Ils ont créé Daesh. L'organisation sanguinaire de l'Etat Islamique a cherché à frapper fort. Ses chefs ont trouvé l'occasion idéale pour le faire: décapiter l'otage français, Hervé Gourdel, trois jours à peine après son enlèvement en Kabylie. Le crime est signé. Et il porte l'ADN de cette organisation criminelle qui veut asseoir ses ramifications tant au Moyen-Orient qu'au Maghreb arabe. Mais ce crime a été perpétré en Algérie, cette terre où la folie intégriste a commis le pire des méfaits dans l'Histoire de l'Islam en entraînant la mort de près de 200.000 personnes. Dans la cassette diffusée sur leur site, les hommes de Djounoud El Khilafa (les soldats du califat) évoquent la «croisade lancée par la France contre leurs frères musulmans en Algérie», voulant signifier, en termes crus, la lutte antiterroriste impitoyable à laquelle se livrent, sans répit, depuis deux décennies, nos forces de sécurité. Aussitôt dit, aussitôt fait: leur émir, qui a fait allégeance le 16 septembre dernier à Daesh, est passé à l'acte pour punir la France de s'être directement impliquée par des bombardements en Irak pour stopper l'avancée des troupes djihadistes, estimées à 50.000 hommes, emmenées par un sanguinaire dont la réputation était déjà notoire sous Ez Zerkaoui. Avec cet assassinat odieux, la branche de Daesh au Maghreb, conduite par Abdelmalek Gouri, plus connu sous le nom de l'émir Khaled Abou Slimane, vient de signer son vrai acte de naissance dans une région dans laquelle elle s'apprête à bouter l'organisation d'Aqmi, affiliée à Al Qaîda. Le pourra-t-elle face à une Armée algérienne aguerrie au combat et aux arcanes de la lutte antiterroriste? Sûrement pas. Cerné de partout par les gendarmes et les commandos algériens, Abdelmalek Gouri savait que le temps lui est compté? De plus, l'ordre d'exécuter l'otage français est venu du Moyen-Orient. C'est-à-dire de la «centrale». L'objectif recherché était de frapper les esprits, de choquer et d'investir psychologiquement l'opinion occidentale. La décapitation de Hervé Gourdel n'intervient-elle pas quinze jours à peine après celle de trois ressortissants anglo-saxons? Décapiter, c'est son modus operandi. Il n'est guère différent de celui des autres organisations intégristes qui se réclament d'Al Qaîda, d'Aqmi, d'Al Nosra. Daesh cherche à atteindre l'impact médiatique, celui qui causera plus de dégâts à Paris, à Londres et à Washington. Elle veut que l'effet de cette exécution soit dévastateur pour l'opinion occidentale. Les émirs, adeptes de la manière forte, n'ont pas cherché à négocier quoi que ce soit avec Paris. Ni un échange de prisonniers islamistes détenus dans les prisons françaises, voire anglaises ou américaines, ni proposer en échange de la libération de l'otage le versement d'une rançon alléchante, comme la France avait l'habitude de le faire jusqu'ici pour libérer ses ressortissants enlevés au Mali ou ailleurs. Pour le grand patron de Daesh, la crainte était grande de voir ses terroristes algériens qu'il ne connaît d'ailleurs pas assez bien, tomber sous le feu des commandos de l'ANP déployés sur une large partie du territoire cerné jour et nuit, et qui pouvaient à tout instant libérer l'otage. L'expérience de l'Armée algérienne capable de réussir à sauver Hervé Gourdel est une crainte réelle que ne pouvaient pas exclure de leur évaluation dans cette opération les dirigeants de Daesh qui tirent les ficelles depuis les montagnes du Kurdistan ou de Mossoul. Dans ce cas, l'humiliation pour l'organisation d'El Baghdadi aurait été dévastatrice pour le moral de ses troupes et pour l'avenir du projet d'un Etat islamiste qu'elle rêvait d'installer sur les bords de l'Euphrate. Entre Daesh et l'Armée algérienne, c'était une course contre la montre. Pour El Baghdadi, les généraux algériens, avec le professionnalisme dont ils avaient fait montre lors de l'attaque de Tiguentourine, étaient capables de tout. De pister les ravisseurs de Daesh et de les éliminer à la «manière algérienne» et de réussir le tour de force de libérer le prisonnier. Il ne fallait donc plus perdre du temps qui pouvait finir par être exploité par les Français et les Algériens engagés de concert dans cette opération. Ce scénario était jusqu'ici leur vrai cauchemar. Maintenir plus longtemps en vie l'otage français, c'est aussi courir le risque de le perdre! Voilà le raisonnement des émirs de Daesh qui se sont empressés d'exécuter leur otage 48 heures à peine après son enlèvement. La communication a bien fonctionné entre Mossoul et Tizi Ouzou. Les émirs ont tranché. Ils ont choisi de privilégier la guerre psychologique, celle de la communication pour mieux instaurer cette terreur dont ils restent les meilleurs adeptes.