Les soirées de Tabarka ont la peau dorée et continuent de prendre des «couleurs» au grand bonheur des amateurs de fusion et d'ouverture. Le festival de jazz de Tabarka, 9e du nom, poursuit son rythme de croisière à la lumière d'un programme éclectique et très riche en tonalités et en couleurs mélodiques. Mercredi dernier, le public tabarki a eu droit en première partie, à un concert emmené par le quartette espagnol Perico Sambeat qui, après avoir enchanté le public marocain en se produisant à la 9e édition du jazz aux Oudayas, a été, l'autre jour, l'hôte des Tunisiens à l'occasion d'une soirée magnifique. Un des musiciens de jazz les plus connus d'Espagne, Perico Sambeat, a déjà travaillé avec nombre de célébrités, comme Brad Mehldau, Lee Konitz et Fred Herch. Bien qu'il ait vécu longtemps aux Etats-Unis, le saxophoniste de Valencia a de profondes racines dans la culture espagnole. Sa musique allie différents styles de musique du monde latin jusqu'au jazz actuel. Son jazz étincelant, ardent, puise son inspiration du répertoire flamenco mais aussi andalou avec quelques touches orientales. En deuxième partie, c'est McCoy Tyner, pianiste du John Coltrane qui ravira le public par un jazz pur et dur! A côté, un contrebassiste se balançait avec son instrument en symbiose avec des notes qui répondaient énergiquement au son endiablé du piano et au punch de la batterie. Le regard complice, McCoy Tyner lâche du lest sous le cris du public fasciné par la maîtrise et la force de jeu du trio. Les musiciens interprétaient des morceaux vivants du jazz, saisissants et d'autres plus dilués, tendres, ou carrément soufflé au rythme de la rumba. Un jazz épatant, époustouflant, lumineux! Le jour suivant, jeudi donc, c'est changement de registre. Le jazz de la Rochelle est associé aux sons des Gnaoua mad in Essaouira. Un mariage harmonieux entre deux cultures qui croiseront le fer pour un voyage au bout de la transe. Mitigé cependant, atténué disons-le, l'esprit gnaoui était rehaussé par l'aura des «Occidentaux» qui ont su intégrer l'univers des gnaoua en accordant leurs instruments avec celui des autres. Une belle caravane de mélodies à vous faire tourner la tête au propre et au figuré. A la tête des 4 musiciens gnaoua, le Maâlem E Mkhtar Gnia au chant mystique et au gumbri invoquait le dieu «Moulana» pour une hadra des plus traditionnelles. Les musiciens de ce groupe Gnawa ont connu d'autres expériences similaires, notamment avec Randy Weston, Ray Léma, Iam, Pharoh Sanders, Carlos Santana... Une riche expérience universelle. Gnawa jazz expérience est le nom de l'album issu de cette originale expérience née à Essaouira. Un projet dont le contenu a consisté à monter des pièces pour voix et percussions (karkabou), arranger des grands standards de jazz issus de l'esprit d'Afrique du Nord, travailler sur une relecture de Jimmy Hendrix, qui a été présent sur la ville d'Essaouira durant 4 mois, à l'époque, et composer deux pièces originales pour l'ensemble et un film documentaire de William Guérin. Après le Maroc, le groupe Gnawa a récidivé en épousant la musique sénégalaise. L'Afrique reste effectivement le berceau de l'humanité, le terreau de toutes les rencontres culturelles, humainement et artistiquement les plus compatibles dans un registre plutôt rythme N'funk, jazz au 3e degré saupoudré de djerk. Captain Mercier clôturait avec enthousiasme cette soirée. Les musiciens déjantés s'appliquaient à mettre de l'ambiance sur scène jouant en plus sur des morceaux en français un peu dans le style du groupe Téléphone ou encore de Plastic Bertrand pour le peps qu'ils dégageaient sur scène. La vie en funk a valu à ce groupe une récompense aux victoires du jazz. Un groupe qui aime se faire remarquer en tout cas.