Sans doute le fait le plus significatif de la rencontre des souverains et chefs d'Etat arabes dans la capitale tunisienne. Le seizième sommet arabe ordinaire s'est clôturé hier à Tunis par l'adoption des recommandations du Conseil des ministres arabes ayant trait notamment au processus de réformes dans lesquelles doivent s'engager les pays arabes. Certes, il ne fallait sans doute pas s'attendre à des faits spectaculaires d'un sommet arabe dont on estime le fait qu'il ait pu se tenir, comme une victoire en soi. Aussi, l'entérinement par les souverains et chefs d'Etat arabes des principales propositions formulées par le Conseil des ministres arabes, qui a précédé le sommet, marque-t-il une étape dans la prise de conscience des Arabes quant aux retards pénalisants qui sont ceux du monde arabe. Et le processus de réformes en vue ne peut prendre de valeur exemplaire que dans la mesure où ces réformes sont suivies d'effet. Il est patent que, dos au mur, les dirigeants arabes seront amenés, de leur propre chef, à initier des ouvertures pour une meilleure participation de la société arabe à la gestion de la vie publique. Mais là encore il faudrait sans doute ne pas trop s'avancer et attendre d'abord ce qui se fera effectivement sur le terrain, d'autant qu'il y a consensus autour du fait que les réformes se feront «au rythme propre» à chaque pays arabe. En d'autres termes, les Etats arabes restent libres dans le choix des étapes, du moment, les plus appropriés pour mettre à exécution le processus de réformes qui, faut-il le relever, n'est pas contraignant et donne à chaque pays arabe le pouvoir de l'adapter à ses propres conditions de maturité politique et de faisabilité. En fait, il s'agit là de réformes à la carte, chaque Etat étant laissé maître des options prioritaires de mise en oeuvre du changement. De fait, le communiqué officiel de Tunis affirme la détermination des «dirigeants arabes à poursuivre et à intensifier le processus de réformes politiques, économiques, sociales et éducatives conformément au libre choix des sociétés arabes et en accord avec les valeurs culturelles et religieuses, chacun selon ses conditions et ses possibilités propres». En fait, l'Egypte, soucieuse de prévenir les ingérences étrangères avait, soutenue par la Jordanie, souhaité ajouter un paragraphe au document portant sur les réformes, qui affirment «la disposition des Arabes à dialoguer avec les parties internationales sur le texte des réformes qui sera adopté par le sommet, à travers les institutions de la Ligue arabe», manifestement en prévision du sommet du G8 en juin prochain qui aura à l'ordre du jour le projet de réformes américain pour le «Grand Moyen-Orient» (GMO). Cela d'autant plus qu'un certain nombre de pays arabes, dont l'Algérie, ont été invités à assister aux Etats-Unis aux travaux du G8. L'approfondissement de la démocratie et de la choura, la référence à la bonne gouvernance résultant de la mise au point d'une stratégie de développement économique, social et humain, les réformes des systèmes éducatifs arabes et la mention de la nécessité de promouvoir le rôle des femmes, sont autant de points que développe le document final. Mais tout cela reste tributaire de la volonté politique des dirigeants arabes à réellement réformer leurs systèmes politiques existants, à moins que cela ne soit qu'une procédure d'urgence palliant au plus pressé, notamment l'imposition de l'extérieur, de réformes au monde arabe. C'est en fait la crainte qui apparaît en filigrane de tous les discours des dirigeants arabes plus soucieux d'éloigner le danger immédiat, d'ingérences étrangères que réellement déterminés aux ouvertures politiques économiques et sociales, que l'environnement international appelle. Pour le reste, sans surprise, le sommet apporte son soutien au peuple palestinien et appuie le processus de paix dans le cadre tant du plan international dit de la «Feuille de route» que de son attachement au document arabe adopté par le quatorzième sommet de Beyrouth en 2002, «référence de base de la paix». Par ailleurs, le sommet de Tunis condamne «toutes les opérations militaires israéliennes dans les territoires palestiniens et arabes et les opérations qui visent les civils sans distinction, ainsi que les opérations ciblant les dirigeants palestiniens et qui ne mènent qu'à la violence et la contre violence et qu'elles n'aboutiront pas à l'instauration de la paix dont a besoin la région». Pour ce qui est de l'Irak, les Arabes réitèrent «le rôle central que doit jouer l'ONU lors de la préparation du terrain au transfert du pouvoir au peuple irakien (...)». Le Sommet arabe s'est finalement tenu et a adopté les principales propositions qui lui étaient soumises, mais tout cela reste relatif et c'est à la pratique qu'il peut être dit si Tunis a été une étape positive pour le renouveau du monde arabe.