Un rapport secret, établi par le général Taguba, daté du 3 mars dernier, relate dans le détail les crimes commis par la soldatesque US. Le terrible scandale menaçant d'éclater sur la figure de Bush, à quelques mois des présidentielles, n'est pas prêt de l'épargner, n'en déplaise au «firewall» déployé par son secrétaire d'Etat à la défense, Donald Rumsfeld. Les langues qui se sont déliées, à la faveur des photos et vidéos accablantes, ont laissé la place, désormais, aux documents classés «secret défense» venus accabler les autorités américaines, à commencer par la Maison-Blanche. Il en va ainsi du rapport secret du général Antonio Taguba, désigné par le Cflcc en date du 31 janvier en vue d'enquêter sur les conditions de détention des prisonniers irakiens détenus aussi bien dans ce pays, qu'au niveau du camp d'Arifjan, sis au Koweït. Le rapport, apprend-on, qui fait suite et complète les enquêtes des généraux Miller et Ryder, a été remis en date du 3 mars aux plus hautes autorités américaines. Bush ne peut donc plus se dérober, et prétendre ne rien savoir de ce qu'il convient d'appeler, désormais, «crimes de guerre». Le rapport, accablant s'il en est, s'indigne des «sous-effectifs de la 800ème brigade de PM», chargée de jouer les gardes chiourmes, mais de la détention de personnes de droit commun avec des terroristes présumés et des soldats de Saddam, tandis que ces derniers, comme le souligne le général lui-même, sont censés être protégés par la convention de Genève. Mais ce ne sont là que les aspects préliminaires du grand scandale qui va suivre. Le rapport, étalé sur des dizaines de pages, évoque l'existence des fameux documents photos et vidéos, mis à la disposition des autorités. Il relève, en substance que «d'octobre à décembre 2003, au centre de détention d'Abou Ghraïb, de nombreux cas de mauvais traitements criminels, sadiques, flagrants, et dégradants ont été infligés à plusieurs détenus». Qualifiés de systématiques et illégaux, ces traitements, ajoute le rapport, «ont été perpétrés intentionnellement par plusieurs membres de la force de surveillance de la police (372ème compagnie de PM, 320e bataillon de PM, 800ème brigade de PM)». Il est ajouté que «les allégations de mauvais traitements ont été étayées par des déclarations détaillées de témoins et par la découverte de preuves photographiques extrêmement dures». Sans doute s'agit-il des documents dont parlaient Rumsfeld devant les membres du Sénat et dont la publication pourrait horrifier le monde plus qu'il ne l'est présentement. Le rapport, se basant sur un nombre important de témoignages écrits, émanant de détenus et de soldats américains, relève avec exactitude les faits dûment établis et prouvés. Il s'agit de sonner des coups de poing et de pied et des gifles aux détenus; sauter sur leurs pieds nus; enregistrer des cassettes vidéo et photographier des détenus hommes et femmes nus ; forcer les détenus à adopter diverses postures sexuellement explicites pour être photographiés ; forcer les détenus à enlever leurs vêtements et à rester nus pendant plusieurs jours d'affilée ; forcer des détenus hommes nus à porter des sous-vêtements féminins ; Forcer des groupes de détenus hommes à se masturber tout en étant photographiés et filmés ; obliger des détenus hommes nus à s'entasser pour sauter à pieds joints sur leurs corps ; placer un détenu nu sur une boîte de rations, avec un sac de sable sur sa tête, puis attacher des fils à ses doigts, ses orteils, et son pénis afin de simuler une torture électrique ; faire porter l'inscription «je suis un violeur» (sic) sur la jambe d'un détenu accusé d'avoir violé un autre détenu âgé de 15 ans, en le photographiant nu ; passer une chaîne ou une laisse autour du cou d'un détenu nu et faire poser une femme soldat pour une photo ; des relations sexuelles entre un garde militaire homme et une femme détenue ; utilisation des chiens militaires (sans muselière) pour intimider et effrayer les détenus, suivie, dans au moins un cas, de la morsure d'un détenu, le blessant gravement ; photographies de détenus irakiens morts. Le rapport, allant dans le détail des choses, a sous-entendu que les ordres ne venaient pas de plus haut, dans une tentative désespérée de sauver les officiers supérieurs, comme le secrétaire d'Etat l'a fait en faveur d'un second mandat du «croisé» Bush. Agé de 37 ans, Ivan Frédérick, gardien à la prison de Buckingham en Virginie, fait partie des six inculpés d'association de malfaiteurs, manquement à leurs devoirs, de cruauté envers les prisonniers, de mauvais traitement, d'agressions et actes indécents. Or, son journal intime, rendu public par ses parents, prouve, si besoin est, que les ordres venaient d'en haut, et que ces jeunes soldats, ne faisaient bien souvent que satisfaire les instincts sadiques, bestiaux et colonialistes de hauts responsables à qui insupporte l'idée que des arabes ou des musulmans puissent encore leur tenir tête. La meilleure preuve à l'appui de ces dires réside forcément dans le fait que les Anglais ne sont pas épargnés par ces scandales, alors que des affaires quasi similaires viennent d'éclater au camp de Guantanamo, ce qui ne peut signifier qu'une chose : les ordres venaient d'un commandement central. Dans sa dernière livraison, The Washington Post rapporte d'horrifiants témoignages sur cette question. «Le gouvernement américain a donné son accord en avril 2003 pour des techniques d'interrogatoire à Guantanamo permettant d'inverser les rythmes de sommeil des détenus et de les exposer à la chaleur, au froid, à une musique violente et à des lumières aveuglantes». Citant des responsables anonymes de la défense, le journal indique qu'une liste secrète comportant 20 techniques d'interrogatoires avait été autorisée au plus hauts niveau du Pentagone et du Département de la Justice dans la prison de la base américaine à Cuba où sont détenus 600 étrangers originaires d'une quarantaine de pays, pour la plupart, capturés durant la guerre en Afghanistan à l'automne 2001. La liste officielle des techniques autorisées dans la prison américaine de Guantanamo, dans l'île de Cuba, prévoit que des prisonniers peuvent être obligés de rester debout jusqu'à quatre heures d'affilée, selon le rapport. L'interrogatoire d'un prisonnier sans ses vêtements est autorisé s'il est seul dans une cellule, mais tout contact physique est prohibé.