéit lui à d'autres considérations, dont peut-être celle d'avoir refusé la fonction qui lui avait été proposée par la direction, d'être l'officier-juriste de l'organisation. Voilà donc «la formule directe» du Gspc pour faire pièce à la réconciliation nationale et à la trêve de ses groupes: frapper les esprits par l'argument théologique ou par l'assassinat. Cette démarche très «made in Nabil Sah-raoui» met fin à celle initiée dès 2000 par Hassan Hattab, et qui permettait un débat d'idées au sein de l'organisation. D'ailleurs, c'est sur la base d'une série d'entretiens (enregistrés en plusieurs cassettes-audio) avec des érudits de la péninsule arabique que la quasi-totalité de la Katibet El Ghoraba a été convaincue de quitter les maquis et de déposer les armes. Avec la mort de Abderrezak El Para et l'exclusion de Hassem Hattab, le Gspc, version Sahraoui, risque de n'être qu'une longue suite de «ni trêve, ni dialogue, ni réconciliation».