El Islah accuse le gouvernement de n'avoir «jamais appliqué la disposition de loi portant interdiction de l'importation des alcools». Les initiateurs du très controversé article de loi portant interdiction d'importation de boissons alcoolisées n'ont pas l'intention de baisser les bras. Au lendemain de la déclaration du ministre du Commerce, M.Noureddine Boukrouh, dans laquelle il a exprimé, sans équivoque, l'intention de l'Exécutif d'introduire une ordonnance pour annuler cette décision, El Islah revient à la charge et menace «de saisir le Conseil d'Etat». Le motif de cette saisine n'est pas des moindres, il s'agit «de la transgression flagrante des lois de la République par les institutions publiques», c'est ce qu'a affirmé hier M.Abou Baker Salah, député et membre de la commission des affaires juridiques de l'APN. Ce dernier dénonce, dans une déclaration à L'Expression, les «manoeuvres» des autorités publiques. Lesquelles autorités tendent à vider l'article 46 de la loi de finances 2004 de ses objectifs, à travers notamment, «une interprétation faussée de ce texte de loi». En d'autres termes, El Islah accuse le gouvernement de n'avoir «jamais appliqué la disposition de loi portant interdiction de l'importation des alcools». Pour comprendre ce litige, il faut savoir que ledit article stipule qu'«est interdite l'importation des vins de toutes natures», l'article 47, quant à lui, prévoit que «dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les vins doivent obligatoirement être détruits et saisis conformément à la réglementation en vigueur». Les rédacteurs de l'article ont évoqué, dans les deux versions, arabe et française, le mot «vins» ou «el khoumour», or le code des douanes différencie les vins des alcools «kouhoul» et les spiritueux. Partant de ce principe, la commission juridique des douanes a limité les interdits, dans une instruction transmise aux différents ports, aux articles relevant des positions tarifaires suivantes, 22.04 et 22.05. Autorisant, par ailleurs, de facto, l'importation des bières, et du whisky. «Au début, nous avions soulevé la question à la direction générale des douanes pour lever les ambiguïtés. Après plusieurs réunions des commissions concernées nous avons été instruits d'appliquer l'interdiction uniquement sur les boissons produites à base de raisins, ce qui n'est pas le cas pour le whisky», nous a précisé M.Saïd Tirsatine, adjoint du directeur régional d'Alger port. Le port a continué, dans ce sens, à traiter normalement et selon la réglementation en vigueur, les importations du wihsky et des bières.Concernant les vins, M.Tirsatine affirme qu'aucune saisie n'a été enregistrée depuis la promulgation de cette loi . Pour notre interlocuteur donc la polémique soulevée par le parti de Djaballah n'a aucun fondement juridique. «L'article 46 est clair.» Ce qui n'est pas l'avis du député d'El Islah. «Nous considérons cela comme une atteinte flagrante de la loi.» Sur quelle base juridique le parti va-t-il saisir le Conseil d'Etat? «Le juge, dans ce genre de dossiers, revient aux intentions du législateur, exprimées dans le rapport préliminaire de la loi», explique ce dernier. Et dans ledit rapport, «nous avons clairement explicité cette démarche qui touche toutes les boissons alcoolisées». «Ce débat sémantique» ne cache ni plus ni moins, selon EL Islah, qu'une volonté de la part des pouvoirs publiques à contourner la loi. «S'il existe une justice dans ce pays, les juges du Conseil d'Etat n'auront pas de difficulté à prouver le bien fondé de notre cause.» Du côté des partis politiques qui ont voté massivement dans la nuit du 11 novembre 2003 cette disposition de loi, le ton semble changer. Mis à part El Islah qui tient bec et ongles à son initiative, en estimant que «le prétexte économique soulevé par les observateurs n'est pas convaincant», le reste semble faire marche arrière. C'est le cas du MSP. Contacté par nos soins, le secrétaire national chargé de l'information M.Ahmed Dane, après avoir réitéré la position du parti qui vise «à préserver les valeurs musulmanes et les constantes nationales du peuple algérien», finit par lâcher, que «le parti tentera, dans le cadre de l'alliance stratégique de trouver un palliatif à l'annulation». Même son de cloche chez le FLN qui estime que «les intentions de Boukrouh ne dépassent pas le stade des déclarations». «Le FLN révélera sa position le moment opportun, or, pour le moment, aucun texte de loi ne prévoit l'annulation de l'article 46», précise le chef du groupe parlementaire du parti M.Ayachi Daâdouâ. Ce dernier nous informe que l'APN n'a été destinataire d'aucun texte amendant ladite disposition de loi. Face à cette ambiguïté dans les positions du MSP et du FLN, il est difficile d'appréhender l'attitude des députés de la chambre basse face à une éventuelle annulation de l'article 46. Il est vrai que les donnes politiques ne sont plus celles ayant précédé le 11 novembre 2003. Le FLN se dirige vers la réunification et le parti de Bouguerra Soltani, depuis qu'il est au sein de l'alliance stratégique, voit désormais les choses dans «un cadre plus global» multipliant dans ce sens, les concessions. Dans tous les cas l'APN est un passage obligé pour le gouvernement dans le cas où il déciderait de mettre à exécution ses intentions. Sachant qu'une disposition de loi de finance ne peut être annulée que dans le cadre d'une autre loi de finances. Pas de place dans ce cas pour les ordonnances présidentielles. Notons enfin que le ministre des Finances, M.Abdelatif Benachenhou avait averti, à l'époque, les députés que, «cette mesure est en contradiction avec les engagements de l'Algérie sur le plan international».