Les unes sont satisfaites, d'autres le sont moins, chacune des associations y va de sa propre interprétation de la mouture. Comme il fallait s'y attendre, les associations des familles de disparus sont montées hier au créneau pour se prononcer sur le rapport final relatif aux disparus que le président de la commission ad hoc a remis jeudi 31 mars au chef de l'Etat. Connue pour son opposition farouche à l'organisme de Farouk Ksentini, l'Association nationale des familles de disparus (Anfd), affiche néanmoins une certaine satisfaction pour ce qui est notamment du point relatif au devoir de vérité aux familles, que le président de la commission avait inclus, en premier lieu, dans son rapport: «Nous insistons sur la nécessité de dire la vérité aux familles. C'est une revendication à laquelle nous avons appelé depuis plusieurs années» confie la présidente de l'Anfd que nous avons jointe hier par téléphone. Pour autant, cette revendication, Melle Ighil veut qu'elle se traite au «cas par cas» pour espérer, ajoute-t-elle, un règlement définitif de cette question. La même présidente se félicite également du fait que la commission de Ksentini ait assuré sa disponibilité à accompagner les familles de victimes auprès de la justice et propose ses services à celui-ci sous forme de témoignages, informations et autres détails notamment sur «l'identité des auteurs des violations». Cela dit, en dépit de son ton approbateur assez inhabituel, Melle Ighil ne semble pas toutefois prête à abandonner la ligne particulièrement contestataire de son organisation puisqu'elle assure maintenir le cap sur toutes ses principales revendications à savoir, l'installation d'une commission d'enquête indépendante pour faire toute la lumière, le recours exclusif à la justice pour situer la responsabilité de tout un chacun... A ce propos, elle appelle le président de la République pour doter l'instance de Ksentini de plus de prérogatives afin que ce dernier puisse intervenir de façon plus efficiente dans l'évolution des requêtes des familles des victimes auprès de la justice. Melle Ighil se dit par ailleurs opposée à l'idée d'inscrire les agents de l'Etat coupables de disparitions dans le cadre du projet de l'amnistie générale que le chef de l'Etat, selon des sources, s'apprêterait à mettre en oeuvre. «C'est d'abord à la justice et à elle seule qu'échoit le pouvoir de pardonner ou non», a-t-elle clamé. Le président de l'association des disparus du fait du terrorisme, Soumoud, lui, ne sait pas apparemment à quel saint se vouer. Désemparé à la suite de la déclaration, jeudi à la presse, de Ksentini dans laquelle celui-ci «a exclu de traiter dans le cadre du rapport les disparus du fait du terrorisme», M.Merabet s'estime trahi. «Car, à en croire notre interlocuteur, M.Ksentini au lendemain de l'installation de la commission ad hoc avait promis de faire aboutir l'identification grâce à l'ADN des cadavres dans plusieurs charniers. «Il a aussi promis de consulter les repentis ainsi que d'autres acteurs dans le but de découvrir les charniers restants mais en vain», regrette M.Merabet. Ainsi «exclus», les disparus du fait du terrorisme se trouvent, d'après ce dernier, dans une situation juridique confuse «car l'administration et les tribunaux considèrent nos victimes comme des disparus. Ce qui n'est pas le cas dans le document de Ksentini» se plaint-il en ajoutant: «Nous sommes telle une balle entre les institutions de l'Etat!» En somme, le rapport final, selon lui, n'est autre qu'un échappatoire à travers lequel les pouvoirs publics entendent se débarrasser, une fois pour toutes, de cette tragédie. Pour sa part, Mme Dalila Kouidri, ex-présidente de l'Anfd et représentante, elle aussi, de nombreuses familles, pense que la commission de Ksentini a fait le travail qui lui avait été confié par le chef de l'Etat. Elle se félicite de l'appel que la commission avait lancé en direction des pouvoirs publics pour réhabiliter la mémoire de plusieurs disparus, que certaines langues qualifiaient à souhait de terroristes. Au sujet des indemnités octroyées en faveur de 77% des familles approchées selon les chiffres de Ksentini, Mme Kouidri affirme qu'il s'agit là d'une affaire personnelle. Elle qualifie de «pas important» la responsabilisation des agents de l'Etat à propos des 6146 disparus recensés. Enfin l'ex-présidente de l'Anfd appelle les pouvoirs publics à traiter sur un pied d'égalité les familles victimes des terroristes et celles des disparus. Elle préconise en termes plus clairs une prise en charge morale et matérielle qui englobe notamment les enfants des disparus qui continuent, selon elle, à subir le sort d'une réalité à laquelle ils ne sont concernés ni de près ni de loin.