Il est certain que le ministre n'aurait pas effleuré cette question s'il n'avait pas l'intention d'y mettre un terme. A la surprise générale, le ministre de la Justice, M.Belaïz, vient de franchir un cap spectaculaire dans le processus de la réforme de la justice. Il propose la suppression pure et simple de la peine de mort. «Je propose solennellement l'annulation de la peine de mort», a t-il clamé, hier, à l'hôtel El Aurassi, à l'occasion de la rencontre régionale des magistrats. Selon les premières réactions des experts en la matière, la volonté du ministre d'abolir la peine capitale pourrait être motivée par deux considérations de taille. Premièrement, en finir avec les éternelles réticences des chancelleries occidentales d'extrader les personnes d'origine algérienne condamnées pour terrorisme sous prétexte «qu'elles seront exécutées». Deuxièmement, une telle «intention» traduit la détermination de l'Algérie de s'aligner sur les systèmes judiciaires mondiaux les plus performants où la peine de mort n'a pas le droit de cité. Dans le premier cas de figure -le problème des extraditions- avec un tel engagement, l'Algérie s'attellera à adapter parfaitement sa législation aux résolutions de la communauté internationale préconisant la lutte antiterroriste dans le respect des droits de l'homme. Cela sachant de surcroît que la décennie de sang a charrié a plus de 150.000 personnes, et a soulevé un débat très controversé où certains milieux n'ont pas hésité à accuser l'armée «d'avoir pris cause de la lutte antiterroriste pour s'adonner à des exécutions sommaires». Aussi, la «résolution» de Belaïz à «débarrasser» la justice nationale de la peine de mort amènera, à coup sûr, plusieurs observateurs de la scène politico-judiciaire nationale à revoir leur «évaluation» de la situation des droit de l'homme. Car, il va sans dire que cette loi, en passe d'être abolie, est plus problématique du fait qu'elle est non exécutoire. Il n'y a qu'à se référer à tous ceux qui ont été condamnés à cette peine sans pour autant voir leur sort définitivement scellé. On peut citer, dans cette optique, le cas de l'assassin de l'ancien président de la République, M.Boudiaf, Boumarafi, qui croupit toujours dans les geôles ; tout comme les personnes impliquées dans «l'affaire» de Sarkadji encore emprisonnées. Un fait qui a suscité «la dénonciation» de certains militants des droits de l'homme. «Il est inconcevable que l'Algérie n'abolisse pas la peine de mort sachant qu'actuellement elle est gelée», a fait remarquer à maintes reprises Me Miloud Brahimi. Il a même poussé le bouchon plus loin en déclarant : «il est inconcevable que d'ici à un proche avenir la peine de mort soit réactivée pour une personne condamnée pour un crime passionnel alors que les actuels condamnés ont pris les armes contre le pays». Par ailleurs, l'on tient à préciser du côté du ministère de la Justice qu'aucun «lien n'existe entre la volonté du ministre d'abolir la peine de mort et la réconciliation nationale», érigée en constante politique par le chef de l'Etat. «La proposition de M.Belaïz a été discutée dans un cadre concerté ayant regroupé tous les spécialistes du secteur», a t-on appris d'une source proche du ministre. En effet, à en croire notre source, une commission se serait constituée renfermant en son sein magistrats, avocats et juristes et un consensus serait dégagé autour de la question. Donc, quoique présentement au stade d'intention, la proposition de Belaïz, vraisemblablement, ne rencontrera pas de résistance au niveau des deux chambres du parlement. Les applaudissements à l'hôtel El-Aurassi qui ont suivi son annonce plaident en faveur de cette plausibilité. D'autres sources au fait des «secrets» du département d'El Biar, ne «doutent» point que le «glas a sonné pour la peine capitale dans notre pays». «Aucun de ses prédécesseurs (ceux de Belaïz) n'ont pu aborder cette problématique ; et il est certain que le ministre ne l'aurait pas effleurée s'il n'avait pas l'intention d'y mettre un terme», nous a t-on affirmé.