Dès l'annonce de l'attaque du siège du journal Charlie Hebdo, on s'est remémoré l'attaque du même type qui avait visé le 21 mars 1994, l'hebdomadaire indépendant L'Hebdo Libéré au centre d'Alger, tuant deux employés et blessant trois autres, voulant «faire un carnage». Le parallèle entre les deux hebdomadaires algériens et français est très fort. Ce jour-là, les terroristes auraient pu faire en Algérie le même carnage que celui perpétré contre le journal français. Ce jour-là, cinq hommes armés ont fait irruption, un jour de bouclage du journal, dans la grande salle de composition, pensant y trouver tout le monde, journalistes et employés, et «tiré dans le tas pour tuer le plus grand nombre possible». Les victimes de ce premier attentat contre un journal, étaient le reporter-photographe de 40 ans, Madjid Yacef, et le chauffeur, Rachid Benhaddou. Trois employés du journal ont été grièvement blessés: Nadir Mahmoudi (24 ans), Azeddine Ramdani (29 ans) et Naïma Naïli (20 ans). Les assaillants se sont présentés comme étant des policiers en civil et ont choisi le jour du bouclage du journal avec l'intention de «faire un carnage». Le local attaqué abrite en effet la photocomposition et les employés chargés de la saisie des textes. Le directeur de la publication, Abderrahmane Mahmoudi, qui faisait sans doute partie des personnes visées, ne se trouvait pas, exceptionnellement, au siège du journal lors de l'attentat. Il assistait à l'enterrement d'un autre journaliste Djamel Benzaghou, tué devant son domicile à Bab El Oued. La plupart des journalistes se trouvaient à la rédaction du journal, située dans un autre quartier d'Alger, à El Mouradia, près de la présidence de la République. L'Hebdo Libéré exprime, depuis sa création il y a près de trois ans, des positions radicalement opposées à l'intégrisme islamiste. Il compte de nombreux collaborateurs de gauche, dont Abderrahmane Chergou, assassiné le 28 septembre 1993. Le magazine a adopté un style polémique virulent qui a valu à son directeur général, M.Mahmoudi, d'être placé en détention préventive pendant plusieurs jours en 1992 et d'être mis sous contrôle judiciaire pendant quatre mois en 1993. Il lui était alors interdit d'écrire. Le 11 février 1996 (avant même le 11 septembre 2001), un autre journal, Le Soir d'Algérie, est ciblé par une attaque terroriste violente. Une voiture piégée détruira le siège du journal et coûtera la vie à trois journalistes: Allaoua Aït Mebarek, le rédacteur en chef, Mohamed Dhorban, caricaturiste et chroniqueur et Mohamed Derraza, chargé des pages de détente. Ces deux attaques rappellent à ceux qui ont oublié, que l'Algérie a vécu le terrorisme parfois seule....et sans médiatisation ou soutien international. Dans son discours d'hommage aux victimes de Charlie Hebdo, l'ambassadeur de France, s'est rappelé de cette période dramatique pour l'Algérie, en rappelant qu'ils n'ont pas oublié que l'Algérie et le peuple algérien ont souffert eux-mêmes dans leur chair du terrorisme et n'oublions pas non plus le très lourd tribut qu'ont payé les journalistes algériens dont près de 120 ont été tués pendant la décennie noire.