A pratiquement un mois de la présidence espagnole de l'UE, le dossier du Sahara occidental rebondit avec une activité diplomatique marocaine qui n'est pas dénuée de double langage. La visite du ministre marocain de l'Intérieur, Driss Jettou, à Alger, pour exprimer la solidarité du monarque Mohammed VI, a été également l'occasion pour le palais royal de tâter le pouls des autorités algériennes. Accompagné d'une importante délégation, le ministre marocain aurait mis sur la table la question de la réouverture des frontières algéro-marocaines et a surtout évoqué la «relance des relations rapidement (...) afin de surmonter les difficultés». Une attitude qui esquisse une ouverture marocaine et une tendance à l'apaisement. Mais quelques heures plus tôt, Tayeb El-Fassi Fahri, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, avait déclaré devant le Parlement marocain que la tension persistante entre les deux pays était due à «la position algérienne officielle dans le dossier du Sahara qu'elle transforme, depuis des décennies, en un obstacle objectif dans l'évolution des relations bilatérales et les instances de l'UMA». L'activité diplomatique algérienne de ces dernières semaines semble considérablement gêner les Marocains dans la déclinaison de leur «troisième voie». A ce bras de fer politique feutré, l'arbitrage est devenu, depuis quelque temps, espagnol du fait des excellentes relations qui lient Madrid à Alger et eu égard à la tension qui s'exacerbe entre l'Espagne et le Maroc, qui a rappelé son ambassadeur Baraka de Madrid. Au moment où Rabat dépêche son ministre de l'Intérieur à Alger, elle accentue la pression sur le gouvernement espagnol de José Maria Aznar qui veut arriver, lors du mandat espagnol à la tête de l'Union européenne, à une solution qui satisfasse les deux belligérants, sahraouis et marocains, avant juin 2002. Dans ce contexte, un rapport inattendu des services secrets espagnols (Cesid) vient appuyer la thèse marocaine. Ce rapport, signé par le nouveau patron des services espagnols, Jorge Diskayar, préconise un alignement de la position espagnole sur l'accord-cadre Annan-Baker. Diskayar, apparemment marqué par son passage en tant qu'ambassadeur espagnol à Rabat ces dernières années, semble avoir pris le contre-pied de la position traditionnelle des services espagnols dont une majorité des cadres avait participé à des guerres au Nord du Maroc et au Sahara occidental. Pour justifier cet alignement, la Cesid indique que «l'indépendance du Sahara occidental serait préjudiciable sur le plan géostratégique à l'Espagne, car elle peut développer des relations avec d'autres Etats hostiles». Le rapport cite à ce propos la crainte de contacts avec les îles Canaries, distante de la RASD d'une centaine de kilomètres, où existe une forte volonté d'indépendance. Il cite aussi le fait que cette indépendance pourrait raviver «le sentiment des minorités et des mouvements nationalistes en Espagne dans le Pays Basque et en Catalogne». Il indique enfin que «le conflit sur les enclaves de Ceuta et Melilla» ne sera probablement jamais enterré. Le Maroc voit ainsi sa position renforcée, mais surveille de très près le rapprochement algéro-espagnol, symbolisé par la visite réussie de Josep Pique, chef de la diplomatie espagnole, à Alger, en septembre dernier. La stratégie actuelle consistant à durcir le ton avec les Espagnols, dont les ONG, les associations des droits de l'Homme et des hommes politiques espagnols aident considérablement les Sahraouis dans leur lutte pour la reconquête des territoires occupés.