La coopération algéro-française va entrer dans une phase nouvelle et connaître une densité inégalée par le passé. Vu de Paris, le scrutin du 8 avril n'est pas une chose banale. Il marque un changement qualitatif d'une extrême importance dans la nature du régime algérien, qui a gagné en légitimité. Le retrait des militaires de la sphère politique et la passation du relais au pouvoir civil, désormais incarné par Abdelaziz Bouteflika, auquel la majorité des électeurs ont accordé leur confiance, fait de l'Algérie un pays fréquentable, d'autant plus qu'il dispose de potentialités économiques appréciables, grâce à ses réserves de pétrole et de gaz, l'étendue et la diversité de son territoire, l'importance de sa population, sa main-d'oeuvre qualifiée et nombreuse... Vue d'Alger, la visite éclair de Jacques Chirac à Alger, pour féliciter son homologue algérien une semaine à peine après sa réélection, fait un recentrage de la relation entre l'Algérie et la France et leur restitue cette dimension humaine qui lui a longtemps fait défaut. C'est dans les habitudes de Jacques Chirac, qui a hérité de de Gaulle à la fois cette chaleur humaine et cette spontanéité du visionnaire, de bousculer les habitudes protocolaires quand l'histoire elle-même se prête à ce genre de traits de génie. Il y a une année, soit en mars 2003, avait été signée dans la capitale «la Déclaration d'Alger» qui se voulait un jalon important dans la refondation des relations entre les deux pays. Et ne voilà-t-il pas que saisissant l'opportunité de son déjeuner avec le président de la République fraîchement réélu, Jacques Chirac a annoncé au cours d'une conférence de presse tenue à Djenane El Mithak, la volonté des deux parties de transformer cette déclaration en «traité d'amitié», à l'instar de ce qui a été fait entre la France et l'Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui tout le monde le sait, c'est le couple franco-allemand qui a été la locomotive de la construction de l'Union européenne. Le nouveau ministre français de l'Economie, le sémillant Nicolas Sarkozy, sera à Alger incessamment pour aborder avec son homologue algérien de nombreux dossiers de coopération, mais aussi sûrement la conversion d'une partie de la dette algérienne en prise de participation, et cela au moment même où profitant de l'embellie pétrolière, M.Benachenhou a souhaité à demi- mots le paiement par anticipation de cette même dette extérieure. En d'autres termes, l'Algérie n'est plus dans la situation de demandeur mais compte traiter avec Bercy en situation d'égalité. D'autres ministres du gouvernement Raffarin sont également attendus à Alger. Ce sont entre autres Dominique de Villepein le ministre de l'Intérieur et Michèle Aliot-Marie, la ministre de la Défense de l'Hexagone. Le premier discutera sûrement de la circulation des personnes et la deuxième de la coopération militaire. Tous deux évoqueront avec leurs homologues algériens la situation sécuritaire, la lutte antiterroriste, l'échange d'informations liées à ces deux dossiers et l'émigration clandestine. La France, qui est notre premier fournisseur et notre deuxième client après l'Italie, a des atouts non négligeables à faire valoir pour promouvoir des relations privilégiées avec l'Algérie, notamment dans le domaine linguistique et culturel et du fait de la très forte communauté algérienne dans l'Hexagone. Le gouvernement Ouyahia, dont un comité formé de 17 ministres vient de se réunir avant même la présentation de son programme devant l'APN, veut pour sa part battre le fer tant qu'il est chaud et se préparer comme il se doit à cette nouvelle ère qui s'ouvre entre les deux pays.