La plaie des cinq mois de grève est toujours béante. Pour entamer des études en psychologie à la faculté de Bouzaréah, comme elle l'a toujours souhaité, R.B, 20 ans, doit d'abord passer le cap du baccalauréat. Une étape d'autant plus décisive qu'elle dit avoir, des mois durant, réuni toutes ses forces pour rattraper, un tant soit peu, les cinq mois de retard causés par le conflit «insoluble?», opposant, jusqu'à ce jour, les syndicats automnes (Cnapest et le CLA) à la tutelle. Soumise à un rythme de travail soutenue, voire à la limite du supportable, notre demoiselle, qui débutait hier, comme les 574.564 candidats du pays, l'examen le plus redouté de tous, garde intactes les séquelles de la grève : stress, abattement, appréhension...Ce sont d'ailleurs les principaux mots illustrant l'état d'esprit des futurs étudiants. Dépitée, elle s'emporte : «Comment voulez-vous compenser quatre mois de retard en subissant une cadence infernale des séances de rattrapage?» N'en ayant cure, R.B, accuse le ministère de l'Education de faire, «comme souvent», dans la politique des «quotas» en arguant l'exiguïté des enceintes universitaires de la région. Une démarche aux conséquences qu'on peut aisément deviner et au terme de laquelle, nombre de jeunes seront condamnés soit à refaire toute l'année, soit, dans le pire des cas, menacés d'exclusion. Hier, au lycée Sacré-Coeur, situé en plein centre de la capitale, à hauteur de la «chic» rue Didouche Mourad, les esprits étaient autant chauffés que la canicule qui sévissait depuis le début de la matinée. Sporadiquement, les candidats de la filiale sciences humaines, quittaient les salles d'examen, sous l'oeil vigilant des quelques policiers postés aux alentours de l'enceinte. Ils venaient de passer l'épreuve «capitale» de la littérature arabe. Trois questions leur ont été soumises, dont l'une à une réponse obligatoire. Au terme de trois heures fatidiques, les appréciations se sont différemment exprimées, bien que la tendance prêtait à la satisfaction. «Globalement, le sujet était à la portée de tout le monde» commente Belkan Nassim, candidat pour la seconde fois au lycée des Frères Barberousse. Pour ce jeune de 19 ans qui évolue en classe de langues étrangères, justifier la difficulté de l'épreuve par les aléas de la crise des enseignants, serait aller «trop» vite en besogne. Plutôt entreprenant, celui-ci, histoire de jouer un peu le moralisateur, préfère parler de persévérance mais aussi de «sacrifices». Même approche mais néanmoins plus critique, sa compagne de classe Sara K., 17 ans, remet en question la manière dont étaient rattrapés les cours : «Pour les programmes non achevés, comme ceux de l'histoire et de la géographie, notre professeur, pour bâcler son année, nous a remis un «baluchon» de polycopies qu'il est quasi impossible de saisir entièrement», fait-elle remarquer, non sans évoquer les difficultés psychologiques auxquelles continuent de faire face de nombreux lycéens. Quant au Cnapest, même si son aura parmi les élèves n'a pas la même ampleur que celle du corps enseignant, il continue à s'ériger comme un acteur «crédible» dans la famille de l'éducation. La décision annoncée, vendredi dernier, par le syndicat de l'«infatigable» Meziane Meriane, de surseoir au boycott de la correction des examens, a été accueillie positivement par les candidats. Ceux-ci, soucieux, sans doute, de préserver leur neutralité dans le conflit, pour éviter d'éventuels «chinoiseries», ont à la quasi-unanimité, salué l'attitude «courageuse» et «salutaire» du Cnapest sans pour autant oublier les «durs» moments qu'ils ont vécus, à cause justement, de cette crise qui semble-t-il, s'éterniser. Car nos différents interlocuteurs, à l'instar des autres élèves qui emplissent actuellement l'école algérienne, demeurent, contrairement à ce que pensent nos décideurs, conscients des enjeux que cache cette affaire. Ils n'ont certes pas le poids «politique» devant les «gros» appareils qui sont à la fois l'administration et les différents syndicats de l'éducation. Mais l'ampleur «grossissante» de la colère mais aussi de l'impatience, ne saurait persister dans l'état actuel des choses. Et c'est justement, dans de telle situation que les pouvoirs publics doivent intervenir avec la plus grande vigueur, afin d'abord de sauver les meubles et ensuite penser à faire réussir cette réforme que tout le monde, d'ailleurs attend de pied ferme : «Il faut trouver au plus vite une solution à l'anarchie qui prévaut actuellement dans l'éducation si l'on veut sauver les générations à venir» pense la jeune R.B. qui tient coûte que coûte, à ouvrir son cabinet de consultations en psychologie...dont les penseurs de notre école ont en tant besoin.