Le ministre français revient avec l'objectif précis de finaliser le partenariat d'exception en attendant de sceller le fameux Traité d'amitié. Les deux chefs d'Etat algérien et français n'ont apparemment pas perdu de temps. Voulant faire d'une pierre deux coups, le périple de Bouteflika en terre hexagonale pour assister aux commémorations du 60e anniversaire du débarquement en Provence, a été une occasion propice pour pousser les relations bilatérales dans le sens de la consolidation. Sarkozy, qui doit mettre en place les mécanismes de la refondation à travers le paraphe de plusieurs projets, revient le 29 du mois courant en ramenant dans sa valise des contrats tout aussi alléchants que ceux qu'il a pu décrocher lors de son dernier déplacement en juillet dernier. Il faut dire que la célérité avec laquelle est engagé ce partenariat dénote l'importance qu'a pris soudainement le marché algérien d'autant plus que le vent tourne actuellement en faveur de l'Algérie qui engrange des réserves de change estimées à 40 milliards de dollars. La décrispation des relations entre Alger et Paris est due essentiellement à la détermination des deux parties à amorcer un nouveau virage où la France en tant que premier partenaire économique, aurait tout à gagner. La dernière visite de Sarkozy s'était soldée par la signature d'un aide-mémoire sur le partenariat pour la croissance et le développement portant sur deux milliards d'euros. Le grand argentier de l'Hexagone avait alors eu cette subtile phrase pour qualifier son exploit: «Jamais la France n'a signé un accord économique aussi important.» Elle résume à elle seule l'importance des marchés accordés aux opérateurs français qui ne comptent pas s'arrêter à ce niveau d'échanges. Le montant de l'accord s'élève à deux milliards d'euros. 288 millions d'euros de conversion de dettes en investissements, 780 millions de crédits concessionnels, 1 milliard d'euros de crédits commerciaux garantis par la Coface destinés à couvrir de futurs contrats, notamment dans les secteurs des transports, des télécommunications, de l'électricité, des hydrocarbures, des biens d'équipements industriels, des services urbains et de l'habitat. Le secteur de l'eau a eu lui aussi une enveloppe financière conséquente puisque selon le communiqué sanctionnant la signature de l'accord, «la France a confirmé sa participation au financement du projet de transfert d'eau de Taksebt sous forme de crédits concessionnels pour un montant maximum de 80 millions d'euros». Il était également question de l'exploitation des réseaux de distribution d'eau d'Alger, d'Oran et de Constantine afin, «de les moderniser et d'en assurer une meilleure gestion.» La partie française a estimé que «l'importance des moyens à mettre en place exigera la combinaison de plusieurs sources de financement». Elle s'est engagée à apporter à ces projets un crédit concessionnel de l'ordre de 100 millions d'euros. Le ministre français a passé en revue les autres secteurs névralgiques, sans omettre celui de l'habitat et de l'urbanisme. Ce secteur bénéficie de l'apport de l'Agence française de développement (AFG) qui s'élève à 75 millions d'euros destinés à la réhabilitation des zones d'habitat précaire et à la reconstruction d'édifices détruits par le dernier séisme. Il était question que les compétences françaises contribuent au développement du logement. L'aide-mémoire consacrant ce volet économique «repose sur la conviction partagée qu'il est de l'intérêt de l'Algérie et de la France de tirer profit du haut degré de complémentarité des deux économies, dynamiser l'essor de leurs échanges et multiplier les intérêts croisés entre leurs opérateurs, notamment en développant le partenariat et l'accroissement des investissements en Algérie». Un net intérêt est accordé à la sphère économique privée dans le but de «favoriser la croissance et l'emploi». Le ministre français avait déclaré: «La partie française soutiendra, auprès du Club de Paris, la demande de porter à 30% le plafond de conversion de dettes en investissements actuellement limité à 10% de la dette éligible.» Parallèlement aux actions menées pour promouvoir l'investissement en Algérie, 55 millions d'euros, sous forme de prêts bonifiés, ont été octroyés par l'AFD pour faciliter l'investissement des petites et moyennes entreprises (PME). La réforme bancaire était également à l'ordre du jour car «la croissance et le développement exige un secteur bancaire performant». Les deux ministres ont décidé la création, par les organisations professionnelles bancaires des deux pays, d'un groupe de travail chargé de leur proposer, d'ici à décembre, les moyens à mettre en oeuvre afin de favoriser la diffusion de l'expérience française, de promouvoir un partenariat multiforme des deux pays et d'accroître les formations aux métiers de la banque. A cet effet, on annonce qu'un programme de formation de haut niveau en économie et en finances, issu des grandes écoles sera lancé dès 2005. «Les présidents Bouteflika et Chirac ont ouvert une nouvelle étape dans l'amitié algéro-française et il appartient à nous, ministres, de la concrétiser», avait conclu Sarkozy. Un avis d'appel d'offres pour le montant de 61 millions a été lancé aux investisseurs intéressés pour l'achat des créances sur l'Algérie; ces derniers ont été invités à soumissionner par le biais de leur banque, étape obligatoire, avant de recueillir l'accord des autorités algériennes sur les projets considérés. Les opérations de conversion ne pourront être utilisées que sous la forme d'un investissement en capital dans une entreprise en Algérie. Le volet militaire a la part du lion. Longtemps mise sous embargo, l'Algérie recouvre peu à peu son droit au chapitre. La visite de la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, qui a séjourné à Alger les 16 et 17 juillet dernier a permis de poser les jalons d'une coopération militaire efficiente. La responsable française avait déclaré que «les relations de défense font partie du développement des relations bilatérales entre les deux pays».Le journal français Le Monde avait rapporté que l'Algérie compte acquérir des avions de chasse français de type Rafale. Le contrat aurait été formellement conclu entre les deux chefs d'Etat, algérien et français, lors du déjeuner privé qu'a offert Chirac à Bouteflika au fort Brégançon dans le Var, au lendemain de la commémoration du débarquement de Provence. Sur le plan diplomatique, un assouplissement dans le traitement des visas avait été annoncé par le Quai d'Orsay. 50% seraient traités à Alger. Au chapitre des contentieux historiques, on enregistre un léger mieux: «Il semble qu'on ait fureté assidûment pour enfin trouver, dans les interstices des pages de l'histoire tumultueuse des deux pays, des lignes communément glorieuses, susceptibles de consolider davantage encore la grande amitié que les présidents Chirac et Bouteflika n'ont cessé de promouvoir depuis cinq années déjà», avait suggéré un éditorialiste français.