Ce secteur hautement stratégique risque de connaître de graves perturbations dès la rentrée sociale. Les nombreuses mises en garde adressées à l'ensemble des instances concernées par les turbulences qui touchent le secteur agroalimentaire étant demeurées sans écho, la fédération Ugta, dans un communiqué transmis hier à notre rédaction, a décidé d'organiser une marche à Alger, mais aussi un sit-in face au palais du gouvernement dès le mois de septembre prochain. Ainsi, cette rentrée sociale s'annonce pour le moins explosive, d'autant que la colère de cette puissante fédération peut s'étendre comme une traînée de poudre aux autres secteurs. Il est vrai, nous indiquent des sources proches de la Centrale, que «le pouvoir a trop tiré sur la corde sociale, et que les travailleurs, qui s'inquiètent de plus en plus pour leur gagne-pain et leurs familles, sont prêts à tout, depuis que la tendance générale a clairement exprimé la volonté des pouvoirs publics de laisser dépérir toutes les entreprises au profit des spéculateurs, de l'import-import et des activités qui ne génèrent ni richesses ni emplois». Pour le moment, le risque d'embrasement du secteur de l'agroalimentaire ne cesse de se préciser au fil des jours. C'est ce que confirme le communiqué rendu public hier par la fédération Ugta à l'issue de la rencontre qu'a tenue son bureau, élargi aux secrétaires généraux des syndicats d'entreprises. Cette puissante fédération, dont le secteur avait été le premier visé par la «déstructuration» de Temmar, du temps où il trônait à la tête des Participations de l'Etat, craint que le processus n'ait en rien été abandonné depuis que ce dossier a été placé sous le contrôle direct du chef du gouvernement et que ce dernier a assuré le secrétaire général de l'Ugta que rien ne se fera sans l'accord du partenaire social. Seul un changement de stratégie dans la liquidation de ce secteur aurait été opéré, si l'on en croit le contenu du communiqué rendu public par cette fédération, dont les travailleurs menacent non seulement de débrayer à la rentrée sociale, mais aussi de tenir d'imposants sit-in dans toutes les wilayas où existent des unités de production qui dépendent d'elle. Il est, en effet, fait état du «gel de l'investissement», ainsi que de «l'absence de mise à niveau, mais aussi d'une stratégie de redressement et de développement des entreprises publiques». Entendre par là, que devant l'impossibilité de fermer ou de privatiser directement ces entreprises, comme voulait le faire Temmar, les pouvoirs publics auraient décidé de les laisser dépérir puis mourir de leur belle mort, comme cela avait été le cas, notamment, pour le secteur du bâtiment vers le milieu des années 1990, sous le règne du même chef de gouvernement. C'est ce qui fait dire, ironiquement, à un cadre de l'Ugta, joint hier par téléphone, qu' «on ne change pas une formule qui réussit, ni une équipe qui gagne». La volonté des pouvoirs publics de laisser faire se décline plus aisément à la lecture de la suite du communiqué. Celui-ci met en exergue, en effet, «le silence complice des pouvoirs publics face au volume surprenant des créances (...) accordées, dans la majorité des cas, avec complaisance, engendrant les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises, à l'instar de l'Encg, les Eriad, l'Onab...». Pis encore, «la politique des banques publiques, considérées comme des outils de régulation économique du pays, se distingue par des pratiques discriminatoires envers certaines entreprises du secteur public qui se trouvent étranglées par un manque de financement flagrant, alors qu'en parallèle, des garanties sont assurées pour certaines entreprises privées bien introduites, qui accaparent des créditsfaramineux». Alors qu'un appel pressant est lancé aux pouvoirs publics afin qu'ils prennent en charge les problèmes posés plus haut, et qu'ils modifient leur politique suicidaire, mettant en péril un secteur hautement stratégique, et remplaçant un ancien monopole d'Etat par un autre, détenu par une poignée de spéculateurs, la fédération Ugta s'adresse aux centaines de milliers de travailleurs qu'elle encadre pour leur demander de «se mobiliser derrière leurs représentants pour répondre à toute action qui sera décidée pour la sauvegarde de leurs entreprises et par voie de conséquence de leur poste de travail». Les menaces de marche à Alger et de sit-in en face du palais du gouvernement sont à prendre très au sérieux puisque le secteur de l'agroalimentaire occupe plus de 100.000 personnes, dont des milliers uniquement dans le centre du pays. Seule une rencontre entre Sidi Saïd et Ouyahia, que l'on dit imminente, pourrait désamorcer cette grave crise. Mais les enjeux sont bien trop importants, nous disent des sources, pour que le chef du gouvernement puisse à lui seul enrayer la machine de mise à mort des entreprises publiques spécialisées dans l'agroalimentaire. Nous y reviendrons...