Les paysans qui ramènent leur récolte refusent de vendre Quelle stratégie pour insérer l'huile d'olive dans les circuits commerciaux. Les services de la direction de l'agriculture de la wilaya de Tizi Ouzou annonçaient pour cette année une récolte d'olives estimée à quelque 8 millions de litres. A présent, nous sommes un mois après la fin de la récolte et les citoyens ne trouvent pas où acheter cette huile. Aussi, quand les plus chanceux la trouvent, elle est cédée à des prix exorbitants donc inaccessibles pour les ménages démunis. Un litre d'huile coûte aujourd'hui 700 DA. N'est-il pas légitime de se demander où sont passés ces huit millions de litres? En fait, les services de l'agriculture devraient sur les bases statistiques établir une mise au point concernant les données recueillies sur le terrain. Car, si ces dernières étaient conçues à base d'éléments vérifiables, les quantités d'huile annoncées seraient actuellement visibles. Or, jusqu'à hier, une tournée sur le terrain a mis en évidence une pénurie jamais constatée depuis l'indépendance. Cette pénurie d'huile d'olive se vérifie largement au niveau des huileries. «Je ne peux pas vous vendre, même un litre.» Les paysans qui ramènent leur récolte refusent de vendre. Ils n'ont pas la quantité suffisante, à commencer pour leurs besoins familiaux» nous annonce, dépité, Brahim, propriétaire d'une huilerie moderne. «Cette année, la récolte a été presque inexistante. Les fellahs ont tous opté pour le paiement de mes prestations en argent. Les années où la récolte est abondante, ces derniers me concèdent, à titre de paiement une petite quantité d'huile. Ce qui me permet d'en vendre à mes clients qui viennent de plusieurs régions d'Algérie. Mais cette année, Allah ghaleb» poursuit-il. Au niveau des marchés hebdomadaires, les quantités mises en vente sont insignifiantes. «Je ne peux pas vous arranger. 600 DA, pas moins», nous réplique un vendeur qui tient quelques bouteilles dans un sac en plastique à l'entrée du marché automobile de Draâ Ben Khedda. Cette année, l'offre est insignifiante par rapport à la demande. Les gens ne veulent pas vendre. «Déjà, avec ce qui est en ma possession, je risque de recourir à l'achat», affirme un citoyen à qui nous avons été recommandés par le propriétaire d'une huilerie moderne. Ces statistiques se trouvent par ailleurs démenti par d'autres facteurs. Un taux d'acidité loin au-dessus des standards internationaux. En fait, l'huile d'olive locale est difficilement commercialisable par les circuits commerciaux modernes. D'abord, les producteurs, tous des fellahs, n'arrivent pas à s'arrimer sur les normes de récolte, malgré les incessantes campagnes de sensibilisation des services de l'agriculture. Les différentes étapes de la récolte, conservation et trituration ne sont jamais respectées. Cette incapacité à passer aux méthodes modernes se trouve par conséquent derrière la forte acidité de l'huile locale. En effet, cette dernière est estimée à 8% d'acidité, alors que le standard international de commercialisation est de 1%. D'où l'impossibilité qu'il y a pour le produit de se frayer un chemin vers le marché national. L'exportation vers l'international, dans ces conditions, relève de l'utopie. Absence de réseau de distribution et d'organisme étatique d'achat de la production. Toujours au chapitre de la mise sur le marché, il convient de constater que les fellahs ne trouvent guère de réseau commercial efficient pour écouler leur produit. Il n'existe jusqu'à ce jour aucun réseau de distribution à même d'assurer la vente à travers, au moins le territoire de la wilaya. «Nous sommes loin de penser au privé. Nous demandons à l'Etat d'assurer l'achat de notre excédent à l'instar des autres producteurs, comme les céréales et la pomme de terre. Manque de statistiques efficientes sur les besoins et l'offre du marché local, le constat émane d'un cadre des services agricoles. Comme lui, d'ailleurs, les producteurs et les quelques initiateurs à la commercialisation de l'huile d'olive locale relèvent, avec dépit, l'absence de réseaux de distribution commerciale. Avec toute la volonté possible, aucune politique efficiente n'est initiée pour ce créneau. La preuve, est qu'au regard des différents dispositifs d'aide à l'activité économique, il n'existe jusqu'à aujourd'hui aucun investisseur dans le transport de ce produit. Au vu des conditions prévalant actuellement, le doute sur les possibilités de la réalisation de ce rêve plane toujours. Le seul espoir de voir émerger des producteurs, au sens moderne du terme, réside dans les initiatives lancées par-ci par-là dans des localités jalouses de faire vivre la tradition. Le village Tabbourt, à Ifigha, en est l'illustration vivante avec sa fête de l'olive qui s'est déroulée vendredi et samedi derniers. En effet, comme à Tabbourt, d'autres localités organisent des salons de produits du terroir tels la cerise, la figue et pourquoi pas le gland, c'est toujours une richesse.