La conférence ministérielle des pays non-alignés a insisté - lors de ses travaux à Alger la semaine dernière - sur la nécessité de réformer le système onusien et, singulièrement, son organe exécutif, le Conseil de sécurité. Comme on pouvait le craindre, les diplomates «non alignés» ont surtout mis l'accent sur l'exigence de renforcer les prérogatives du Conseil par l'octroi, notamment, de sièges permanents à l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine. Mais est-ce réellement celle-là la priorité de la réforme, assurément nécessaire, du système de l'ONU? Nous en doutons fort. Le problème du Conseil de sécurité, n'est pas dans le nombre de ses membres permanents, mais sûrement dans l'existence même de cette qualité, détenue par cinq Etats (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, Chine et France), qui leur octroie le droit de veto. Or, le droit de veto a induit la paralysie du Conseil de sécurité. Huit ou dix pays permanents, cela va-t-il donner plus de détermination à cette institution? Sans doute pas! D'autant plus que les détenteurs actuels du droit de veto, s'ils soutiennent l'élargissement du Conseil de sécurité et de ses membres permanents, s'opposent en revanche à ce que ces derniers bénéficient du privilège du veto. Aussi, les candidats en puissance s'offusquent-ils et exigent pour eux le même droit que les «Cinq». C'est donc l'impasse. Ce qui explique que le chantier n'a pu avancer depuis son lancement en 2005 par l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Dès lors, si les pays non alignés, estiment impérative la réforme des principaux organes de l'ONU, il aurait fallu ne pas se focaliser uniquement sur celle du Conseil de sécurité, mais faire des propositions réalistes qui lui redonneraient crédibilité et pugnacité. En effet, il y a deux réformes urgentes à faire, celle de la Charte de l'ONU - devenue obsolète et ne répondant pas aux problèmes du XXIe siècle - et évidemment l'adaptation des dispositions régissant la constitution et surtout le fonctionnement du Conseil de sécurité à son nouvel environnement. Il est patent que ces réformes ne peuvent se réaliser si la «loi fondamentale» qui gouverne l'ONU, n'est pas mise à niveau à la lumière des préoccupations du monde actuel axées sur le développement et l'égalité, voire les droits de l'homme, la bonne gouvernance, l'instauration de relations internationales équilibrées et justes, l'éradication de la pauvreté et des pandémies qui freinent, singulièrement, la croissance en Afrique. Ce qu'il convient donc de relever est que la Charte de l'ONU a été faite par et pour les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et sans l'objectif de favoriser cette aspiration au mieux-être des pays de l'hémisphère Sud. Comment en effet, une Charte faite pour un monde qui sortait d'une guerre mondiale pourrait-elle répondre aux besoins d'un monde au seuil de la conquête spatiale? La Charte de l'ONU et le Conseil de sécurité sont donc les deux points nodaux des réformes envisagées pour l'institution internationale afin de lui restituer sa raison d'être. Aussi, quel contenu et quelle configuration donner à la future organisation? Une question importante qui risque de ne point recevoir de réponse dès lors que les détenteurs du droit de veto qui - par ce privilège indu - se sont placés au-dessus du droit international échappent et font échapper leur(s) protégé (s) - c'est le cas d'Israël - aux normes communes imposées aux nations. Les Etats-Unis ont récemment condamné le veto de la Russie sur les dossiers syrien et ukrainien, oublieux qu'ils ont été et demeurent les plus grands utilisateurs du veto qu'ils ont brandi en maintes occasions pour bloquer le Conseil de sécurité sur le dossier palestinien et les crimes d'Israël dans les territoires palestiniens occupés. C'est dire la pertinence de redéfinir ce droit exorbitant détenu par cinq Etats et pourquoi pas l'annuler. Le veto est en effet nuisible à la paix et à la sécurité du monde. Cela s'est vérifié quand les Etats-Unis ont envahi et détruit l'Irak, faisant fi de l'opposition de l'ONU. Ni l'ONU, ni aucun Etat n'a les moyens de traîner les Etats-Unis devant une cour de justice internationale. Encore faut-il que celle-ci existe. La solution pourrait venir de l'octroi des sièges du Conseil de sécurité par continent et à leurs organisations représentatives (UA, UE, OEA, PNA, OCI, G7, G20, G77...) avec certes, l'abandon du droit de veto. Il faut que l'ONU découle effectivement de la communauté des nations, dans sa véritable représentativité et non pas, comme c'est le cas depuis 1945, d'un trio d'Etats (Etats-Unis, Royaume-Uni et France) qui s'est autoproclamé «communauté internationale». En tout état de cause, la composante du Conseil de sécurité n'est pas représentative de la société internationale actuelle. Tout l'enjeu de la réforme de l'ONU est là.