Les régions du Sahara et du Sahel risquent de connaître de nouvelles turbulences. Si l'on croit le New York Times, dans une de ses dernières livraisons, l'armée algérienne sera bientôt dotée d'armes et de logistique conséquentes pour faire face aux groupes armés qui infestent le Sahara et la bande du Sahel. Cette nouvelle disposition politico-militaire intervient au lendemain de la réélection du président Abdelaziz Bouteflika, avec qui Washington entretient des relations privilégiées et s'inscrit dans le cadre de «l'élargissement de la coopération militaire contre le terrorisme sahélien». Les Etats-Unis, en fait, n'entendent pas uniquement constituer un partenariat étroit avec l'Algérie pour les problèmes liés au terrorisme, mais aussi et surtout, ils souhaitent l'intégrer dans ce qu'ils appellent «le front commun contre la menace Al-Qaîda». L'Algérie, on le sait, joue, depuis longtemps, le rôle de «bouclier de l'Europe», en rapatriant dans les pays du Sahel au moins 11.000 immigrants clandestins par an. Or, c'est de ces pays que pointent les menaces actuelles, pour Washington, qui a accentué sa présence dans la région par le biais d'experts militaires. Selon le New York Times, le programme américain pour le Maghreb et les pays du Sahel a été mûri de longue date. La dernière réunion de Stuttgart, en Allemagne, a été la mise en pratique réelle de ce plan d'urgence. La bande du Sahel est, pour beaucoup d'experts militaires américains, le «nouvel Afghanistan» où plusieurs groupes armés trouvent les armes nécessaires et les camps d'entraînement qu'il faut pour se placer sur une rampe de lancement imparable. Six pays, dont l'Algérie, bénéficient de cette aide américaine, évaluée selon le NYT à plus de 125 millions de dollars, échelonnée sur cinq ans, en plus d'une dotation conséquente en armes, avions et systèmes d'écoute et de repérage très performants. William Burns de son côté avait affirmé que l'assistance militaire en matière d'armes et de formation militaire est à l'ordre du jour, mais qu'il est exclu qu'il y ait vente d'armes de guerre uniquement. Façon de dire que Washington entend intégrer l'Algérie dans un jeu d'alliances autrement plus complexe. Les experts américains parlent avec une pointe de fierté de l'opération qui a permis d'éliminer au sud de l'Algérie le groupe armé qui acheminait un «véritable arsenal de guerre» vers les maquis du Nord, et celle qui a permis de repérer et de neutraliser dans la région du Tibesti 43 hommes armés, dont 9 Algériens du Gspc. Pour Washington, c'est bien les moyens dont ils disposent qui ont permis la réussite des armées gouvernementales locales. La présence américaine dans la région du Sahel, si elle ne se fait pas très discrète, risque, au contraire, d'être préjudiciable pour ces mêmes Américains et de créer pour Washington une nouvelle ligne de front aussi coûteuse et aussi désastreuse pour sa politique étrangère que son opération contre l'Irak. Région infestée par les groupes rebelles, les mouvements séparatistes, les islamistes armés affiliés peu ou pour Al Qaîda, les turbulentes tribus targuies et les réseaux insaisissables des commerçants d'armes, la bande du Sahel et les lisières limitrophes peuvent connaître des turbulences extrêmes pour peu que la présence américaine soit ressentie comme une force hégémonique. Tous ces groupes, aux contours flous et aux objectifs politiques imprécis, risquent de se liguer «contre un ennemi commun». Ce que les Etats-Unis peuvent faire efficacement, c'est doter ces pays de moyens pour faire face à la menace. L'Algérie, à titre d'exemple, a rapatrié 11.000 immigrants clandestins appartenant à dix-neuf nationalités africaines différentes. Le peu de moyens dont disposent ces pays, la perméabilité de leurs frontières et le flux des candidats à l'émigration sont à ce point manifestes pour espérer faire mieux. En plus, il ne faut pas que le soutien à ces pays soit ressenti par les populations locales comme un soutien aux régimes en place. Car souvent, la lutte contre le terrorisme doit d'abord passer par une «justice sur place». Or, tel n'est pas le cas. La situation est d'une telle confusion au Tchad, au Soudan, au Niger et au Mali qu'il serait vain et futile à la fois d'espérer une solution grâce à l'aide US dans la région.