«Il y a des hommes dont il est difficile de parler, tels les leviers gigantesques, ils retournent l'Histoire» M.Gorki. Son destin est pourtant spectaculaire, parce qu'il est tout aussi riche d'événements radieux et tragiques que l'époque où il a vécu. Il connaissait d'illustres personnalités, de magnifiques poètes, des romanciers hors du commun et tout ce monde lui consacrait des «éloges» écrits. Des peintres talentueux créaient ses portraits, des hommes remarquables étaient épris de sa sensibilité retranscrite par des mots choisis et que nulle personne n'arrive à déchiffrer car cet auteur a recours à la symbolique. On se rappelle de l'Incendie, la Grande maison et le Métier à tisser... Bien des malheurs ont frappé Dib pendant la terrible nuit coloniale. Il est resté séparé de sa famille, de ses proches, malgré quelques indices qui lui parviennent de loin. Il est persécuté par cette séparation assimilée à un exil «voulu» mais contraint. Toute cette vie est assimilée à «cette censure qui mutilait cette oeuvre née dans son coeur». Aujourd'hui, ce monument de la littérature a retrouvé «son nom», «ses racines» et surtout «les siens». Il n'a pas été oublié, ce chantre de liberté, ce défenseur de l'humanisme. Il a eu ce succès facile, ce mépris des gens mais lui, a toujours mis en exergue les conditions de vie de la société. Voilà, les caractéristiques de cette «tête bien pleine» de métaphores et de symbolisme dont le seul désir est d'«accaparer», de «spolier» les gens, estimant qu'il est du devoir de l'artiste de prendre leur défense. Parfois, par amour des hommes, Dib a été dur et rejette les motivations atténuantes. Beaucoup ont reproché à ce romancier d'avoir perdu le sens de l'objectivité, de rien écrire de positif, d'avoir montré une cité qui n'est pas typique, alors qu'il y a de magnifiques exemples pour la constitution d'une trame. Mais ce vieux visage, lardé de rides, couvert de cette chevelure blanche, les yeux du poète nous regardent, nous scrutent et nous invitent à écouter ses oeuvres où il crie la douleur de son peuple. Elles étaient peu connues du public car l'on ne s'empressait pas de les inclure dans les recueils, ni de dire toute la vérité sur le destin de son auteur. Majestueux, silencieux, inabordable, Dib semble se détacher du monde et des gens qui l'entouraient... Tout en se tenant très droit, il porte fièrement sa tête et marche à pas lents dans les labyrinthes de sa ville natale Tlemcen. Ses mouvements le rendent pareil à une sculpture massive, bien modelée et taillée avec la précision d'une statue classique. Ainsi, l'absence d'une «maison» [sa ville natale], l'«inconfort quotidien» [étranger à son pays], le «détachement» [loin de ses proches] sont autant de privations à endurer, tout en éprouvant le mépris à l'égard de cette société qui l'a rejeté. Dib n'a gardé que des souvenirs de ce rejet auquel il éprouve une animosité amère mais vite pardonnée. Enfin, en ce premier anniversaire de sa disparition [02 mai 2003], la Fondation qui porte son nom a voulu rendre un hommage à ce «fleuve non tari» d'idées. «Il captivait non seulement par ses mots, non seulement par son intelligence, ses connaissances et sa mémoire, mais aussi, et surtout, par l'authenticité de son destin...», dira Mme Saleha Benmansour, présidente de ladite association.