Le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau (au centre), menace directement plusieurs chefs d'Etat voisins du Nigeria Mardi en fin de journée, une nouvelle attaque a été lancée par Boko Haram contre une localité de la région, Bondéri. Les combats ont été «très rudes», selon une source sécuritaire camerounaise. Jusqu'où ira Boko Haram? Le chef du groupe islamiste nigérian, l'énigmatique Abubakar Shekau, a ouvertement défié les pays voisins du Nigeria de l'attaquer, au moment où ceux-ci appellent à la mobilisation pour neutraliser une organisation qui menace la stabilité de toute la région. Dans une vidéo revendiquant l'attaque sanglante contre la ville nigériane de Baga début janvier, qualifiée de crime contre l'Humanité par Washington et Paris, le chef de Boko Haram a également évoqué en termes méprisants les présidents du Tchad, du Cameroun et du Niger, et les menace ouvertement. A l'adresse du Tchadien Idriss Déby Itno, qui a engagé son armée la semaine dernière au Cameroun voisin contre les islamiste, il lance ainsi: «Idriss Déby, les rois d'Afrique (...) je vous défie de m'attaquer maintenant. Je suis prêt». Il accuse aussi le président camerounais Paul Biya d'avoir «peur» et de «demander de l'aide» face à la multiplication des raids meurtriers de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun, frontalier des bastions nigérians des islamistes. Mardi en fin de journée, une nouvelle attaque a été lancée par Boko Haram contre une localité de la région, Bondéri. Le bilan des combats «très rudes», selon une source sécuritaire camerounaise, n'était pas connu hier à la mi-journée. A l'adresse du Nigérien, Mahammadou Issoufou, il lance: «tu vas voir. Président du Niger, tu vas voir». «Tu fais partie de ceux qui sont allés compatir avec (le président français François) Hollande, le petit-fils de Charlie Hebdo». Le Niger a connu le week-end dernier de violentes émeutes contre la publication d'une caricature de Mohamed (Qsssl) par l'hebdomadaire français Charlie Hebdo, qui ont fait dix morts. Les manifestants reprochaient aussi au président Issoufou d'être allé manifesté à Paris et d'avoir déclaré «Je suis Charlie» sur les ondes de RFI. Boko Haram n'a pas encore attaqué le Niger, mais il contrôle une partie de la frontière entre ce pays et le Nigeria. Des milliers de réfugiés nigérians affluent au Niger, et selon des analystes, Boko Haram pourrait se servir des zones frontalières pour recruter des combattants et se fournir en armes et en ravitaillement. Cette diatribe de Shekau accompagnait la revendication diffusée mardi soir de l'attaque contre la ville de Baga, au moment où 13 pays africains et non africains discutaient dans la capitale du Niger des moyens d'unir leurs forces contre le groupe islamiste. L'attaque début janvier contre cette ville du nord-est du Nigeria et plusieurs localités des rives du lac Tchad est «la plus grande et la plus destructrice» des six années d'insurrection de Boko Haram et a fait «des centaines» de morts, voire plus, selon Amnesty International. La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé mardi que ses services «rassemblaient des informations» sur l'attaque. Aucune indication n'est donnée sur la date ou le lieu de l'enregistrement de la revendication de Boko Haram. A plusieurs reprises ces derniers mois, les pays voisins du Nigeria ont critiqué le choix de Baga, au milieu des fiefs de Boko Haram, comme base de déploiement d'une force régionale de lutte contre Boko Haram. Ils se sont également amèrement plaint du peu de combativité de l'armée nigériane et de désertions en masse face aux islamistes de Boko Haram. Une coopération militaire avait été actée fin 2014 entre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (qui comprend Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad). Mais la force régionale, composée de 700 militaires issus de chacun des quatre pays, ainsi que du Bénin, voisin du Nigeria, peine à se matérialiser. La réunion dans la capitale nigérienne aspirait à corriger cette tendance, alors que Boko Haram a pris le contrôle de vastes territoires du nord-est du Nigeria et multiplie les incursions au Cameroun voisin. La montée en puissance de Boko Haram traduit «notre lenteur et notre incapacité à lui opposer une réponse robuste», a observé le ministre nigérien des Affaires étrangères Mohamed Bazoum, pour qui «la situation sécuritaire au Nigeria et dans le bassin du lac Tchad s'est considérablement dégradée».