Les animateurs de cette rencontre comptent avec l'intransigeance exprimée «ou mal interprétée» dans la plate-forme d'El Kseur. Une réunion qui regroupera des industriels, d'anciens délégués, des artistes, des ex-députés et des ex-présidents d'APC, des hommes politiques ainsi que des personnalités influentes en Kabylie, aura lieu au plus tard la troisième semaine du mois de mai à Alger, ont indiqué, à L'Expression, des citoyens de la région, chargés de préparer ce rendez-vous. «Tout le monde sans exclusion, est convié à cette réunion mais sans porter, ni la casquette de délégué ni la qualité de porte-parole de la région.» La réunion sera couronnée, précise-t-on, par un appel qui s'adressera aussi bien à la population de Kabylie, qu'au premier magistrat du pays. Le président Bouteflika sera impliqué personnellement à travers cet appel et sera sollicité en urgence sur les échéances pour le règlement du problème des instances élues en Kabylie. En outre, un document de revendications à satisfaire en urgence, sera élaboré pour le règlement définitif de la crise. «L'offensive», comme qualifiée par la même source, apporte du moins en apparence, deux faits nouveaux : les animateurs de cette rencontre comptent en finir avec l'intransigeance exprimée «ou mal interprétée» dans la plate-forme d'El Kseur. Le caractère scellé et non négociable clot les quatorze points du document d'El Kseur élaboré le 11 juin 2001. «La Kabylie ne peut plus se permettre le luxe de rester à la traîne des autres régions du pays». Il s'agit donc pour ses citoyens de «désacraliser» et de «démystifier» la plate-forme d'El Kseur. La seconde nouveauté, est que le rapprochement avec le pouvoir ne sera plus considéré comme un dialogue, mais exclusivement comme une négociation point par point. «Il faut arracher au pouvoir ce qu'on peut immédiatement et en urgence. Pour les autres points, les négociations doivent se poursuivre de même que la Kabylie doit vivre.» Evidement, la question de l'amazighité n'est pas abandonnée, mais elle ne doit pas constituer un blocage pour le règlement des autres problèmes plus urgents telle la prise en charge des blessées notamment. «De toutes les façons elle sera réglée dans le cadre de la nouvelle Constitution qui est en phase d'élaboration», indiquent toujours les mêmes citoyens. Pour rappel, le dialogue a été suspendu suite au refus du chef du gouvernement d'accéder à la revendication des archs, consacrant le caractère officiel de tamazight sans référendum. Le gouvernement et les services de la présidence appuient-ils cette rencontre? Il faut dire que une pareille réunion qui se déroulera de surcroît à Alger, nécessite une autorisation, même si ce droit est consacré par la Constitution. Ou alors est-ce une offensive élaborée et réfléchie par les délégués du mouvement citoyen en impliquant les autres personnalités de la région dans l'unique but de tester les véritables intentions du pouvoir dans ses différents appels au dialogue? Cette nouvelle alternative est dictée, selon ses concepteurs, par la situation de blocage malgré l'appel du pied lancé par les plus hautes autorités du pays aux délégués du mouvement citoyen. «Il n'y a pas de problème sans solution» a déclaré le président de la République lors de son discours d'investiture, le 17 avril dernier, au Palais des nations, dans un appel aux délégués des archs pour la reprise du dialogue. Une invitation restée sans écho et rien n'a évolué depuis, dans le sens du règlement de la crise. Si la dynamique sociale est toujours vivace dans cette région frondeuse, en revanche, les délégués du mouvement semblent être à la croisée des chemins. L'initiative annoncée et drivée par le délégué de Bouira, Hakim Kacimi, pour fédérer les mouvements dans le cadre de la Coordination nationale du mouvement citoyen des archs (Cnmc) n'a pas donné l'effet escompté et les différentes tractations entre les délégués, semblent piétiner. L'interwilayas restée ouverte depuis le début du dialogue avec le chef du gouvernement n'a pu se réunir jusqu'à aujourd'hui. Le statu quo qui a découlé de la suspension du dialogue avec Ouyahia, a évolué vers un début de fragmentation induite par l'élection présidentielle du 8 avril. Si bien qu'une tendance a appelé au boycott et au rejet de cette élection, une autre a voté pour le candidat du RCD, Saïd Sadi, une tendance pour Benflis et voire même, une autre pour Bouteflika. La réunion de l'interwilayas, qui se tiendrait au courant de la semaine prochaine, s'annonce houleuse tant ses divergences risquent de rejaillir. Est-il possible de recoller les morceaux de toutes ces tendances ? En attendant, la nécessité d'une nouvelle stratégie d'action qui accompagnera le mouvement s'impose aux délégués. C'est dans cette perspective que comptent agir les organisateurs de la réunion d'Alger pour donner un nouveau souffle et pour qui «le caractère national du mouvement ne restera pas un vain mot».