Nicosie considère comme «une provocation» l'annonce de l'envoi d'un navire sismique turc à partir de mi-octobre dans la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre. Chypre a annoncé hier la suspension de sa participation aux négociations visant à la réunification de l'île pour protester contre les agissements d'Ankara, qui cherche selon Nicosie à perturber ses recherches énergétiques en mer. Le président chypriote Nicos Anastasiades et le leader de la République turque de Chypre-Nord Dervis Eroglu étaient censés se rencontrer demain matin dans la zone tampon à Nicosie, selon l'ONU. Mais après une réunion de M. Anastasiades avec les responsables des partis politiques chypriotes, le porte-parole du gouvernement, Nicos Christodoulides, a annoncé que le président avait décidé de «suspendre les négociations avec la partie turque chypriote», et donc de ne pas assister à cette rencontre sous l'égide des Nations unies. Nicosie considère comme «une provocation» l'annonce de l'envoi d'un navire sismique turc à partir de mi-octobre dans la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre. Le bateau doit sonder les fonds dans un secteur proche de celui où opère actuellement le consortium italo-coréen ENI-Kogas, choisi par la République de Chypre pour mener des explorations destinées à découvrir d'éventuels gisements de gaz. M. Christodoulides n'a pas précisé si le processus de paix était suspendu de façon indéfinie, mais a souligné que Nicosie prenait les mesures «légales et diplomatiques» qui s'imposaient. «Les actions de la Turquie constituent une violation flagrante de la souveraineté de Chypre et de la convention des Nations unies sur la législation maritime, et mine la sécurité, la stabilité et la paix dans la région», a ajouté le porte-parole du gouvernement. Il a souligné que Chypre attendait une «réponse» de l'Union européenne et des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU après cette «action hostile» de la Turquie. Dervis Eroglu a dénoncé dans un communiqué la décision de Nicosie. Elle «constitue une nouvelle expression de sa détermination à ignorer les droits du peuple chypriote-turc» et montre que ses «efforts pour parvenir à une solution à travers des négociations n'étaient pas sincères», selon lui. Après ces développements, les Nations unies ont indiqué que le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour Chypre, Espen Barth Eide, arrivé hier sur l'île, rencontrerait «les deux dirigeants, leurs négociateurs et les responsables de partis politiques». Les leaders chypriotes grec et turc ont relancé en février les négociations de paix, après pratiquement deux ans d'interruption, sans effectuer de réel progrès. L'île méditerranéenne est coupée en deux depuis l'invasion de la partie nord par la Turquie en juillet 1974, en réaction à un coup d'Etat mené par des nationalistes chypriotes-grecs pour rattacher l'île à la Grèce. La Turquie ne reconnaît pas la République de Chypre et est le seul pays à reconnaître la République turque de Chypre-Nord. La Turquie s'oppose à l'exploitation de gisements gaziers ou pétroliers par le gouvernement grec-chypriote avant tout accord de paix. Dans le passé, Ankara a menacé de boycotter les compagnies énergétiques opérant au large de Chypre, et Nicosie a affirmé que des bateaux turcs harcelaient des bateaux de ces sociétés. Chypre ambitionne de devenir une importante plate-forme régionale dans le domaine de l'énergie et compte sur ses réserves en hydrocarbures pour se sortir d'une crise qui l'a obligé à accepter en 2013 un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros, assorti de conditions draconiennes.