Les grandes puissances et l'Iran ont repris hier soir à Vienne leurs discussions nucléaires, satisfaits des premières avancées, mais aussi conscients que leur dialogue aborde sa phase la plus délicate. L'objectif, après dix ans de tensions dangereuses, est que l'Iran rassure durablement l'Occident sur le caractère exclusivement pacifique de son programme atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui étouffent son économie. Trois premières sessions de négociations dans la capitale autrichienne ont déjà permis de résoudre une partie des points litigieux. Les «5+1» (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) et la République islamique vont désormais entamer la rédaction d'un accord final. Mais le diable est comme toujours dans les détails. Mohammed Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, a prévenu que «la partie difficile» commençait vraiment, et que l'accord espéré pourrait avorter en cas d'absence de consensus sur seulement «2% des sujets discutés». M. Zarif et sa délégation retrouvaient hier soir à dîner Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, qui négocie au nom des 5+1. La négociation proprement dite débutera ce matin et doit se poursuivre jusqu'à vendredi. Contrairement aux sessions précédentes, Mme Ashton et M. Zarif assureront eux-mêmes la majorité des réunions, a indiqué à l'agence iranienne Isna le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. Le dialogue pourra s'appuyer sur de premiers succès, comme la question du réacteur à eau lourde d'Arak, qui semble en passe d'être réglée. Cet équipement, situé à 240 km au sud-ouest de Téhéran, pourrait en théorie fournir à l'Iran du plutonium susceptible d'offrir une alternative pour la fabrication d'une bombe atomique. L'Iran affirme que le réacteur ne sert qu'à la recherche, notamment médicale. Mais face au scepticisme des grandes puissances, le pays a proposé de modifier la conception du réacteur, en vue de limiter le plutonium qui sera produit. «Arak et la transparence sont plus mûrs que tous les autres points à l'ordre du jour, dans l'optique d'un premier résultat pouvant être obtenu vendredi», a déclaré à son arrivée à Vienne Sergueï Riabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères. Par «transparence», M. Riabkov, qui était cité par La Voix de la Russie, entend la capacité internationale à poursuivre, à l'avenir, l'inspection en détail des activités nucléaires iraniennes. Les experts techniques de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) constatent pour l'heure, mois après mois, que Téhéran respecte à la lettre ses engagements pris à l'automne dernier, lors d'une conférence à Genève qui avait mis fin à une décennie de face-à-face, et avait permis de lancer les discussions actuelles. Le 17 avril, l'agence spécialisée de l'ONU évaluait ainsi que l'Iran avait réduit son stock d'uranium enrichi de 75% à 20%. La capacité d'enrichissement d'uranium que conservera l'Iran après une éventuelle entente est l'un des sujets les plus délicats encore en discussion. Les parties vont notamment compter le nombre de centrifugeuses rapides de nouvelle génération dont le pays pourrait disposer.