L'arrivée de Syriza à la tête du pays fascine de nombreux partis de la gauche radicale européenne «J'ai perdu 118 camarades. Ils ont été exécutés pendant la guerre civile. A cette époque, avant chaque bataille, on se fixait des objectifs, on annonçait nos rêves et nos buts, parce qu'on savait que tout le monde ne reviendrait pas vivant. On voulait que les survivants parviennent à réaliser quelques-uns de ces rêves. Et c'est moi qui ai survécu le plus longtemps» Manolis Glezos résistant grec Ça y est, un parti de gauche de la gauche accède au pouvoir et a pour ambition de proposer une alternative contre l'austérité et la rapacité du grand capital. Sitôt connu le résultat, Syriza a remporté nettement les législatives dimanche, avec 36,3% des voix. Le leader Alexis Tsipras conteste l'austérité imposée par l'UE, «Le verdict du peuple grec dit-il signifie la fin de la ́ ́troïka ́ ́.» Il a aussi déclaré vouloir «collaborer et négocier» avec les créanciers du pays une «nouvelle solution viable, durable qui bénéficie à tous». L'arrivée de Syriza à la tête du pays, fascine de nombreux partis de la gauche radicale européenne, qui y voient un appui populaire à leur lutte contre les politiques de rigueur dans la zone euro. Pablo Iglesias,dirigeant de Podemos, en Espagne, voit en cette probable victoire «le retour de la souveraineté nationale» pour les pays du Sud, davantage minés par la crise économique. La lutte des peuples contre le néolibéralisme Ce qui se passe en Grèce nous met en perspective la férocité du néolibéralisme sauvage qui broie les cultures, les civilisations et les peuples, se faisant aider par des Etats qui ne peuvent rien refuser aux multinationales dont les bénéfices ne cessent d'augmenter. Un éditorial du Monde diplomatique nous montre comment la misère, qui était le monopole des pays du Sud, notamment avec «les ajustements structurels» du FMI, a été étendue aux classes laborieuses du Nord, qui se paupérisent de plus en plus sous l'action des plans de rigueur. Nous lisons: «Autrefois, il y avait le premier monde, le 'Nord'', censé constituer un bloc de prospérité; le deuxième monde, celui des pays soviétiques; et enfin le tiers-monde, regroupant les pays pauvres du 'Sud'' et soumis dès les années 1980 aux diktats du Fonds monétaire international (FMI). Le deuxième a volé en éclats au début des années 1990 avec la dissolution de l'Urss. Avec la crise financière de 2008, le premier monde a basculé; si bien que désormais, plus aucune division géographique ne semble pertinente.» (1) (2) «On ne distingue plus que deux catégories de population: la poignée de ceux qui profitent du capitalisme contemporain et la grande majorité, qui le subit. Notamment à travers le mécanisme de la dette. Au cours des trente dernières années, les maillons faibles de l'économie mondiale se situaient en Amérique latine, en Asie ou dans les pays dits «en transition» de l'ex-bloc soviétique. Depuis 2008, l'Union européenne, à son tour, suscite le doute. Alors que la dette extérieure totale des pays d'Amérique latine atteignait en moyenne 23% du Produit intérieur brut (PIB) fin 2009, elle s'établissait à 155% en Allemagne, 187% en Espagne, 191% en Grèce, 205% en France, 245% au Portugal et 1137% en Irlande. Du jamais-vu.» (2) Personne ne va discuter de la dette de l'Allemagne ou de celle de la France qui arrive à emprunter à des taux faibles contrairement aux pays du Sud de l'Europe ce qui est en train de se passer à Athènes écrivait Alex Andreou en ce moment, c'est la résistance contre une invasion à peu près aussi brutale que celle de la Pologne en 1939. Les envahisseurs portent certes, des costards au lieu des uniformes, et sont équipés d'ordinateurs portables plutôt que de fusils, mais ne nous trompons pas: l'attaque contre notre souveraineté est tout aussi violente et profonde. Les intérêts de fortunes privées sont en train de dicter la politique à adopter par notre nation souveraine, qui est expressément et directement contre l'intérêt national. L'ignorer, c'est ignorer le danger. Peut-être préférez-vous vous imaginer que tout ceci va s'arrêter là?» (3) Parmi les mythes collés aux Grecs il y a d'abord le mythe faisant des Grecs des paresseux. Un autre mythe est le fait que les Grecs veulent le plan de sauvetage, mais pas l'austérité. On comprend dans ces conditions que les Grecs las d'être humiliés tous les jours, d'être gérés par des mails à partir de Bruxelles, de se serrer la ceinture et de constater les dégâts avec un chômage qui touche une personne sur quatre, veulent voir autre chose. Ils s'en remettent à un nouveau parti jeune Syriza, avec un leader charismatique Alexis Tsipras qui leur promet une sortie du tunnel dans la dignité Malgré sa restructuration en 2012, la dette de l'Etat grec dépasse désormais les 175% du produit intérieur brut (PIB) et représente un handicap pour la croissance. Les 321,7 milliards d'euros de dette sont détenus à 70,5% par les créanciers internationaux. Le FMI a prêté 32 milliards d'euros, les autres pays de la zone euro 53 milliards par des prêts bilatéraux, tandis que le Fonds européen de stabilité financière (Fesf) a accordé 141,8 milliards. Ce feuilleton de la dette grecque nous rappelle étrangement la dette des 26 milliards de dollars que nous avons remboursée plusieurs fois en termes d'intérêt (service de la dette) alors que le principal était constant! Nous nous tenions le ventre chaque fois que Michel Camdessus venait à Alger nous proposer un énième réajustement structurel que nous ne pouvions pas refuser..Il a fallu la manne pétrolière de début 2000 pour pouvoir la payer et ironie du sort ce même FMI tend la sébile, l'Algérie «bon prince» lui prête 5 milliards de dollars avec un intérêt qui défie toute concurrence. Le problème de la dette Une analyse percutante de Jean-Luc Melenchon de la gauche française nous explique en quoi cette dette est insolvable, qu'elle est odieuse: «La victoire de Syriza est un événement historique. (...)Le peuple grec a dit non aussi à ces faux amis, perfides et opportunistes. (...) la France de Hollande et du PS doit être la première à proposer le moratoire sur la dette grecque! Elle doit renoncer à toucher les intérêts sur les titres de dette grecque. (...) Certains prétendent même que son annulation [la dette] provoquerait une catastrophe financière majeure. En réalité, tout le monde sait que cette dette est impayable. Je demande que l'on prenne cette expression au pied de la lettre. On ne peut pas la payer. Dire qu'elle sera payée est absurde. Cela revient à annoncer au peuple concerné qu'il devra consacrer toutes ses ressources, à perpétuité, à payer la dette. Car ce genre de dette est une boule de neige. Elle représentait 120% de la richesse annuelle de la Grèce au début de la crise. Après 5 ans de cure d'austérité totale elle représente 190% de la richesse produite en une année! Les puristes disent «une dette est un accord entre deux parties, il faut le respecter»: donc il faut la payer. (...) Il va de soi que la vie en société repose sur le respect des conventions signées. Mais un premier débat porterait évidemment sur la légitimité de l'accord conclu. Un bon accord suppose l'égalité des parties et donc la liberté d'agir de chacune d'entre elles. Exemple: une signature donnée sous la contrainte n'entre pas dans cette catégorie(...)» (4) Jean-Luc Melenchon cite des cas où les dettes ont été effacées: «Au moment de la discussion sur la dette, on pourrait vérifier si la valeur du capital emprunté a été ou non remboursée. La surprise, ce sera de constater que dans la plupart des cas, le capital initial est largement remboursé. Ainsi quand on entend dire «il faut rembourser la dette» la phrase est souvent un mensonge. Il faudrait dire «il faut payer les intérêts». (...) il arrive que les prêteurs soient conscients du fait que leurs exigences sont insoutenables et que, s'ils les maintiennent, tout le système qui les contient eux-mêmes pourrait s'effondrer. C'est ce qui s'est produit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à propos de l'Allemagne vaincue. Sa dette à l'égard des autres pays fut effacée en quasi-totalité. Il s'agissait d'empêcher que le martyre du remboursement des immenses dégâts et carnages dus aux armées allemandes dans toute l'Europe pousse les citoyens dans les bras des communistes et de l'Allemagne de l'Est. Le 27 Février 1953.» (4) [En fait la dette de l'Allemagne a été annulée trois fois auparavant à partir de 1924, souvenons-nous du slogan français: «l'Allemagne paiera»] La dette d'avant-guerre, fut radicalement réduite de 22,6 milliards à 7,5 milliards de Marks. L'autre effacement est celui de la dette... de l'Irak. Les Etats-Unis dénoncèrent la dette contractée par le régime de Saddam Hussein. Bush fils la nomma «dette odieuse», reprenant un terme que seuls utilisaient déjà les altermondialistes. (...) Au final, la dette irakienne fut annulée à 80%! Cela représentait 120 milliards de dollars! «(...)Si la Grèce doit payer la dette poursuit Jean-Luc Melenchon, ne doit-on pas lui rembourser d'abord celle qu'elle détient auprès des autres, C'est exactement ce que dit Tsipras. Les Allemands ont occupé la Grèce au cours de la Seconde Guerre mondiale et ils se sont livrés dans ce pays à plusieurs massacres de masse en plus des destructions habituelles. Le comble du cynisme, c'est qu'ils ont fait payer à la Grèce les «frais d'occupation». Cela représente 168 milliards d'euros actuels. Tsipras a donc prévu de les réclamer à l'Allemagne. (...) Peut-être dira-t-on que c'est de l'histoire ancienne et qu'il faut savoir tourner la page. Soit. Mais alors la règle doit s'appliquer dans tous les cas.»(4) L'auteur cite enfin le cas de la France qui a ressuscité une dette d'un siècle: «Ce n'est pas ce qu'a fait la France quand elle a réclamé au nouveau pouvoir russe de monsieur Poutine le paiement des emprunts russes contractés à la fin du dix-neuvième siècle par les tsars de Russie. Cette dette avait été annulée par le gouvernement des bolchevicks. Cette question des emprunts russes a été réglée par un accord signé en 1997 entre la France et la Russie. Il a consisté en un versement par la Russie à la France de 400 millions de dollars! Les Russes ont donc payé à la fin du vingtième siècle pour une dette dont les premiers titres datent de 1898! (...) Pourquoi imputer à tout un peuple les pillages de quelques-uns? Surtout quand ce petit nombre maquillait les comptes publics pour cacher ses turpitudes. Et cela avec l'aide d'une banque, Goldman-Sachs, que nul n'a inquiétée depuis pour ces faits?» (4) Ce qui va vraisemblablement se passer à propos de la dette Il est évident qu'il y aura des négociations. L'Europe a besoin de la Grèce pour sa cohésion et une sortie de la Grèce de la zone euro est plus catastrophique pour l'Europe que pour le peuple grec qui a atteint le fond en termes d'avanies. La «troïka» des créanciers de la Grèce - Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI) et Commission européenne - craint désormais moins un «Grexit» (une sortie du pays de la zone euro),techniquement difficile, qu'une longue et âpre négociation autour du plan d'aide dont a bénéficié le pays. pour le Wall Street Journal. Les promesses non tenues de la Syriza pourraient ramener la colère dans la rue.» Dès lundi 26 janvier, la BCE a donné le ton. Lundi, le gouvernement allemand a réaffirmé exclure un troisième allègement de la dette publique grecque. «La ́ ́troïka ́ ́ elle-même sait qu'Athènes peinera à s'en sortir si on ne l'allège pas d'une façon ou d'une autre», (..) Cet allégement pourrait prendre deux formes. La première, et plus probable, serait de ne pas toucher au montant total de la dette, mais d'allonger la maturité des prêts et réduire les taux d'intérêt, La seconde option serait d'effacer littéralement une partie de la dette. Plusieurs modalités seraient possibles, mais toutes seraient politiquement explosives. (5) Les premières mesures du gouvernement d'Alexis Tsipras On sait que la fin des mesures d'austérité telles qu'elles sont imposées par la troïka (FMI, Union européenne et Banque centrale européenne) est depuis longtemps le fer de lance du programme de Syriza. L'abolition de certaines mesures particulièrement impopulaires est considérée comme prioritaire: Le programme de Syriza envisage également de rétablir le plancher d'imposition minimum à 12.000 euros par an, contre 5000 euros aujourd'hui. Syriza veut aussi porter le salaire minimum à 750 euros contre 510 euros. Au-delà des mesures d'austérité, c'est la renégociation de la dette qui est le véritable enjeu. «Une partie de la dette doit être tout simplement supprimée. Le reste doit être remboursé à un rythme différent, avec un gel des paiements pendant un temps, lesquels devraient être indexés sur la croissance interne afin d'encourager les investissements nécessaires à la reprise du pays», explique Olga Athaniti, l'une des responsables de Syriza à Bruxelles». (6) «La bureaucratie étouffe toute initiative, même les entrepreneurs souhaitent un changement. Or, supprimer la paperasserie ne demande même pas d'argent», souligne-t-elle. La lutte contre le «crime économique» devrait non seulement être renforcée mais pourrait contribuer à trouver des ressources, «en luttant plus efficacement contre la contrebande d'essence ou de cigarettes et l'évasion fiscale». Parmi les citadelles à abattre pour Syriza, les médias audiovisuels privés sont en première ligne. Détenus par les grandes fortunes du pays, qui s'en servent comme moyen de pression sur le gouvernement, ils sont considérés comme de véritables organes de propagande du pouvoir en place. «Il faut remettre aux enchères les licences de diffusion que leurs propriétaires ont obtenues gratuitement. Ce qui permettrait de dégager également près de 100 millions d'euros.» (6) Les conséquences de la victoire de Syriza Rien de nouveau sous le soleil. La réduction d'une partie de la colossale dette grecque (175% du PIB), et la remise en cause de certaines lois imposées par la troïka comme l'assouplissement du marché du travail, pourraient constituer des casus belli entre Athènes et ses créanciers. La chancelière allemande Angela Merkel qui pendant longtemps fustigeait la Grèce pour son manque de constance parle désormais de trouver ́ ́tranquillement des solutions ́ ́. La politique de Syriza peut-elle remettre en cause le maintien de la Grèce dans l'euro? Pour le moment, il n'en est pas question. Il reste qu'un vent nouveau souffle sur les peuples européens qui ont acquis la certitude que tout n' était pas gravé dans le marbre, que les peuples ont leur mot à dire. Il faut simplement espérer que cela ne soit pas une victoire à la Pyrrhus et que les Grecs ne soient pas les premiers déçus. Ils seraient alors capables par désespoir de tous les extrêmes. Ce sont tous les peuples d'en bas qui espèrent une autre politique plus avec un libéralisme à visage humain loin de la situation scandaleuse actuelle où 80 milliardaires sont plus riches que 50% de la population mondiale. (1) http://www.legrandsoir.info/le-diktat-des-banques-le-peuple-grec-dans-le-laminoir-du-neoliberalisme.html (2) Europe http://www.monde-diplomatique.fr/ 2011/07/MILLET/20796 3.Alex Adreou http://owni.fr/2011/06/26/la-crise-grecque-au-dela-de-la-mythologie/ 4.Jean-Luc Mélenchon 26 janvier 2015. http://www.legrandsoir.info/l-effet-domino-vite.html 5.http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/01/26/la-dette-priorite-du-nouveau-gouvernement grec_4563198_3234.html#LqVGhqSp8UwsPggF.99 http://www.liberation.fr/monde/2015/01/25/ces-trois-dossiers-attendent-l-equipe-tsipras_1188622?xtor=EPR-450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=quot