De notre envoyé spécial à Toyako-Hokkaido au Japon Moumene Belghoul Réunis dans un site paradisiaque au bord du lac Toya, dans le sud de l'île Hokkaido, les huit puissances mondiales se sont encore une fois retrouvées pour discuter de la situation économique mondiale mais sans pouvoir prodiguer les médications qui s'imposent pour le bien-être de toute la planète. Le sommet du G8 au Japon s'est conclu, donc, avec la promesse encore ressassée d'aides à l'Afrique et l'engagement solennel de «combattre les graves épidémies et un engagement à lutter contre la crise alimentaire mondiale». Il y a ensuite l'engagement, affirmé de façon générale sans qu'on ait défini de dates, d'investir près de 60 milliards de dollars pour combattre les grandes épidémies à l'instar du sida et de la tuberculose. Et pour se donner bonne conscience, les Etats-Unis ont offert cent millions de sommiers, traités avec des produits antiparasitaires, «pour lutter contre les maladies tropicales négligées». Dans une réaction qui frise le cynisme, les huit grands ont appelé les pays détenant d'énormes réserves alimentaires à «les mettre à disposition des nations les plus pauvres ou qui souffrent du manque de ressources alimentaires primaires». Ce sont quelques-uns des objectifs établis au terme du dernier G8 japonais par les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Russie. Mais force est de constater que beaucoup de choses dites à Toyako, à l'instar des sommets précédents, restent de l'ordre de l'intention sans devenir réalité palpable. Ainsi, le G8 a confirmé l'augmentation de cinquante milliards de dollars d'ici à 2010 de la somme destinée aux pays pauvres, dont 25 milliards pour le continent africain. L'engagement a déjà été pris, il y a un an en Allemagne, au sommet du G8 de Heiligendamm. Ces promesses, en particulier les sommes destinées à l'Afrique et aux pays pauvres, ont déjà été confirmées par les derniers sommets. Le vrai problème est leur application sur le terrain, et surtout le respect des engagements pris. Enfin, la grande inquiétude occidentale relative au surenchérissement du prix du pétrole, qui suscite une étouffante crise économique dans de nombreux pays développés, a résolu le G8 à s'engager dans la construction d'un nombre considérable de centrales nucléaires à usage civil. Les puissances comptent pour ce faire se réunir avant la fin de l'année, encore une fois au Japon, dans un forum sur l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Changement climatique : un chapitre délicat C'est devenu une habitude : un G8 sans les questions climatique n'en est pas un. Le chapitre est délicat. D'autant que, désormais, la négociation pour réduire l'émission de gaz à effet de serre devra impliquer aussi d'autres nations. Ce que les puissants appellent les «économies émergentes». Au G8, ont été invités dans cette optique le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique et l'Afrique du Sud. Fait marquant également, la participation de huit pays africains, un signe, bien qu'encore insuffisant, qui témoignerait de la nécessité du dialogue et de la confrontation -et pas seulement de partenariats- entre le nord et le sud de la planète, entre pays riches et pays pauvres. Les puissances se sont résolues à l'intégration des autres pays dans des décisions qui engagent la planète. Le sommet du G8 de Hokkaido s'est donc achevé sur des conclusions «très timides» pour répondre à la crise économique, alimentaire et énergétique mondiale mais sur des avancées plus concrètes pour répondre au défi du changement climatique. Les Huit (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) ne sont pas allés à Toyako au-delà de déclarations d'intention et de principe sur l'économie mondiale. Ils se sont limités à évoquer les perspectives tout en rappelant les problèmes posés par la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires. Ils n'ont nullement annoncé de nouvelles aides financières au bénéfice des plus pauvres de la planète, pour qui se nourrir est un parcours du combattant. L'initiative du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de proposer un fonds agricole pour les pays en voie de développement (PVD), doté d'un milliard d'euros tirés des excédents du budget de la Politique agricole commune (PAC), a même été torpillée par la chancelière allemande, Angela Merkel. Sur le pétrole, dont les cours évoluent à des niveaux record, le G8 a réclamé une adéquation de la production à la consommation mondiale faisant semblant d'oublier que la hausse dantesque des prix du brut est l'œuvre de manipulations des spéculateurs et non des producteurs, notamment ceux de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Annan : «Le G8 fait le minimum» Décidemment, l'Afrique est devenue un thème majeur du G8. Les sept dirigeants africains invités à Hokkaido (Algérie, Afrique du Sud, Ethiopie, Ghana, Nigeria, Sénégal, Tanzanie, plus l'Union africaine) étaient au centre de l'intérêt médiatique. Observateur averti, l'ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a noté que le groupe des Huit s'est contenté du strict minimum pour l'Afrique. «Quel est l'intérêt d'un grand bond dans les promesses lorsqu'ils n'ont pas donné ce qu'ils avaient promis en 2005 ??» s'est-il interrogé, en référence à l'engagement pris il y a trois ans par les membres du G8 d'apporter 50 milliards d'aides supplémentaires à l'Afrique d'ici à 2010. L'engagement brille toujours par son non-respect. Annan a, par ailleurs, salué les commentaires positifs du G8 sur l'urgence de mener à bien les négociations du cycle de Doha sur le commerce international, notant qu'un système commercial équitable et moins restrictif «aiderait beaucoup les pays africains». Pour Annan, «l'Afrique sera la prochaine étape de développement de la mondialisation et les hommes d'affaires et dirigeants éclairés l'ont compris. Ils feraient mieux de se sortir eux-mêmes de la pauvreté que de vivre aux dépens des autres.» Confrontés à la flambée galopante des cours du pétrole, à la hausse des prix des produits alimentaires, à la crise financière, aux désordres monétaires et, finalement, au réchauffement climatique, les puissants n'ont pas de réponse probante et de médication salutaire à apporter au reste du monde. Depuis près de trente ans, l'économie mondiale contrôlée par les mêmes nations semble dans une situation critique. A l'image de la crise déclenchée, l'été dernier, par les subprimes aux États-Unis. Au Japon, les dirigeants du G8 ont plutôt essayé de se rassurer en dressant un tableau jugé «positif» des perspectives de croissance. Rien, cependant, ne permet d'assurer que ces appels, au-delà du bon sens, seront entendus. Dans un contexte extrême caractérisé par la hausse vertigineuse des produits alimentaires et pétroliers, le sentiment d'urgence induit par le réchauffement climatique et les tensions sur les principales monnaies prend un air décalé. Sur tous ces grands sujets, le «club» des pays riches a exprimé surtout sa «grande préoccupation» sans parvenir à masquer son désarroi devant les risques mondiaux. Concernant la grave crise alimentaire mondiale, le G8 semble avoir été hors champ loin de l'émotion suscitée ces derniers mois par les émeutes de la faim survenues dans de nombreux pays du monde. Les rencontres des puissants de ce monde semblent se suivre et se ressembler. Le prochain sommet du G8 qui se tiendra en pleine Méditerranée à la Maddalena, dans l'île de Sardaigne en Italie, dérogera-t-il à la règle ?