Scène du rituel des quaçaïd au mausolée Sidi Abderrahmane: de gauche à droite le professeur Youcef Ouznadji, au centre le grand maître Sid Ahmed Serri et le professeur Redha Bestandji Au ressourcement d'une culture traditionnelle de ferveur, de rejouissance et de piété. Comme à l'accoutumée, l'Association des Amis de la rampe Louni Arezki Casbah et celle de Anadil El Djezair ont célébré tôt le matin la cérémonie du Mawlid Ennabaoui au mausolée Sidi Abderrahmane dans le rite citadin séculaire algérois. Avec une affluence particulière de femmes, d'hommes et aussi de jeunes, le sanctuaire du saint patron d'Alger a connu une animation exceptionnelle de réjouissance avec le cérémonial d'habillage en étoffes neuves du catafalque et la plasmodie des «quaçaïd» religieuses incantatoires par les jeunes élèves, filles et garçons de l'Association Anadil encadrés par les maîtres de notoriété de la musique andalouse Sid Ahmed Serri accompagné de Rédha Bestandji un mélomane de renom, du virtuose Mamed Benchaouch, de Djamel Soufi une voix cristalline du tadjouid coranique, du professeur Youcef Ouznadji un pédagogue connu en formation musicologique et de Smain Hini un musicien de référence. Une ambiance de chaleureuse convivialité a favorisé d'émouvantes retrouvailles avec des visiteurs natifs de la Casbah qui ont quitté la vieille Ville depuis plus d'un demi-siècle. En ce jour exceptionnel de ferveur et de recueillement, le sanctuaire de Sidi Abderrahmane Ethâalibi incarnait l'ancestralité d'un lieu mythique de dévotion populaire ancré, dans la tradition au souvenir de l'illustrissime personnage. Son empreinte d'immensité d'une foi savante et de piété demeure toujours vivace à travers l'imaginaire collectif d'une société viscéralement attachée à son patrimoine mémoriel et spirituel qui constitue un legs à préserver et à pérenniser en direction de la jeunesse qui en est la dépositaire morale légitime. Les «quaçaïd edinia» célébrant le Mawlid Ennabaoui Cet état d'esprit était intensément perceptible au cours de la plasmodie des «quaçaïd» où l'émanation profonde de celles-ci ont suscité un engouement méditatif des présents très nombreux qui, unanimement captivés dans un silence religieux, reprenaient en choeur des refrains de sublimité de louanges prophétiques à l'élu de Dieu, Sidna Mohamed (Qsssl) et à l'avènement de l'islam des lumières avec son rayonnement d'humanisme et d'universalité. Ces «quacaïd» très pieusement «savourées» et qui ont impulsé dans l'émotion un centre d'intérêt auprès de l'assistance, relèvent d'une tradition séculaire dont la pratique était assurée par des générations successives de précurseurs de grande érudition à l'image du célèbre mufti Boukandoura, Sid Ali Benkobtane, Si Mohamed Lekehal, Bakir Messekdji et Mohamed Benchaouch père de Mamed, suivi par les prestigieux professeurs M'hidine Bachtarzi, Sid Ahmed serri, les frères Fekhardji Mohamed et Abderazak, Mohamed Kheznadji, Rédha Bestandji et Memed Benchaouch et d'autres adeptes de «quaçadine». A l'évocation de ces repères mémoriels, le «dikr des quaçaïd» apparaît dans sa genèse fondatrice d'un rituel de traditionalité citadine algéroise qui constitue un précieux patrimoine culturel d'oralité à valoriser par sa préservation et sa pérennisation à travers le cycle des âges et du temps. Le Mawlid Ennabaoui dans sa pratique rituelle, très riche dans la diversité des différentes régions de notre pays est un ressourcement au plus profond de soi. En repère lumineux de spiritualité, il nous arrime, en l'heureuse circonstance de sa célébration, aux éléments structurants de la personnalité algérienne fécondée par une incommensurable richesse de traditions, de culture et de repères existentiels. A ce propos, il nous revient en mémoire un souvenir de l'éminent penseur Cheikh Abderrahmane Djilali qui au cours d'une invitation de mem-bres de l'Association à son domicile, n'a cessé de prodiguer des conseils sur l'impérieuse tâche salutaire, de sauvegarde, de préservation et de valorisation de traditions, d'authenticité algérienne garantes des valeurs civilisationelles intrinsèques de notre société. «La reconnaissance est la mémoire du coeur» Hans Andelsen Dans la continuité de cette réjouissante journée, une soirée de musique andalouse a consacré le 23éme anniversaire de l'Association Anadil El Djezair au cours duquel un hommage a été rendu par l'Association des Amis de la rampe Louni Arezki Casbah et cette dernière à l'endroit d'un virtuose de la çanaâ algéroise, Memed Benchaouch un «maestro» de grand talent du violon en qui il a su intégrer une note spécifique de «h'nana» (intraduisible de par la profondeur de la sensation par tendresse) aux grandioses noubas de splendeur. Cette «kamentcha» de la çanâa comme il aime tant la désigner a été son inséparable compagne depuis l'enfance et ce sa vie durant. C'est à l'auditorium du Palais de la culture Moufdi Zakaria archicomble en cette soirée du souvenir, qu'un concert de chants religieux sans orchestration et d'une rare beauté a été exécuté par les jeunes élèves de la prestigieuse Association Anadil El Djezair. Cette prestation fut suivie par une nouba magistralement dirigée sous la houlette de la jeune chef d'orchestre, une star naissante Hadjira Bouchelaghem qui avec brio a séduit toute l'assistance subjuguée. C'est sous une salve de youyous nourris et un tonnerre d'applaudissements que Memed Benchaouch ému a fait son apparition sur scène du haut de ses 84 ans pour se remémorer un parcours très riche et dense à travers la lecture d'une rétrospective biographique brillamment retracée par Djamal Soufi secrétaire général de l'Association de la rampe Louni Arezki Casbah. Ainsi l'assistance a pu redécouvrir un itinéraire substantiellement bien rempli de Memed Benchaouch qui pendant plus d'un demi-siècle s'est entièrement investi pour l' épanouissent de la culture algérienne, longue période au cours de laquelle il a côtoyé et accompagné les plus grands maîtres de la musique classique algérienne à l'image de Dahmane Benachour, Abdelkrim Dali, Sadek Lebdjaoui, Sid Ahmed Serri, Mohamed Kheznadji et Mustapha Skandrani. Il a par ailleurs enseigné au Conservatoire d'Alger pendant 47 années où il a assuré la formation de jeunes générations de musiciens devenus célèbres pour leurs talents et a également fait partie de nombreuses représentations culturelles de l'Algérie où il a sillonné les principales capitales du monde Paris, Bruxelles, Madrid, Berlin, Londres, Rome, Moscou, Le Caire, Tunis et Rabat. Une noble mission bien accomplie pour laquelle une reconnaissance très appuyée et chaleureusement expressive lui a été démontré par l'ensemble de la très nombreuse assistance présente, relayée par les témoignages poignants des professeurs Sid Ahmed Serri, Mohamed Kheznadji et Rédha Bestandji. Pour couronner dans la symbolique cette action de gratitude et d'affection, un trophée commémoratif du Mérite a été décerné par les Associations des Amis de la rampe Louni Arezki et d'Anadil El Djazair à Memed Benchaouch en honorable représentant de la musique classique andalouse. C'est au rythme mélodieux du répertoire m'dih «chants mystiques» interprété par le talentueux Mahmoud Hadj Ali que cet événement qui fera date a été clôturé dans une féerie d'apothéose. [email protected]