Ministres et parlementaires des deux chambres seront présents à la conférence que donnera Me Vergès ce jeudi au CIP. Sous le thème «Du crime de colonisation au crime d'Etat», le juriste le plus controversé de sa génération, qui porte ostensiblement son sobriquet d'«avocat du diable» sera l'auteur d'une communication à laquelle assisteront plusieurs personnalités politiques en sus des membres de la Fondation du 8-Mai 45 qui en sont les organisateurs. L'invité d'honneur est connu pour ses procès qui suscitent des polémiques et soulèvent des tollés. Cet avocat, dont le bagou lui vaut d'être l'un des ténors du barreau qui a eu à défendre les causes qu'on qualifie «d'immorales», est attendu pour la projection d'un des brûlants dossiers qui revient sur la notion de crime et la responsabilité de l'Etat dans les guerres qu'il provoque. M.Hosni, membre du bureau de la fondation explique que «la conférence a été programmée à l'occasion d'une double commémoration. Il s'agit du 49e anniversaire des massacres du 20 Août 1955 et de la date consacrant le congrès de la Soummam en 1956». Me Vergès est sollicité pour débattre d'un sujet qui continue d'alimenter la scène internationale ayant trait essentiellement aux thèses selon lesquelles la colonisation est un crime en soi qui ouvre la voie à d'autres crimes. La guerre d'Algérie qui continue à susciter les passions est un exemple édifiant de cette terreur étalée sur un siècle et demi de servitude. L'histoire contemporaine de l'Algérie est jalonnée de ses expériences douloureuses. Le débat engagé par la fondation de Boumaâza depuis 1990 concerne ces périodes. «C'est d'abord un devoir de mémoire», argue M.Hosni. En vérité, dans ces dossiers très sensibles, s'agissant de l'identification des véritables commanditaires des crimes, il n'est pas aisé d'aboutir à des condamnations pour des crimes auxquels sont directement liés de hauts fonctionnaires ayant des postes clé dans les institutions de l'Etat. C'est sans doute pour toutes ces raisons que les victimes de la guerre peinent à être reconnues comme telles. Le sujet demeure tabou jusqu'à nos jours. Dans ce genre de dossier, l'Etat, le plus souvent, se contente de jouer le rôle d'observateur laissant les associations s'enferrer dans des batailles juridiques sans fin. Les cas des victimes du 8 Mai 45 et ceux du 20 Août 55 sont à méditer. Leur nombre est effarant. 45.000 et 12.000, ce qui donne froid dans le dos et renseigne sur la bestialité des criminels. La problématique question de l'accès aux archives militaires mérite d'être soulevée. S'il est légalement permis après trente ans en France, il reste en fait verrouillé pour cause de secret défense. Me Jacques Vergès aura sûrement de quoi alimenter le week-end tant l'homme jouit d'une aura et d'un franc parler qui font de lui la bête noire des tribunaux. Durant la guerre de Libération, il a sauvé 100 militants FLN de la guillotine.