Les deux présidents sont sur la même longueur d'onde. Leur volonté de repartir du bon pied se confirme au fil des jours. Entre Alger et Paris, tout baigne dans l'huile. Le président Bouteflika, dans un message adressé à Jacques Chirac, après la cérémonie commémorative du 60e anniversaire du débarquement se dit être ému et se réjouit d'avoir été associé à la fête donnée en l'honneur des anciens combattants. «Je suis encore, lui dit-il, sous l'effet de l'émotion qui a marqué les cérémonies de commémoration auxquelles vous m'avez fait l'amabilité de m'associer.» Pour le président, la reconnaissance des services rendus par les anciens combattants est un hommage «avec plus d'un demi-siècle de recul, à tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la libération de la France, fait honneur au peuple français et s'il ne manque pas d'enseignements précieux, il est aussi riche de promesses généreuses assurant à nos jeunes générations un avenir de paix et de fraternité». Cet hommage permettra de panser les blessures d'un passé tumultueux. Un clin d'oeil à tous ces vétérans partis en première ligne, qui portaient dans leurs entrailles cette soif et cette faim de la liberté dont ils étaient privés. «Tout au long des cérémonies, je n'ai pu manquer de penser à tous ces jeunes issus des colonies françaises, des Africains surtout et des Algériens en particulier et qui venaient s'associer, en offrant leur sang et leurs vies, à cette lutte gigantesque contre le totalitarisme et la barbarie. Il y a dans ce sacrifice quelque chose de pathétique et en même temps de digne d'admiration, sacrifice de jeunes combattant pour une liberté et une dignité dont ils étaient sevrés». C'est grâce à ces soldats de l'avant-garde, selon le président algérien que les régimes dictatoriaux ont connu leur déclin et que les peuples dominés ont pu aspirer à l'indépendance. «Ce sacrifice n'a pas été vain, puisqu'il a conduit en définitive à la fin de l'ère du colonialisme et permis à tous ces pays, qui avaient fourni des contingents pour participer à ces combats et aux libérations qui les ont couronnés, d'accéder à leur tour à l'indépendance et de connaître enfin la liberté», souligne encore Bouteflika qui estime que le retour fait sur cette page d'histoire ne doit pas servir de levier aux rancoeurs mais doit au contraire, permettre de dépassionner le débat. «Les commémorations sont faites pour ranimer les souvenirs et pour s'assurer que les vieilles plaies sont bien cicatrisées. Une page est bien tournée maintenant et c'est à partir de ces peines partagées et de ces aspirations communes que nous nous attachons tous à construire un avenir plus serein dans lequel nos enfants n'auront plus à affronter les menaces que notre génération a dû subir.» Une entreprise dont «le mérite vous (Jacques Chirac) revient entièrement et personnellement d'avoir su nous réunir autour de notre passé commun et d'avoir ainsi contribué à renforcer en chacun de nous le sentiment d'une nécessaire solidarité (...)». Le président algérien est depuis samedi 14 août en France, où il a assisté aux célébrations du 60e anniversaire du débarquement des forces alliées en Provence (sud-est). Durant ces festivités, qui ont eu lieu dimanche à bord du porte-avions Charles de Gaulle, le président Chirac a décoré, à titre exceptionnel et unique, la ville d'Alger en tant que capitale de la France combattante, de la croix de la Légion d'honneur. Une rencontre informelle a réuni les deux chefs d'Etat où un déjeuner a été offert en l'honneur de Bouteflika dans la résidence présidentielle du Fort de Brégançon (Var, sud-est de la France). Un tête-tête qui a duré pratiquement toute la journée du lundi. Cette virée amicale entre les deux hommes s'inscrit selon l'Elysée «dans le cadre de la volonté de poursuivre le rapprochement entre les deux pays» en poursuivant que la rencontre s'est déroulée «dans un climat excellent et une ambiance très chaleureuse». Les deux hommes «ont procédé à un grand tour d'horizon de la situation internationale. Ils ont évoqué les questions bilatérales et la coopération économique entre les deux pays». Pour rappel, Jacques Chirac s'était rendu à Alger en avril, une semaine seulement après la réélection d'Abdelaziz Bouteflika. Il avait alors souhaité la conclusion entre la France et l'Algérie d'un «Traité d'amitié» à l'égal du Traité de l'Elysée fondateur de l'entente privilégiée entre la France et l'Allemagne. Les négociations devraient s'ouvrir en octobre, avec la perspective d'aboutir à entériner cet accord en 2005. Toulon aura été finalement une escale décisive, signe prémonitoire d'un infléchissement heureux des relations entre Alger et Paris. En dépit de l'agitation provoquée par un quarteron de députés va-t-en guerre, les cérémonies du 60e anniversaire du débarquement de Provence se sont déroulées dans des conditions que les organisateurs jugent très bonnes. Confirmant leur détermination à aller de l'avant et à pousser vers une refondation concrète, les chefs d'Etat français et algérien ont négocié un nouveau départ qui consoliderait davantage leur projet de reconstruction des relations dans un contexte des plus propices.