Véritable déferlante, consciente de sa force du moment, cette coalition décrète qu'elle sera là même dans dix ans. Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem et Bouguerra Soltani, en dépit de la mise en place d'un règlement intérieur venu sceller la mise en place de structures venues « codifier » les actions futures de leur coalition gouvernementale, se sont ostensiblement refusés à qualifier cette importante étape de nouveau pas vers une fusion pour la naissance d'un nouveau parti. Même à notre question, qui reprenait la déclaration d'Ouyahia mettant en avant l'existence de 40 partis, sans qu'il soit possible qu'existassent une quarantaine de programmes, n'a pas suffi à clarifier le jeu. A la suite d'un cérémonial qui s'est voulu à «la bonne franquette», les trois leaders se sont prêtés volontiers au jeu des questions-réponses pour souligner que «cette nouvelle étape, intervenue trois mois après la naissance de l'alliance est venue démentir ceux qui pensaient que la démarche était juste conjoncturelle.» Mieux, l'alliance, dont la forme finale reste sans doute à définir, «sera encore là une dizaine d'années plus tard». Il apparaît ainsi que ces partis, qui mettent en avant la «nécessité de se coaliser en vue de faire aboutir une vision commune dans le cadre de principes partagés», n'en ajoutent pas moins que «le temps des professionnels de la politique doit advenir». La formule, heureuse s'il en est, a été lancée par le président du MSP avant d'être reprise allègrement par un Ouyahia trouvant beaucoup de mal à démêler l'écheveau entre les deux hautes fonctions, politique et institutionnelle, qu'il occupe. Les trois conférenciers, justifiant leur démarche, précisent, notamment par la voix de Soltani, qu'il a fallu que toutes les forces se regroupent sous la houlette du FLN pour constituer une force assez puissante capable de bouter la France hors d'Algérie. Ainsi, tous précisent qu'il faut que «les compétences se regroupent afin que réussisse le programme du gouvernement». Avec son ironie, devenue «légendaire», Ouyahia a répondu à ceux qui s'interrogeaient sur ce regroupement hétéroclite pour dire que «les observateurs ne s'étaient pourtant pas étonnés du regroupement nettement plus étonnant qu'était le groupe des Dix». Les trois partis, dont les patrons sont résolus à se réunir tous les trois mois avec sans doute de nouvelles annonces à la clé, décrètent garder leur «liberté de manoeuvre», ajoutant même que «des divergences peuvent sans doute apparaître». Les mécanismes actuels, toutefois, sont faits avec une telle souplesse qu'ils peuvent amortir les chocs politiques à venir en attendant que les choses se décantent plus encore. Cela paraît d'autant plus plausible que les conférenciers ont précisé que les dossiers qui fâchent, se trouvant actuellement sur le bureau du gouvernement, à savoir la réforme de l'école et le code de la famille, n'ont fait l'objet que de quelques contestations que l'alliance serait sur le point de surmonter. Toujours est-il que la naissance d'un si puissant mouvement politique, qui n'est pas toute l'Algérie, a tenu à souligner Ouyahia, pose avec acuité la problématique de la reconfiguration de la scène politique, mais aussi du devenir de l'opposition dans le sens classique du terme.