L'ampleur du phénomène est telle que la Snta a été amenée à mettre en garde ses clients. Le trafic de la cigarette continue d'infester intensément et durablement le marché algérien. La Société nationale des tabacs et allumettes (Snta) qui monopolise cette industrie, compte tenu de l'ampleur de ce phénomène, est allée jusqu'à recourir à la publicité afin d'expliquer aux fumeurs comment distinguer les vraies des fausses cigarettes. Une pareille sortie montre bien que les pouvoirs publics perdent relativement le contrôle et se laissent déborder par ce «commerce» extrêmement lucratif. Or, selon des témoignages concordants, notamment ceux de nombreux sous-traitants en la matière, le sud du pays est apparemment la plaque tournante de ce trafic qui menace et la santé des consommateurs et la loyauté commerciale. D'autres sources évoquent même une implication terroriste, précisément les éléments du Gspc qui s'adonneraient à de telles activités en vue de financer leurs activités subversives. La révélation a de quoi retenir l'attention, sachant que les dirigeants du Sud du Gspc, avec Mokhatar Belmokhtar à leur tête, ont de tout temps cherché à contracter des alliances durables avec les tribus basées dans le Grand Sud algérien et dans les vastes contrées désertiques du Nord malien. Ces peuplades nomades, qui vivent quasi exclusivement de contrebande, ont dû trouver une filière juteuse et inépuisable dans le trafic de cigarettes de contrefaçon. Le Gspc, manquant cruellement de fonds pour financer les maquis du Nord, indiquent des sources qui rappellent de quelle manière tragique s'est terminée la prise d'otages alors que l'argent de la rançon, payée par les autorités allemandes, n'a pas permis d'alimenter Hattab et ses hommes sachant que le convoi transportant des armes a été découvert puis intercepté par les forces spéciales de l'ANP au début de cette année. Belmokhtar, passé maître dans l'art de manipuler ces tribus, aurait récemment contracté un second contrat de mariage avec la fille d'un puissant chef local en vue de prendre encore plus de poids dans la région. Ce trafic, qui a acquis des proportions tout simplement industrielles, au vu et au su des autorités algériennes, a même vu la naissance de marques inexistantes ailleurs dans le monde, alors que celles que produit la Snta sont allègrement contrefaites. Nul doute que la complicité, qui s'étend jusqu'à certaines fabriques d'Afrique noire, doit s'approvisionner à partir des déchets que laissent les grandes usines occidentales, dont la plupart ont fini par être délocalisées. S'il ne fait aucun doute que cette même complicité n'épargne pas non plus certaines institutions du pays, puisque la vente de certains de ces produits se pratique chez les buralistes de la manière la plus apparente qui soit, il reste difficile d'évaluer le «chiffre d'affaires» de ce commerce, dont la grandeur doit se chiffrer en plusieurs millions de dollars chaque année. Le nerf de la guerre Les autorités algériennes qui sont entièrement au fait de ce commerce illégal ont du mal à endiguer ce flux de contrebandiers, aidés en cela par les frontières désertiques poreuses. Malgré les incessants coups de filet opérés par les gardes-frontières, il n'en demeure pas moins que la force de nuisance de tous ces trafiquants reste quasi inentamée. Pas plus tard que ce week-end, la bagatelle de 8000 cartouches de cigarettes étrangères, sans doute contrefaites, ont été saisies par les services de la Gendarmerie nationale à Adrar, Reggane et In Salah. Les contrebandiers, qui redoublent d'ingéniosité, en sont arrivés à se servir d'un camion-citerne pour tenter de faire passer cette marchandise. Selon toute vraisemblance, ces contrebandiers connaissent parfaitement le mode de fonctionnement des services de sécurité et savent donc comment les éviter. Nul doute que les groupes terroristes les aident dans ce domaine puisqu'ils ont en cela une très vaste expérience. Cela leur permet très souvent de se soustraire aux rets que tendent les gardes-frontières algériens. La contrepartie de ce trafic se pratique avec des achats, souvent massifs, d'armements de guerre. C'est notamment le cas, jusqu'à un passé récent, comme l'indiquent des sources au fait des agissements de ces groupes terroristes, au niveau de la bande frontalière algéro-malienne. La circulation des armes sur cette largeur de bande frontalière constitue réellement une source d'approvisionnement en armes pour les terroristes écumant ces zones tribales où s'effectuerait généralement le transit de Pakistanais (ou d'Afghans arabes) voulant rejoindre soit le nord du pays, pour intégrer le Gspc de Hassan Hattab, soit l'Europe, via le territoire marocain aux fins de perpétrer des opérations terroristes. L'embuscade, tendue dans les Aurès, à Batna, au cours de laquelle une quarantaine de soldats avait trouvé la mort, aurait montré, à ce titre, que des terroristes s'exprimant en langue étrangère auraient bel et bien «participé à cette opération». De plus, le cas de l'émissaire de Ben Laden, Imad Abdelwahid, abattu par les services spéciaux algériens, en septembre dernier, à l'Est, dans la même ville, est, on ne peut plus significatif de cette stratégie de l'organisation Al-Qaîda qui, selon des analyses sécuritaires, aurait précisément, commencé d'être appliquée vers le 11 septembre 2001. Des filières gargantuesques Le consommateur, souvent peu soucieux de la provenance de sa cigarette, ne fait guère de distinction entre marchandise répondant aux normes et celle contrefaite. Un état de fait qui a amplement contribué à l'extension de la contrebande. L'indifférence du marché a encouragé et même fait baisser la vigilance des autorités habilitées à y agir. Selon une source anonyme de la Snta, le manque de coopération entre notre pays et les pays du Sahel (Mali en particulier) ont grandement facilité la circulation de la cigarette contrefaite. «Les Maliens fabriquent leur poison sans être nullement inquiétés par leurs autorités», nous a-t-on confirmé. Notre source a ajouté que des réseaux locaux à partir des wilayas du Sud «se chargent du transfert avec la bénédiction de quelques agents des gardes-frontières». D'où il apparaît que le mal est plus profond que ce que l'on croyait. L'inexistence d'une stratégie efficace a lourdement pesé en défaveur des efforts consentis en ce sens. A défaut, donc, d'une conjugaison des efforts entre tous les pays concernés, c'est Snta qui s'est engagée dans une bataille incertaine. A coups de spots publicitaires, elle se démène à atténuer un tant soit peu «la concurrence d'une cigarette contrefaite et de qualité médiocre». L'accent est essentiellement mis sur la marque Rym qui fait l'objet d'un «énorme plagiat». Toutefois, cette forme de lutte est tributaire de la réaction des consommateurs. Ces derniers, peu regardants sur la qualité ne sont pas à même de contribuer efficacement à la fin d'un règne qui n'a que trop duré.