Dans le document, Me.Ksentini impute aux pouvoirs publics la responsabilité «civile» et non «pénale» dans cette tragédie. Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Tel est, en substance, l'idée sur laquelle repose, en grande partie, le rapport final sur les disparus remis jeudi 31 mars au président de la République. Farouk Ksentini, président de la commission ad hoc - initiatrice de la mouture - que nous avons joint hier, par téléphone, fait de cette revendication l'élément central permettant le règlement définitif de cette tragédie humaine. Il est temps, suggère l'avocat, que les pouvoirs publics révèlent aux familles le sort de leurs proches, «si ces derniers sont morts ou non». Ce n'est pas d'ailleurs sans lien que les rédacteurs du document imputent aux «agents» - et non aux institutions - de l'Etat la responsabilité des 6146 cas de disparitions forcées qu'ils ont recensés à travers le territoire national. C'est là un fait, certes pas tout à fait nouveau, mais qui, néanmoins, renseigne sur l'implication soulignée de certains éléments des services de sécurité. Prudent, Me Ksentini met un bémol à son discours en soulignant que les conclusions de l'enquête ont été établies sur la base de déductions et d'indications données par les familles des victimes interrogées. Mais sans plus de détails. Il n'existe, à ce jour, selon lui, aucune preuve, sous forme d'archives notamment, mettant en cause de façon formelle les représentants de l'Etat. «Il nous est extrêmement difficile, voire impossible, d'identifier les responsables», avoue-t-il, soutenant la complexité de la tâche par le fait que plusieurs acteurs - ceux qui ont interpellé les victimes et ceux qui les ont interrogées - interviennent dans un seul cas de disparition. «Nous sommes confrontés à un mur en béton» clame le président de la commission qui appelle, à ce titre, à saisir la justice pour approfondir l'enquête et situer par voie de conséquence les responsabilités. Partant de ce constat, Me Ksentini, l'avocat, prête à l'Etat la responsabilité «civile» dans ce drame qui continue à ce jour de secouer la scène publique. Mais «il ne saurait y avoir de responsabilité pénale du moment qu'aucune instruction n'a été donnée pour l'arrestation des personnes disparues» a-t-il ajouté pour dire, en finalité, que les institutions que certains accusent de violations des droits de l'homme et d'exécutions extrajudiciaires, sont exemptes de tout reproche. Si, a-t-il dit, on continue à accuser les pouvoirs publics de mener une politique de terreur, comment, dès lors, expliquer le fait que parmi les 500.000 personnes déférées, tout au long de la crise, devant la justice durant la période 92-98 pour liens, sympathie, ou complicité avec le terrorisme, «seulement» 6146 ont été portées disparues. Ce n'est pas tout: «Entre 1993 et 2004 les tribunaux ont prononcé une centaine de verdicts de condamnation à mort mais aucun n'a été, à ce jour, exécuté», observe Me.Ksentini. Ce dernier appelle dans «le cadre de la solidarité nationale», les autorités publiques à réparer le préjudice de ne pas avoir garanti la sécurité des citoyens et lance par là même l'idée de réhabiliter la mémoire et l'image des disparus que certaines langues ont foulées au pied. «On a accusé à tort ces personnes d'appartenance aux groupes terroristes alors que la justice n'a prononcé aucune poursuite dans ce sens», rappelle Me Ksentini, et d'appeler: «L'heure a sonné pour que l'on mette fin à cette injustice qui a fait tant mal à des familles, mais aussi à leurs enfants» Autre constat souligné en gros caractères dans le rapport : l'indemnisation des familles des victimes. Une question qui avait, des mois durant, suscité un tollé parmi un nombre d'associations de disparus vouant une opposition sans faille au président de la commission ad hoc. Le rapport note, à cet effet, que la grande majorité des familles, soit 77% ont accepté l'indemnité. Les autres, les 23% , «je respecte leur attitude», indique ce dernier. A une question relative à l'amnistie générale, Me Ksentini a indiqué que les agents de l'Etat coupables de violations de droits de l'homme seront, eux aussi, concernés lorsque le texte présidentiel sera décidé. Il a, par ailleurs, réitéré la disponibilité de la commission qu'il préside à aider les familles désirant saisir la justice.