La célèbre série historique Harim Sultan, a été catégoriquement interdite par la Télévision algérienne. En 2012, furieux du vote de l'Assemblée nationale française sur le génocide arménien, le Premier ministre turc, Recep Tayip Erdogan, qui revient à Alger en tant que chef d'Etat parle de «crimes de masses» commis par l'armée française en Algérie. Alors que cette affirmation historique était bien perçue par les Algériens sur les réseaux sociaux, le Premier ministre de l'époque Ahmed Ouyahia, surprend tous les observateurs en déclarant: «Personne n'a le droit de faire du sang des Algériens un fonds de commerce.» Les Algériens ne le savent pas peut-être, Ankara avait voté «contre l'Algérie à l'ONU entre 1954 et 1962». Mais cette position est paradoxale, puisque la Turquie est le seul membre de l'Alliance atlantique à avoir livré des armes au FLN, et l'unique pays musulman à avoir voté en faveur de la France aux Nations unies. En réalité, la Turquie obéissait à plusieurs faits historiques déroutant entre les deux pays. Contrairement à l'histoire commune partagée avec la France, la Turquie qui avait passé plus de 300 ans sur notre sol n'est pas trop reconnue par l'Algérie. Mis à part les murs de la Casbah qui ont été un rempart contre les parachutistes français durant la bataille d'Alger, la présence turque en Algérie n'est pas enregistrée comme un fait historique majeur à retenir dans les annales des manuels scolaires. Même s'il n'y a pas eu de crimes de sang entre les deux pays, les liens historiques entre Alger et Ankara ont été marqués par plusieurs dates ratées. La Régence d'Alger entre 1518 et 1830, le vote de la Turquie contre l'indépendance de l'Algérie en 1960 et la position de la Turquie vis-à-vis de l'Algérie dans les révolutions arabes. La première erreur historique remonte à la présence turque en Algérie en 1515, quand l'Empire ottoman débarque en Algérie pour chasser les Espagnols à la demande des Algériens. A l'époque Kheireddine Barberousse, qui se trouvait à Alger, sollicita le soutien du sultan Soliman le Magnifique et plaça son nouvel Etat sous la protection de l'Empire ottoman, recevant le titre de beylerbey (gouverneur de province), ainsi qu'un contingent de 2000 janissaires. Cet Etat nouvellement fondé prendra le nom de Régence d'Alger. Cette dernière fut successivement gouvernée par des beylerbeys de 1518 à 1587, des pachas de 1587 à 1659, des aghas de 1659 à 1671 et des deys de 1671 à 1830. Mais plus tard, la Régence d'Alger a acquis une large autonomie vis-à-vis du sultan ottoman. La région de l'Algérois, appelée Dar el Sultan, était placée sous l'autorité directe du chef de la Régence. C'est justement cette position indépendante qui encouragera la colonisation par la France de l'Algérie. En effet, suite à un incident avec le consul français Duval, la France décide d'envahir l'Algérie en 1830. Les historiens algériens reprochent ainsi à l'Empire ottoman fort à l'époque d'une importante flotte et d'une armée aguerrie d'avoir lâché sa province algérienne. Cette histoire mouvementée entre la Turquie et l'Algérie a poussé nos responsables politiques à ne jamais fêter la présence turque en Algérie ou célébrer les héros ottomans comme Kheireddine ou Aroudj Barberousse, Ali Khodja ou Raïs Hamidou, le corsaire le plus célèbre en Algérie. Ainsi les autorités algériennes interdisent toute célébration ou hommage à la présence turque en Algérie. Même la célèbre série historique Harim Sultan qui a été diffusée sur des télévisions tunisiennes et marocaines, a été catégoriquement interdite par la Télévision algérienne. Cette attitude a une raison peu connue. Car l'un des faits historiques à retenir de l'histoire commune entre l'Algérie et la Turquie, c'est sa position vis-à-vis du FLN durant la guerre de Libération nationale. Et pourtant, tout avait bien commencé en 1950 avec l'instauration du multipartisme et l'arrivée au pouvoir du Parti Démocrate d'Adnan Menderes, la Turquie connaît le combat pour l'indépendance du FLN et l'aide militairement en lui livrant des armes. Elle envoie des armes en Libye et en Tunisie à destination de l'ALN, ce qui a provoqué la colère de la France. Mais le 27 mai 1960, le gouvernement Menderes est renversé par l'armée et la nouvelle junte militaire décide de faire table rase du passé. Même si en juin 1960, le FLN est autorisé à ouvrir un bureau d'information à Ankara dont le chef de mission, le colonel Amar Ouamrane, ancien responsable de la Wilaya IV, la position turque sur l'Algérie a été très mobile. A l'ONU, la délégation turque vote pour la première fois en faveur de l'autodétermination. Fin 1961, le ton change radicalement, les militaires cèdent la place aux civils et à Ismet Inönü, l'ancien bras droit d'Atatürk. Considérant l'indépendance acquise, le gouvernement turc refuse la reconnaissance du Gpra. Pour leur part, les Algériens garderont une rancune durable de cette attitude d'Ankara, en particulier des votes aux Nations unies. Si bien que lors de la première visite officielle du Premier ministre turc en Algérie en 1985, Turgut Özal sera contraint de présenter manu militari des excuses «humiliantes» dès sa descente d'avion à Alger. Prisonnier de l'alliance occidentale, les Turcs ont choisi le camp de l'Europe contre un soutien ouvert à l'Algérie. Des relations politiques et économiques souffriront beaucoup de ces faits historiques qui se répéteront avec la révolution arabe et le soutien turc pour la chute de certains dirigeants arabes comme Bachar El Assad ou encore Moubarak. Reste à savoir si Erdogan, en visite en Algérie en qualité de chef d'Etat pourra corriger les erreurs de l'histoire commune entre les deux pays.