La Centrale a l'intention de s'engager dans un bras de fer dantesque avec un Ouyahia maîtrisant parfaitement ses dossiers. Des sources gouvernementales recoupées nous indiquent que la bipartite s'annonce dans un climat pour le moins tendu. Sa tenue, apprenons-nous en exclusivité, est prévue pour les 7 et 8 octobre prochain. Une rencontre, en quelque sorte de la dernière chance, est même prévue entre Ouyahia et Sidi Saïd, dans le but de tenter d'aplanir les graves divergences apparues entre le gouvernement et son principal partenaire social. Deux points seulement avaient été retenus à l'ordre du jour de cette rencontre, tant les incompréhensions avaient eu tendance à s'accumuler au sein des quatre groupes de travail mis en place à la suite de la bipartite de l'année passée. C'est pourquoi aucun accord n'a pu être trouvé à propos du statut général de la Fonction publique. La proposition de loi de l'Ugta, dont nous avions fait état dans de précédentes éditions, avait été contrée par des amendements extrêmement sournois prévoyant en filigrane le licenciement à terme de pas moins d'un demi million de fonctionnaires de l'Etat. C'est sans doute après avoir épuisé toutes les voies de recours, tant institutionnelles que parallèles, puisque tout le monde sait que des contacts informels existent continuellement entre la Centrale et le Palais du gouvernement, que Sidi Saïd a décidé de se livrer à un de ses coups de gueule mémorables, allant jusqu'à accuser des éléments tapis dans les circuits de l'Etat, d'être derrière les blocages concernant le dialogue social. La dernière montée au créneau verbale du locataire de la Maison du peuple, intervenue du temps où Temmar, Monsieur privatisation, trônait à la tête du défunt ministère des Participations, s'était soldée par le départ de ce dernier, le gel du projet de loi sur les hydrocarbures et une grève nationale de deux jours suivie à plus de 95 %. Depuis cette date, à savoir les 25 et 26 février 2002, la Centrale est redevenue un partenaire avec lequel il faut compter, alors qu'elle était donnée pour finie avant cette mémorable démonstration de force. L'Ugta, dont les fédérations sont en pleine restructuration en prévision des combats à mener contre la privatisation anarchique qu'annoncent insidieusement les pouvoirs publics, continue de revendiquer près de quatre millions de personnes, entre adhérents et sympathisants. De quoi faire réfléchir Ouyahia, puisque comme nous ont dit, hier, des sources proches de la Centrale, «les pressions de la base nous empêchent de faire des concessions même si nous demeurons totalement ouverts au dialogue». Il semble donc que la rumeur qui soulignait que la proposition de loi de l'Ugta sur la Fonction publique pourrait être retirée, n'était pas du tout fondée. Cela même s'il y a peu de chance qu'Ouyahia accepte de permaniser le demi million de personnes concernées, ce qui coûterait la bagatelle de quelques dizaines de milliards de centimes annuellement. Un compromis pourrait ainsi être trouvé, qui irait vers une permanisation progressive, étalée sur plusieurs années, pour peu que les recrutements soient bloqués pour une période donnée. Ces mesures, du reste, entreraient dans le cadre de la préparation du pacte social dont la signature, tenant à coeur au président Bouteflika, interviendrait très probablement le 1er mai prochain. Entre temps, la tripartite, qui aura à se pencher notamment sur une révision à la hausse du Snmg, mais aussi l'abrogation de l'article 79-bis de la loi 90-11, relative aux relations de travail, à cause duquel les précédentes augmentations avaient été quasiment sans effet sur les salaires et les budgets des travailleurs. Ceci étant, là où le débat risque de connaître une âpreté sans fin, ce sera le second point inscrit à l'ordre du jour de la bipartite. En effet, il s'agit de discuter les orientations économiques des pouvoirs publics par rapport aux entreprises. Un plan de privatisation très vaste serait en effet en chantier, ce qui a pour effet d'irriter grandement les cadres de l'Ugta, lesquels refusent catégoriquement cette démarche, rappelant qu'un accord avec été établi, stipulant qu'aucune entreprise ne pourrait être vendue sans l'accord du partenaire social. En cas de litige, il avait été également décidé que l'arbitrage reviendrait en commun à la Centrale et au gouvernement. L'autre point très grave de divergence concerne le projet de loi sur les hydrocarbures. La rumeur se fait de plus en plus insistance sur une probable remise sur le tapis de ce texte tellement controversé. Récemment joint par téléphone, le secrétaire général de la fédération des pétroliers, également député du premier parti du pays, Mohamed-Lakhdar Badreddine, nous avait clairement signifié son rejet de ce projet de loi. La bipartite à venir, donc, ne sera pas de tout repos pour Ouyahia et Sidi Saïd. Une véritable guerre d'usure, notamment par médias interposés, a même commencé. Cela étant, les deux hommes se connaissent fort bien, pour s'être fréquentés dans de pareilles circonstances pendant de nombreuses années. Un compromis sans compromission n'est donc pas exclu.