L'exigence de vérité relève des compétences de sa commission, il estime qu'il incombe à l'Etat de se prononcer sur la question. Dans un avis articulé dans les studios de la Chaîne III de la Radio algérienne, le président de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l'homme (Cnppdh) Farouk Ksentini s'engage à dire sans détours ni faux-fuyants que l'Etat algérien est appelé impérativement à révéler la vérité aux familles des disparus. Chose par laquelle devra, à coup sûr, commencer l'opération de règlement de la récurrente question des disparus. Il estime que le fait d'exiger la vérité relève des compétences de sa commission, mais la reconnaissance de celle-ci doit être faite par l'Etat, à travers ses responsables et/ou institutions. Il n'y a pas si longtemps, Ali Yahia Abdenour, l'ex-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), invité par L'Expression, a reconnu qu'aucune personne portée disparue n'a été trouvée dans les prisons algériennes. Elles sont vraisemblablement toutes décédées. La résolution d'une équation aussi difficile, renvoyée maintes fois aux calendes grecques, doit passer indiscutablement par «la reconnaissance par l'Etat de cette vérité». Le premier responsable du mécanisme ad hoc, institué rappelons-le spécialement pour la prise en charge du dossier des disparus, vient donc, en quelque sorte, lancer un appel officiel pour que l'Etat reconnaisse la vérité. «C'est le droit de toutes les familles des disparus», admet derechef Farouk Ksentini. Mais pourquoi donc cette reconnaissance tarde toujours à venir? A cette réponse, l'invité de l'émission hebdomadaire «Questions de l'heure» invite les concernés par cette question à ne pas désespérer. Car, selon lui, «il n'est pas aussi facile qu'on le pense de reconnaître et de dire cette vérité». Cette phrase déchaîna un flot de questions de la part des journalistes ayant pris part au débat. Immédiatement, Farouk Ksentini, en guise de réplique, dira que reconnaître, veut dire prendre en charge effectivement et gérer convenablement la période qui suit. En termes propres à l'orateur, il dira qu'«il faut bien cerner la vérité avant de la prononcer à l'adresse des familles». Car il est important d'en finir tout d'abord avec la question relative à la prise en charge des familles des disparus. Une affaire qui, il est utile de le rappeler, est l'un des aspects principaux pris en charge par la charte pour la paix et la réconciliation nationale, initiée par le président Bouteflika. Ça veut dire que le passage à l'action ne pourrait intervenir avant la publication des textes de la charte sur la paix et la réconciliation nationale qui devront donner naissance à un cadre juridique sur toutes les questions en relation avec la décennie noire, dont celle des disparus. A propos du retard dans l´élaboration des textes d´application de la charte sur la paix et la réconciliation nationale, l'orateur considère que ce retard s´explique par "le caractère délicat" de ces textes. "Ce sont des textes fondamentaux, très importants, et s´il y a retard dans leur parution, il s´explique par la délicatesse des situations qui seront traitées", a-t-il soutenu. Pour ce qui est de l'affaire des disparus, les textes seront rédigés sur la base des rapports que la commission de Ksentini a remis au Président de la République. La question d'indemnisation sera mise en relief dans le cadre de la solidarité nationale envers les victimes de la tragédie, développe Farouk Ksentini. Il annonce que 77% des familles sont en attente des indemnisations. Pour les autres, «nous restons attachés à la possibilité de saisir la justice par ces familles, car c'est un droit consacré», dira Ksentini avant d'étonner plus d'un en avançant que son institution est «prête à assister ces familles dans leur démarche, mais il faut qu'elles sachent que les indemnisations ne sont pas une manière d'acheter leur silence». Le rebondissement sur l'affaire des disparus est important à plus d'un titre, car, primo, les slogans des familles des disparus sont reconnus, à savoir «vérité et justice», et secundo, l'Etat est appelé pour la première fois, par la voix d'un officiel, à reconnaître et dire cette vérité afin d'entamer la solution de cette équation. Sur un autre volet, remontant à l'affaire de Madani Mezrag, Farouk Ksentini estime que la personne en question «n'a pas tenu de tels propos l'incriminant dans une affaire d'assassinat, sinon ça serait regrettable. Le fait de confirmer ses propos notamment en cette période marquée par le retour à la normale est dommageable». Appelé à s'expliquer sur le fait qu'il ne soit pas condamné, le président de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l'homme (Cnppdh) a tenté de mettre fin au débat en disant que «dans la politique il faut faire un choix. Le choix de l'Algérie est de tourner la page et il faut accepter certaines choses». Sur un autre registre, Farouk Ksentini admet que la réforme de la justice, mise en oeuvre depuis cinq ans, et la politique de réconciliation nationale, "ont fait évoluer" la question des droits de l´homme en Algérie. Dans le sillage, il reconnaît aussi la volonté des pouvoirs publics de réunir les moyens matériels et humains à même de réaliser «une justice de qualité". A titre d'exemple, il dira que, au plan carcéral "la situation dans les prisons s´est améliorée à la faveur de la mise en oeuvre d´un nouveau texte de loi, malgré certaines insuffisances". Et d'ajouter dans la foulée que "la situation dans les commissariats de police et locaux de la Gendarmerie nationale a complètement changé", mettant en relief l'amélioration du " niveau culturel des policiers recrutés, mais aussi le fait que le nouveau dispositif juridique adopté interdit et sanctionne l'usage de la torture depuis 2004".