Au Conseil de sécurité, Washington présente un projet de résolution révisé. A quelques semaines du transfert officiel de souveraineté au nouveau gouvernement intérimaire irakien, les combats et affrontements entre troupes américaines et miliciens chiites redoublent de violence, faisant douter sérieusement de la fiabilité des plans de la coalition pour l'Irak d'une part de la capacité des autorités irakiennes «souveraines» de faire face à la montée des périls. C'est sans doute conscients de cette faiblesse structurelle du nouveau pouvoir, que le Premier ministre irakien, Iyad Allaoui et son chef de la diplomatie, Hoshayr Zebari ont, dans un bel ensemble, insisté pour que les forces «internationales» demeurent un certain temps en Irak. Ainsi M. Zebari dans une intervention devant le Conseil de sécurité, vendredi, n'a pas hésité à dire que «tout départ (des forces internationales) conduirait au chaos et à une réelle possibilité de guerre civile». Lui faisant écho, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, à partir de Singapour, où se tient une conférence internationale sur la sécurité, a estimé qu'il y avait risque de guerre civile en Irak en cas d'échec américain, affirmant : «Les alternatives sont claires. Vous pouvez avoir l'anarchie, la guerre civile, le nettoyage ethnique, un pays démembré, l'arrivée d'un autre Saddam Hussein, version réduite, réinstaurant la dictature». Un alarmisme de mauvais aloi quand les Américains ont tout fait, depuis 1991, pour arriver à cette extrémité. C'est même l'occupation étrangère qui a réveillé chez les Irakiens les particularismes ethniques, sans doute latents, mais qui ne se sont jamais autant exprimés qu'avec la présence étrangère dans ce pays. Pays ou fait du hasard (?), la guerre semble engagée dans un curieux cycle. Ainsi, après Falloujah, Kerbala, Koufa et Najaf - que les miliciens chiites ont quitté vendredi offrant enfin à la ville sainte de souffler et de retrouver la quiétude et le calme qui l'ont désertée depuis plus d'un mois - c'est autour de l'imposante banlieue rebelle de Sadr City à Bagdad d'entrer dans le carrousel de la violence. De violents affrontements ont ainsi opposé hier des troupes américaines aux miliciens de l'Armée du Mehdi de Moqtada Sadr. Selon un officier américain, il y a eu un nombre indéterminé de tués parmi les miliciens chiites. Lors des dernières 48 heures, au moins six soldats américains ont été tués dans la région de Bagdad, comme a été assassiné hier, à Mossoul, le frère de Nawaf Zidane, l'homme qui a livré aux Américains, pour 30 millions de dollars, les deux fils de Saddam Hussein, Oudéi et Qoussai, tués l'an dernier par l'armée américaine. Dans cette même ville, une attaque, hier, contre une caserne de la police, a fait 17 blessés. Au plan diplomatique c'est encore le projet de résolution sur l'Irak déposé par la coalition qui fait l'objet de débats serrés. Vendredi, un nouveau projet, révisé et, tenant compte des observations faites par les partenaires des Etats-Unis, est revenu sur les bureaux du Conseil. Moscou a été l'une des premières capitales à réagir, exprimant une satisfaction mitigée, estimant que la nouvelle mouture doit encore s'améliorer selon le vice-ministre des Affaires étrangères, Iouri Fedorov, qui indique : «Pour ce qui est du contenu, le projet amendé de la résolution prend effectivement en compte les préoccupations qu'exprimaient la Russie et d'autres membres du Conseil de sécurité, et va dans cette direction» ajoutant toutefois : «Nous ne pouvons pas pour l'instant dire qu'il nous satisfait complètement, c'est pourquoi nous estimons indispensable de poursuivre la mise au point». Il ne fait pas de doute qu'il exprime ici un point de vue partagé par de nombreux membres du Conseil de sécurité et que Washington doit encore améliorer sa copie, ce qui n'empêche pas le président américain, George W.Bush de faire état de sa confiance quant à l'adoption du projet indiquant : «Je suis confiant dans le fait que nous en aurons une (résolution) rapidement», affirmant par ailleurs à Rome où il se trouvait hier qu'il y aurait «un transfert complet de souveraineté le 30 juin. Nos troupes doivent être là-bas à la demande d'un gouvernement souverain». Si, effectivement, les positions se sont rapprochées, trop de zones d'ombre subsistent qui font que la question demeure toujours celle du statut futur des forces d'occupation de la coalition en Irak et dans quelle mesure une force internationale, sous l'égide de l'ONU, pourrait leur être substituée. Or, la question récurrente est celle-ci : quitter l'Irak, oui, mais dans quelles conditions et quelles en seront les retombées sur la sécurité du peuple irakien? En fait, l'alternative pour la communauté internationale est celle d'assurer la sécurité aux Irakiens.