Le Premier ministre français Manuel Valls devait nommer hier un nouveau cabinet après la démission choc de son équipe liée à de profondes divergences sur la politique d'austérité du président socialiste François Hollande, confronté à une nouvelle crise politique. Les éditorialistes français évoquaient hier de façon quasi unanime une grave «crise de régime» après l'annonce d'un remaniement et le départ annoncé de trois ministres partisans d'une politique plus sociale, moins de cinq mois après la nomination de Manuel Valls à la tête d'une nouvelle équipe. «Sur fond de défiance abyssale et de désastre économique, comment ne pas reconnaître dans ce gouvernement devenu fou, ce Parti socialiste fracassé, cette majorité en charpie, tous les ingrédients d'une crise de régime dont les conséquences sont encore incalculables», écrivait sans détours le quotidien conservateur Le Figaro. Fait rare, le quotidien de gauche Libération titrait comme Le Figaro: «Crise de régime» pour illustrer l'image d'un président seul. La stratégie présidentielle consistant à maintenir le cap d'une politique controversée et d'évincer les minis- tres qui protestent est pour Le Monde «la dernière chance du président de sauver son quinquennat». A la surprise générale, Manuel Valls et François Hollande ont décidé lundi de trancher dans le vif pour mettre fin au désaccord entre les partisans de la ligne gouvernementale - restaurer la compétitivité du pays en aidant les entreprises et en coupant dans les dépenses publiques - et les tenants d'une politique alternative hostile à «la réduction à marche forcée des déficits publics» jugée contre-productive pour la croissance et pénalisante pour les couches populaires. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture du gouvernement sortant a de nouveau plaidé hier pour que la gauche porte «une politique économique alternative». «Parce que sinon, ils (les Français) ont l'impression finalement que c'est la même politique qui est menée partout en Europe et cette politique nous mène aujourd'hui dans une impasse», a-t-elle fait valoir sur RMC et BFMTV. Destiné à imposer leur autorité, ce geste survient alors que François Hollande, mais aussi Manuel Valls, sont impopulaires auprès de la majorité des Français, selon les sondages, sur fond de marasme économique persistant: une croissance à l'arrêt au 1er semestre et un chômage au plus haut. De tous ceux de la Ve République, soit depuis 1958, le gouvernement Valls I aura été l'un de ceux qui auront eu la vie la plus courte, exception faite de ceux formés entre des élections présidentielle et législatives. Ni Manuel Valls ni François Hollande ne se sont encore exprimés sur la crise au sommet de l'Etat, aussi violente que soudaine. Selon l'Elysée, le choix d'une démission de l'ensemble du gouvernement, plutôt que d'un remaniement limité, «visait à s'assurer que le nouveau s'inscrirait totalement et réellement dans la cohérence de la ligne fixée par le chef de l'Etat». Après l'acte d'autorité posé par le tandem exécutif, la logique voudrait que les «frondeurs» du Parti socialiste qui ont multiplié ces derniers temps leurs critiques envers la politique économique et sociale du gouvernement n'en fassent pas partie. Avec pour conséquence un effritement dangereux de la majorité parlementaire du gouvernement. Les socialistes et leurs alliés du parti radical comptent 305 députés alors que la majorité absolue est de 289.