Le chef du gouvernement espagnol se trouve depuis hier au Maroc. La visite, aussi régulière que plusieurs autres effectuées de part et d'autre du Détroit de Gibraltar, revêt toutefois un caractère exceptionnel, puisque Jose Luis Rodriguez Zapatéro examinera avec ses interlocuteurs marocains et très probablement ce matin avec le souverain marocain, un projet dit d'autonomie qui entre dans ce que les Espagnols appellent « une solution politique ». En fait, l'on assiste là à un véritable forcing auquel s'opposent les dirigeants sahraouis ainsi que de nombreux responsables espagnols et autres. Il y a là un véritable danger puisqu' il s'agit de substituer un plan à un autre dont l'application a été préalablement bloquée, notamment par les Espagnols et les Français. La formule, rappelle-t-on, avait été lancée en juin 2005, et l'Algérie avait même été conviée à une espèce de sommet quadripartite, auquel, fait particulier, ne devaient pas participer les Sahraouis. Alger y avait opposé une fin de non-recevoir et rappelé par la même occasion que les Sahraouis avaient leurs représentants. C'était la première grande initiative d'un gouvernement socialiste qui venait de remporter les élections législatives sans pour autant assurer la continuité au niveau de l'Etat espagnol ou assumer la responsabilité historique de ce drame, ou mettre en concordance le discours sur les droits de l'homme et la situation faite au peuple sahraoui. On se rappelle à propos de continuité que l'Espagne et le gouvernement précédant, celui de M. Zapatéro, avaient affirmé de manière solennelle que la question du Sahara-Occidental relevait de la décolonisation et que son règlement devait passer par un référendum d'autodétermination. La même situation a précédé la visite de Zapatéro au Maroc, avec de très sérieuses mises en garde contre toute entorse au plan de paix de l'ONU. On notera aussi que cette visite intervient quelques semaines avant la réunion ordinaire du Conseil de sécurité des Nations unies pour un nouvel examen de la question. Et cette fois, Rabat entend bien faire la promotion d'un plan qui ne vise rien d'autre qu 'à entériner le fait accompli colonial, avec l'aide de la France au moins pour l'avoir accueilli de manière favorable. Une délégation marocaine avait exposé le 5 février les grandes lignes du projet au président Jacques Chirac à Paris, puis trois jours plus tard à Madrid à M. Zapatéro. Les autorités marocaines comptent particulièrement sur la France et l 'Espagne pour soutenir leur projet en flagrante opposition avec le plan de l'ONU qui reconnaît au peuple sahraoui le droit à l'autodétermination. « Notre position reste un accord accepté par les parties sous l'égide de l'ONU », a indiqué à Madrid une source proche du gouvernement espagnol, une formule particulièrement dangereuse puisqu'elle cherche à entériner l'occupation marocaine avec cette fois, la caution des Nations unies A la veille de ce rendez-vous, le chef de l'Etat sahraoui a appelé l 'Espagne à « assumer le rôle constructif qui lui échoit en faveur de la paix et du respect des droits humains au Sahara-Occidental ». Le président Abdelaziz a souligné que « la tentative marocaine de dénaturer la légalité internationale et imposer la formule de l'autonomie pour légitimer le fait accompli au Sahara-Occidental, conjuguée aux plans de son état-major militaire pour renforcer ses capacités offensives et consolider la répression dans les zones sahraouies occupées, sont des faits qui ne peuvent être ignorés ou escamotés pour des raisons de courtoisie diplomatique ou d'intérêts commerciaux dans les discussions entre les deux parties ». Pour lui, « la solution juste et durable du conflit du Sahara-Occidental réside dans l'accomplissement des accords assumés par les deux parties, le Maroc et le Front Polisario, devant le Conseil de Sécurité des Nations unies et non par les tentatives de forcer des formule trompeuses et contraires au Droit international ». Voilà donc ce qui donne un caractère exceptionnel à cette visite et à un tel niveau des relations internationales, rien n'est fortuit, il ne sert strictement à rien de mettre en cause le hasard du calendrier. Les socialistes espagnols s'apprêtent par conséquent à encourager l'intransigeance du Maroc avec un arsenal made in Spain, au mépris de toutes les valeurs que ces derniers disent défendre.