C'était un islamiste de la première heure du FIS. Né le 25 décembre 1966 à Batna, il décroche un diplôme d'ingénieur d'Etat en technologie, lorsque le FIS cède sa place politique aux premiers groupes du GIA. Ses capacités militaires et son prestige d'homme d'action le placent immédiatement parmi les chefs de zone de tout le Constantinois, avec Abou Mossaâb, Abou Rayhane, etc. En 1994, il se fait connaître par un coup d'éclat spectaculaire : avec l'aide de chefs de katibate, il réussit à faire évader près de 1000 prisonniers, dont la plupart étaient des hommes impliqués dans des affaires liées au terrorisme, du célèbre centre pénitentiaire de Tazoult (ex-Lambèze). Une semaine après et au nom du GIA pour la région de Batna, il signe un communiqué et, au bas du document, il appose un nom de guerre que tout le monde va apprendre à connaître : Abou Ibrahim Mustapha. A partir de mai 1994, il est chargé par l'émir du GIA Chérif Gousmi Abou Abdellah Ahmed, de faire pièce à l'AIS, qui s'affirme comme une nouvelle force locale (Jijel, Skikda, Collo, etc.) tout en affirmant clairement son refus d'intégrer les structures du GIA. S'ensuit une guerre fratricide sanglante dans laquelle brillent deux chefs : Redouane Achir et Nabil Sahraoui. Djamel Zitouni, qui remplace Gousmi (après un putsch contre Mahfoud Tadjine Abou Khalil) le confirme dans ses fonctions de chef de la zone 5, mais quand Zouabri prend le commandement du GIA, à partir de juillet 1996, les chefs de zone font «bande à part». Hassan Hattab, chef de la zone 2, s'entoure de collaborateurs aguerris (Saâdaoui, Sahraoui, Le Para Okacha, Hadj Ali, Belmokhtar, etc.) et annonce après deux années de «gestation» la naissance du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), qui se pose en champion du salafisme et entend mener le djihad en Algérie, tout en qualifiant le GIA crépusculaire de «groupe déviationniste et taffiri». Les chefs du Gspc sont Hassan Hattab et Okacha, pour le Centre, Sahraoui et Le Para pour l'Est, Mokhtar Belmokhtar, pour le Sud. Ces cinq chefs, auxquels se joindront Abdelmadjid Dichou et Abdelhamid Saâdaoui, sont le premier cercle du commandement du Gspc. En 1998, Hattab n'est que l'émir provisoire, et il faut deux ans pour arriver à un consensus définitif : Abdelmadjid Dichou, ancien imam à Bordj Ménail, est élu à l'unanimité à la tête du Gspc. Une année après, sa «mort au combat», permet le retour de Hattab à la tête du Gspc, dont il est non seulement le chef de guerre, mais aussi la figure emblématique, l'inspirateur et le fondateur. Nabil Sahraoui se distingue à l'Est par des embuscades particulièrement meurtrières contre les forces de sécurité, dont la plus célèbre est celle qui a coûté la vie à 49 parachutistes à Batna, en début 2002. Son installation à la tête du Gspc, en septembre 2003, a soulevé beaucoup d'interrogations. S'agissait-il d'un coup de force contre Hattab? Celui-ci a-t-il été tué comme cela a été dit par des repentis ou a-t-il présenté sa démission, qui a été acceptée? Pourquoi Le Para est-il parti au Sud, alors qu'il était le n°2 du Gspc? Autant de questions que Nabil Sahraoui élude en affirmant, dans un entretien donné en décembre 2003 à sa commission juridique, que c'est sur insistance des chefs de zone qu'il a accepté de prendre la tête du Gspc après la vacance laissée par la démission de Hattab. Sahraoui a multiplié les communiqués, allant jusqu'à menacer, il y a une quinzaine de jours, de frapper tout étranger se trouvant en Algérie, mettant les autorités dans une gêne effroyable. A 38 ans, Sahraoui voulait mener le djihad plus loin encore, en ciblant uniquement les forces de sécurité et en épargnant les citoyens, dans une nouvelle stratégie élaborée par le Gspc dont l'objectif principal était manifestement de regagner la sympathie, tout au moins, des populations où le Groupe salafiste est implanté. Sahraoui tué, tout comme son conseiller militaire, Okacha Le Para, et son artificier Droukdel Abdelmalek, Abderrezak Le Para capturé au Tchad, Mokhtar Belmokhtar «disparu» dans le Grand Sud, Hassan Hattab «effacé», c'est pratiquement le Gspc qui est décapité. Mais peut-on dire pour autant que le Groupe salafiste est fini, alors que ses structures internes, ses chefs locaux, sa stratégie, sa logistique et ses bases continuent encore à fonctionner? La cavale de Sahraoui aura duré douze années, soit de 1992 à 2004, ce qui est déjà énorme pour un chef terroriste, dont la moyenne d'âge dépasse rarement la trentaine et dont l'activité ne va pas au-delà de quelques années.