Il s'agit pour M. Moratinos de promouvoir le pacte d'amitié en actions concrètes. La coopération entre les rives nord et sud de la méditerranée, impulsée par le processus de Barcelone, est en passe de se développer en partenariat stratégique. L'Algérie qui vient de conclure un accord d'association avec l'Union européenne, à une longueur de retard par rapport au Maroc et à la Tunisie, est désormais le partenaire économique privilégié des principales capitales occidentales. Après la visite du chef de l'Etat français, en Algérie, au lendemain de la présidentielle du 8 avril dernier, qui avait plaidé en faveur d'un traité d'amitié algéro-français, c'est au tour de l'Espagne de frapper à la porte d'Alger. Premier partenaire économique de l'Espagne dans le monde arabe et le dixième dans le monde, l'Algérie assure plus de 60% de la consommation énergétique espagnole. Les travaux de construction d'un deuxième gazoduc, baptisé Medgaz, représentant un investissement de 1,3 milliard de dollars, devraient commencer l'été 2004. Ce gazoduc, sera opérationnel en 2006. La visite du ministre espagnol des Affaires étrangères en Algérie, vise d'après Madrid à «raffermir l'alliance stratégique» avec Alger. Une alliance, précise M.Miguel Angel Moratinos, lors d'une conférence de presse conjointe animée lundi avec son homologue algérien, M.Abdelaziz Belkhadem, sera scellée au mois de novembre prochain, à travers la rencontre de haut niveau qui regroupera M.Abdelaziz Bouteflika et le premier ministre espagnol, Zapatero, pour la concrétisation du traité d'amitié signé entre les deux pays à Madrid, le 8 octobre 2002. Il est même question de la convocation de réunion des chefs d'Etat et de gouvernement des pays impliqués dans le processus de Barcelone. Mais faut-il encore préparer les conditions adéquates, poursuit, M. Moratinos. D'ores et déjà indique-t-il, des visites ministérielles pour élaborer un plan de travail qui sera présenté à cette rencontre, sont au programme. Ainsi, contrairement à la France qui compte «développer la déclaration d'Alger en traité d'amitié», les autorités ibériques semblent faire montre de plus de pragmatisme. Car il s'agit, affirme le chef de la diplomatie espagnole, de «promouvoir le pacte d'amitié en accords sectoriels et établir un calendrier institutionnel de rencontres entre les responsables des deux pays». Une nouvelle impulsion aux relations bilatérales jusque-là limitées au secteur des hydrocarbures, qui devrait s'élargir à d'autres secteurs, comme les travaux publics, l'eau, l'électricité, sans compter les PME où les Espagnols disposent d'une grande expérience, en plus du secteur des finances, puisque, M.Moratinos trouve «incroyable» qu'il n'existe aucune Banque espagnole en Algérie. «L'heure est arrivée pour les entrepreneurs espagnols, de venir en Algérie, de développer une coopération tous azimuts avec leurs homologues algériens». En matière de libre-circulation des biens et des personnes, il est question pour Alger et Madrid de conjuguer leurs efforts, en vue de lutter contre l'émigration clandestine, le trafic de drogue et le terrorisme. Dans le cadre de la coopération en matière de lutte antiterroriste, les deux pays ont convenu de la mise en place d'une commission conjointe pour faire face à ce fléau. Les deux ministres de l'Intérieur devraient se rencontrer prochainement, ajoute M.Moratinos. Interrogé par un confrère quant à l'implication de terroristes algériens dans les attentats du 11 mars dernier à Madrid, le ministre espagnol a été on ne peut plus catégorique : «aucun». Toutefois, M.Moratinos a indiqué qu'il était important pour les autorités espagnoles «de connaître le contenu des sermons prononcés dans les mosquées d'Espagne qui se sont développés de façon totalement incontrôlée». Avant de préciser qu'il ne s'agissait pas de porter atteinte à la liberté de culte «qui doit être maintenue». Ce qu'il faut, «c'est lui offrir l'espace où elle pourrait s'exprimer». Sur un autre volet, M.Belkhadem «des discussions sont en cours entre Alger et Madrid autour de la reconnaissance du permis de conduire algérien en Espagne, l'accueil de la main-d'oeuvre saisonnière...et la définition des frontières maritimes entre les deux pays.» Unis par l'histoire et le voisinage, l'Espagne et l'Algérie, souligne le chef de la diplomatie espagnole, doivent encourager l'édification, dans les meilleurs délais, de l'Union du Maghreb arabe (UMA) car, a-t-il affirmé : «C'est un enjeu stratégique pour l'Algérie, pour l'Espagne et pour l'Europe». Une aspiration qui demeure, cependant, tributaire du règlement du dossier du Sahara occidental, à l'origine du froid entre Alger et Rabat. Un faux argument, rétorque Abdelaziz Belkhadem, sachant que le conflit entre le Maroc et le Front Polisario est du ressort de l'ONU et que rien n'empêchait l'Algérie «qui ne se pose pas en tuteur du peuple sahraoui» de renforcer leur coopération. Par rapport à ce dossier déterminant pour la région du Maghreb, l'Espagne, qui se réjouit de la prorogation de six mois du mandat de la Minurso au Sahara Occidental, «oeuvrera dans le cadre des Nations unies, à encourager le dialogue entre les parties concernées».