Portrait Karim Ziad, motivé par un esprit novateur, fait une musique qui lui ressemble. Quand des accents traditionnels, consciencieusement puisés dans le riche patrimoine algérien ancestral, sont associés à une instrumentation moderne, dite occidentale, cela donne une musique métissée, authentique, incarnée par un esprit ouvert et clairvoyant, celui de Karim Ziad. Après Ifrikya, un premier album sorti en 2001, Karim Ziad, installé en France depuis les années 1980, renouvelle l?aventure en sortant un second album : Chabiba dédié à la jeunesse algérienne. L?album compte dix titres, dont Chabiba, et contrairement à Ifrikya qui est plus jazz, donc plus instrumental, «Chabiba», s?avère plus travaillé, car Karim Ziad y a introduit le chant. Tous les titres sont en effet chantés, et cela crée une atmosphère musicale nouvelle, une esthétique maghrébine ainsi qu?une sensibilité plastique tout à fait au diapason avec l?ouïe du public, majoritairement jeune qui, réceptif, aspire à la beauté. La Ilaha illa Allah est un morceau traditionnel issu du répertoire de la confrérie soufie ; Chabiba évoque la jeunesse algérienne ; Katibala est un passage gnaoui chanté selon la tradition algérienne jusqu?à sa moitié, et ensuite jusqu?à la fin selon la tradition marocaine ; d?autres chansons, comme Merhba bik ou encore El mouima dédié à la mère, complètent l?album. Ont contribué à la conception de Chabiba (l?album), outre Karim Ziad, des musiciens de renommée internationale, à savoir Michel Alibo (bassiste), Bojan Zulfikarpasic (pianiste), Nguyen Lé (guitariste)? Tous ont apporté leur touche, voire leur inspiration pour conférer à l?album une richesse et une diversité incontestable, témoignant de l?ouverture musicale et du dialogue entre les musiciens de bords divers. Chabiba est un lieu de rencontre, là où viennent se croiser et se mêler des influences musicales diverses jazz et gnawa, toutes enrôlées dans un assortiment éclectique, cohérent et ajusté, le tout ancré dans une parfaite harmonie, toute colorée, témoignant d?une maîtrise intellectuelle et d?un équilibre esthétique. Effectivement, Karim Ziad, et à travers ce nouvel album, se montre plus performant, plus authentique et plus incontestable. Il se révèle plus proche de la source. Et si la comparaison s?impose, il est clair qu?il y a une nette différence entre le premier et le second album, une différence qui se traduit par un jeu musical plus approfondi, plus perceptible, donc plus lucide. De Ifrikya à Chabiba, Karim Ziad, motivé par un esprit novateur, travaille, en persévérant, à forger sa propre personnalité musicale, tout en tenant compte de l?importance d?une meilleure connaissance de ses origines, de sa culture et donc de sa musique pour créer et surtout développer un style qui est sien et lui sied et auquel il s?identifie. Il travaille, par ailleurs, à la mise en valeur de la culture, donc de la musique algérienne, et cela en puisant dans le patrimoine en exhumant des passages longtemps oubliés, voire ignorés de l?histoire, mais il travaille également à son enrichissement en introduisant à sa musique de nouvelles modalités, c?est-à-dire de nouvelles instrumentations, plus contemporaines et plus aérées. Karim Ziad fait une musique qui lui ressemble. Il se distingue littéralement par une musique subtile, caractérisée par un mélange de tempos afromaghrébins, de chants singulièrement pénétrants, le tout est agrémenté par une pulsion «jazzy», très colorée et dynamique. Généreux, il nous livre sans fard ni artifice une musique plurielle, donc mosaïque, très riche en sonorités, intense et énergique, foisonnante et bouillonnante sur le plan de la rythmique et de la percussion. Chabiba comme Ifrikya, les deux revisitent l?héritage culturel, notamment le patrimoine musical afromaghrébin dans un (extraordinaire) dialogue (artistique) aux couleurs du jazz. En fait, il s?agit d?un mélange jazz-gnaoui. Un dialogue très riche, un dialogue fait de sons savoureux et mélodiques, harmonisés par une profonde sensibilité enracinée et tirant sa sève du terroir. C?est une musique que l?on écoute, que l?on ressent et que l?on goûte.