Quelques jours seulement après le départ de Mohamed Lamari, le président de la République réorganise le commandement des Régions militaires. Des changements ont touché le commandement de l'armée et entraîné de nouvelles redistributions de rôles, et, de fait, de nouveaux rapports de force entre le président de la République et l'état-major de l'Armée nationale populaire. Quatre Régions militaires ont été touchées par ces nouvelles nominations, en plus de la confirmation d'Ahmed Senhadji dans son poste de secrétaire général du ministère de la Défense nationale, et de la nouvelle installation d'Ahcène Tafer à la tête des forces terrestres, en remplacement de Gaïd Salah, nommé par le président de la République chef de l'état-major de l'armée. C'est un nouveau, presque inconnu, qui prend le commandement de la 1re Région militaire. Il s'agit du général Habib Chentouf, qui remplace le général-major Fodhil-Cherif Brahim, lequel disparaît donc de la hiérarchie militaire. Le général-major Saïd Bey, qui gérait la 5e RM prendra désormais la tête de la 2e, alors que le général-major Kamel Abderrahmane et Saïd Chanegriha prennent le commandement des 5e et 3e RM. Le général Chérif Zerrad secondera Chanegriha, promu général-major en juillet 2003, avec lequel il entretient, d'ailleurs, de bonnes relations de travail à Béchar, une région sensible et limitrophe des frontières marocaines sud-ouest. Ces nominations intervenant quelques jours après la « démission » du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, et son remplacement par le commandant des forces terrestres, Gaïd Salah, introduisent de profonds bouleversements au sein de l'institution militaire. Nominations, mutations et exclusions, trois clés avec lesquelles le président de la République a procédé par petites touches, en prenant bien soin de ne pas perturber la cohésion et la stabilité de l'armée. Ainsi donc, Madjid Saheb et Benali Benali, respectivement chefs de la 4e et de la 6e Région militaire, gardent leur poste, tout comme le général-major Ahmed Boustila, patron de la Gendarmerie nationale, le général-major Mohamed Benslimani commandant des forces aériennes et le général-major Ahmed Dadci, commandant des forces navales. Le changement a touché donc, immédiatement, une catégorie de postes que le président de la République jugeait prioritaires et importants, mais on devine aisément que d'autres postes seront touchés, au fur et à mesure que la stratégie et la « politique militaire » du président avancent. Si le départ de Mohamed Lamari ne s'est pas fait dans la douleur, c'est-à-dire «sans préjudice ni dégâts collatéraux», le président devait agir vite dans le sillage de la «démission» du général de corps d'armée, afin de couper court à toute hostilité et de placer les garde-fous nécessaires aux prochaines étapes de changement. Dans un antécédent unique dans les annales de l'Algérie, du moins depuis l'indépendance, l'armée subit les contraintes du changement et se plie à la volonté du président de la République, avec qui les rapports n'ont pas été très détendus, notamment en période pré-électorale durant laquelle nous avions assisté à des messages codés d'une extrême virulence lancés de part et d'autre, et qui renseignaient en fait sur la dégradation des relations entre la présidence et le chef d'état-major. La réélection de Bouteflika pour un second quinquennat avait présagé d'une nouvelle hégémonie dont s'est doté le président de la République, et qui lui a permis de grignoter les derniers sanctuaires de l'institution militaire. Alors tout, pratiquement tout, devenait soudain clair et l'on pouvait aisément pronostiquer que la génération des «généraux-politiques» avait définitivement perdu la partie, et que l'ère du retour de l'ANP à ses missions constitutionnelles venait de débuter.