L'émission Ecrans du Sud, que Canal Algérie produit, un mercredi sur deux, pour le compte de la télévision algérienne, a consacré son dernier enregistrement à «Mélodies de l'Espoir», un film de Djamel Fezzaz.. Jusque-là, il n'y a rien d'exceptionnel, surtout que cette émission se rappelle, à chacune de ses livraisons, aux bons souvenirs de ceux qui ont sacrifié la cinématographie nationale, des productions qui ont reconstitué des pans importants de notre mémoire. Mais le fait qui mérite d'être signalé est que son nouveau numéro intervient comme une sorte d'hommage à un réalisateur particulièrement connu par les téléspectateurs grâce à des feuilletons comme El Massir, Kaïd Ezzamane ou, plus récemment encore, El-Wassiya. En invitant Djamel Fezzaz à prendre part à une émission où étaient, par ailleurs, conviés le chanteur Abderrahmane Djalti et Redouane Mohammedi, directeur de l'établissement Arts et Culture, je ne m'attendais nullement à apprendre une mauvaise nouvelle. De la bouche même de l'épouse du réalisateur qui, la mort dans l'âme, me fit savoir que l'état de santé de son conjoint était des plus précaires. Particulièrement depuis une intervention chirurgicale, assurée par une clinique de la capitale, une intervention suivie d'une infection que le médecin concerné n'aurait pas pris en charge à temps. Selon les mêmes sources, c'est exactement depuis le mois de juillet que le malade vit le calvaire s'en remettant à Dieu. Présenté à de nombreux spécialistes de la place d'Alger, parmi lesquels il est aisé de citer le professeur Ould M'hamed, Djamel Fezzaz apprendra, la mort dans l'âme, que «l'ablation» de sa prothèse doit intervenir dans les plus brefs délais. Il ne peut en être autrement, affirme le professeur Azzizi, de l'hôpital militaire de Aïn Naâdja, qui a décidé de prendre en charge, dès aujourd'hui, l'infortuné réalisateur que l'infection ronge chaque jour davantage. En cas de succès de l'intervention qui fera appel à un autre type d'appareillage, la lutte contre l'infection devra durer une dizaine de mois. Pour mémoire, Djamel Fezzaz a échappé miraculeusement à la mort à la suite d'un attentat commis à l'époque par la horde intégriste dans le quartier populaire de Bab-el-Oued où il a été attiré dans un véritable traquenard. S'il a échappé au plan criminel ourdi par la bête immonde, il risque cependant le pire à la suite d'une négligence qui ne dit pas son nom. Ce qui est certain, feront remarquer de nombreux réalisateurs, comédiens et artistes, l'auteur de Mélodies de l'Espoir n'est plus seul désormais. Ainsi que son attachante épouse d'ailleurs qui, indignée et meurtrie dans sa chair pour la deuxième fois, compte ne pas en rester là à l'effet de dénoncer la négligence et la suffisance du chirurgien qui a opéré son mari. Affaire à suivre, sans aucun doute possible, alors qu'une sérieuse prise en charge aurait été de nature à permettre à Djamel Fezzaz de faire l'actualité autrement par, notamment, la réalisation du dernier feuilleton de la productrice Baya Hachemi ou, tout simplement, de caresser encore l'espoir de mettre en boîte un long métrage de format 35mm. Il y a une année environ, dans un entretien qu'il a accordé à Adlène Meddi du quotidien national L'Expression, le réalisateur d'El Wassiya n'avait pas manqué d'en parler, ouvertement: «Pour ma part, je crois qu'il faut tout reprendre à zéro, et surtout travailler, occuper le terrain, continuer à filmer avec la vidéo et, en parallèle, oeuvrer à ce que l'Etat fournisse au moins le cadre juridique adéquat pour le secteur et s'occupe des projets intéressants comme, par exemple, la Cité du cinéma. Enfin, moi, j'ai toujours été optimiste et je n'ai jamais cessé de travailler, parce que je sais que nous allons avoir un véritable cinéma, peut-être dans deux décennies, avec la convergence des efforts des pouvoirs publics, de la télévision, des professionnels et des privés.» En parlant de convergence des efforts, Djamel Fezzaz sait de quoi il parle, à plus forte raison lorsqu'il porte en lui les stigmates de lendemains précaires. Les promesses faites alors aux réalisateurs qui ont quitté, dans le cadre de dispositions juridiques de l'époque la télévision, n'ayant pas été tenues, il va sans dire qu'il s'est retrouvé dans une situation où sa prise en charge sociale n'était plus assurée. Travaillant au cachet, sa famille et lui-même allaient connaître les affres des privations. Ce n'est donc pas sans raison que sa femme souhaite vivement que les pouvoirs publics réagissent au malheur qui est imposé au réalisateur et aux siens. Le ministère de la Communication et de la Culture, qui s'est brillamment illustré en permettant à certains artistes d'obtenir une prise en charge pour des soins à l'étranger, sera-t-il encore une fois au rendez-vous? C'est ce que souhaite vivement, à vrai dire, Madame Fezzaz qui pense, à juste titre et dans le même ordre d'idées, que le sort qui s'acharne sur son mari et de nombreux créateurs ne puisse être annihilé que par l'élaboration et l'adoption du statut de l'artiste. Un être humain, avant tout, qui n'existe qu'à travers ses créations, et en dehors desquelles il n'est rien. Un citoyen dont la situation objective est singulièrement fragilisée par la seule volonté de la culture de l'oubli et de l'absence d'un statut à même de protéger socialement la corporation qui souffre énormément des effets pervers de la négation.