La visite, aujourd'hui, du ministre français des Affaires étrangères à Alger constitue un moment clé dans la relance des relations bilatérales qui ont connu un certain refroidissement en 2005, principalement en raison du vote de la loi française du 23 février. Les discussions porteront essentiellement sur le traité d'amitié et la coopération dans tous les secteurs d'activité. De l'euphorie au scepticisme. En mars 2003, la visite d'Etat du président Jacques Chirac à Alger avait allumé une flamme qui laissait présager une normalisation définitive des relations entre la France et l'Algérie. Après une décennie 90 difficile durant laquelle le dialogue politique a été quasiment inexistant comme peut l'illustrer la rencontre avortée entre Zeroual et Chirac en 1996 à New York, l'arrivée de Bouteflika a marqué un tournant décisif. Très vite, il a été reçu en visite d'Etat à Paris. Si ce voyage en juin 2000 ne fut pas aussi fructueux qu'espéré — souvenons-nous de la fameuse sentence de Bouteflika affirmant “je reviens les mains vides” —, il a permis de jeter les ponts pour la refondation de la relation bilatérale. La population algérienne a bien senti ce rapprochement en réservant à Chirac un accueil mémorable, parfaitement spontané. Point d'orgue de sa visite d'Etat, la déclaration d'Alger énonçait le projet d'un partenariat privilégié promis à être scellé par un traité d'amitié à l'image du Traité de l'Elysée de 1963 entre la France et l'Allemagne. “Les deux pays ont décidé, à l'occasion de la visite d'Etat du président de la République française, de donner un élan décisif et de consacrer l'œuvre de refondation et de restructuration des relations bilatérales initiée au plus haut niveau des deux pays depuis la visite d'Etat en France du président de la République algérienne démocratique et populaire. Elles ont convenu en ce sens, sans oublier le passé, de jeter les bases d'une relation globale forte, confiante et résolument tournée vers l'avenir. Le processus de refondation de la relation d'ensemble entre la France et l'Algérie se pose, dans ce contexte, comme objectif et finalité, l'instauration de rapports privilégiés et d'un partenariat d'exception ayant vocation à se poser comme modèle de coopération dans la région et dans les relations internationales. Ce partenariat d'exception relève fondamentalement de l'action des deux gouvernements qui en fixent les contours et le contenu. Il s'enrichit également de l'apport essentiel des sociétés civiles française et algérienne dont la contribution et le dynamisme constituent un atout précieux dans les liens sans équivalent établis entre les deux peuples”. Telles étaient les intentions proclamées par la Déclaration d'Alger que la réélection une année plus tard de Bouteflika ne pouvait que conforter. Jacques Chirac s'était d'ailleurs empressé de le féliciter en se rendant à Alger. L'année 2004 aura été marquée par un intense échange de visites qui a vu Alger recevoir les principaux ministres français : Michel Barnier (Affaires étrangères), Michèle Alliot-Marie (Défense), Nicolas Sarkozy (Economie et Finances), Dominique de Villepin (Intérieur). Les échanges commerciaux se sont intensifiés atteignant le record de plus de 7 milliards d'euros. Un accord a été finalisé pour la première fois en vue de convertir une partie de la dette en investissements. Le nombre de visas délivrés a augmenté... L'élan était ainsi pris pour faire de l'année 2005 celle des malentendus enterrés et d'une confiance retrouvée avec la signature d'un traité d'amitié. Nul n'imaginait que cet envol pouvait être freiné. Ce sera pourtant le cas, et l'année 2005 s'achèvera comme celle du grand rendez-vous manqué. Le parlement français a adopté, le 23 février, sans en mesurer la portée, la loi sur les effets positifs de la colonisation. Sans la vigilance d'historiens et d'associations, elle serait peut-être passée comme une lettre à la poste. Il n'en fallait pas plus pour redonner de la vigueur à un courant politique hostile à tout rapprochement avec la France. Avançant sous les oripeaux du nationalisme, il a mis le président Bouteflika dans l'embarras. Le chef de l'Etat a dénoncé une “cécité mentale qui confine au négationnisme et au révisionnisme” et a même évoqué la “repentance” de la France pour la longue nuit coloniale. L'année 2005 aura été celle de la controverse. Si les visites ministérielles (huit au total) se sont poursuivies, elles n'ont pas atteint le même niveau qu'en 2004, à l'exception de celles de Mourad Medelci et de Thierry Breton, en charge tous deux de l'économie et des Finances. Et tous deux d'accord pour constater que le niveau de la coopération économique reste faible. Avec seulement une centaine d'entreprises et 6 000 salariés, les investissements français directs restent dérisoires. À leur décharge, les opérateurs hexagonaux peuvent invoquer les freins administratifs et bancaires alors que les chantiers sont immenses. Quelles sont les promesses de 2006 ? Il faudra suivre attentivement la visite officielle de Philippe Douste-Blazy. S'il ne faut pas en attendre des annonces spectaculaires, elle constitue un moment politique fort. Au point de ranimer la flamme de 2003 ? ... Y. K.